Intervention de Alain Milon

Réunion du 12 novembre 2018 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2019 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, alors que débute l’examen en séance du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, je voudrais, si vous me le permettez, m’extraire du contenu strict de ce texte pour vous faire part d’une réflexion plus globale. En effet, derrière la technicité apparente et avérée, les chiffres et termes abscons pour tout non-initié se pose la question du modèle social que nous souhaitons maintenir, amoindrir ou refonder.

Depuis plusieurs années, par touches successives et insidieuses, nous modifions, nous transformons, nous dénaturons ce modèle voulu par les pères fondateurs, et nous glissons par approche comptable prééminente vers un système hybride, peu satisfaisant à en juger par le désarroi des professionnels de santé et la déshumanisation ressentie par les patients dans leur relation avec les soignants.

À l’instar de ce jeu, auquel nombre d’entre nous ont joué enfant, qui consistait à retirer délicatement une baguette sans déséquilibrer, a priori, le reste du jeu, les gouvernements successifs ont appliqué à notre système de santé ce jeu de mikado. Le projet proposé cette année s’inscrit dans cette « dynamique » de toujours davantage d’administration et moins de liberté pour les soignants et les patients.

Nous voici parvenus au terme d’un cycle qui doit nous conduire à nous interroger sur le fondement de notre système de santé. Sans cette mise à plat, nous le condamnerons et mettrons en péril son devenir avec tout ce que cela entraîne comme répercussion sur l’évolution de la médecine, des soins, des professionnels de santé et tout l’environnement médico-social, qui permettent une prise en charge satisfaisante de l’individu au cours des différentes étapes de sa vie. C’est bien de cela qu’il s’agit !

Aujourd’hui, la crise de l’hôpital public est telle qu’il ne parvient plus ni à attirer ni même à fidéliser. Et que dire des EHPAD, de la désertification médicale et de la déshumanisation ressentie par tout patient ? À qui la faute ? À personne pris individuellement, chaque intervenant faisant au mieux dans son domaine, mais à une perte de sens due à l’absence de questionnement sur ce que nous pouvons faire et sur ce que nous voulons faire.

La société de ce XXIe siècle débutant n’a plus grand-chose en commun avec celle de l’après-guerre. Les évolutions démographiques, épidémiologiques et technologiques entraînent des mutations irréversibles. Nous changeons de paradigme, et nous ne pouvons continuer à faire comme s’il ne s’agissait que d’apporter des ajustements mineurs.

Si nous n’intégrons pas cette dimension, le modèle républicain qui fonde notre système de santé va s’étioler, se désagréger pour insidieusement laisser place à un système à deux vitesses dont on perçoit déjà les prémices, y compris, paradoxalement, à travers la réforme du « reste à charge zéro ».

L’approche essentiellement comptable, certes nécessaire pour enrayer les dérapages, a atteint ses limites. Il est temps de proposer un autre pacte social. Or la réponse portée par le Gouvernement de « bercyser » la politique sociale est loin d’être à la hauteur des enjeux.

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