En analysant ce projet de loi de financement de la sécurité sociale au prisme de la refondation à conduire, nous pouvons constater, comme le fait Frédéric Bizard dans une tribune fort pertinente, que « le moment est historique : après dix-huit ans dans le rouge, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit un retour à l’équilibre des comptes. Sur le plan économique, la sécurité sociale serait donc sortie de sa longue convalescence. Il n’en demeure pas moins que ce rétablissement est fragile, et les fonctions sociales et politiques originelles de la sécurité sociale sont considérablement affaiblies ».
En effet, ce rétablissement est fragile, car il est fondé sur une dynamique de recettes et sur un transfert d’une partie du financement, non par les cotisations sociales résultant de l’activité économique, mais par l’impôt. Il est également fondé sur une économie de 3 milliards d’euros sur deux ans réalisée au détriment du pouvoir d’achat des retraités soumis à une double peine : augmentation de la CSG, d’une part, et non revalorisation de leur pension à hauteur de l’inflation, d’autre part. Cette mesure, difficilement explicable en période de croissance du PIB, impacte aussi les allocations familiales déjà atteintes dans leur « universalité » par François Hollande. Ainsi, les classes moyennes avec enfant et les personnes âgées se voient lourdement affectées par les mesures gouvernementales.
Pour défendre sa position, le Gouvernement s’efforce de mettre en exergue le volet « social » de son budget. Pour argumenter sa position, il évoque la hausse des minima sociaux, réduisant la sécurité sociale à un plan de lutte contre la pauvreté, argument peu audible par une majeure partie de la population, très attachée au modèle social « à la française » et peu attirée par le modèle anglo-saxon de protection minimaliste et attentatoire à la liberté de choix et l’égalité de traitement.
L’autre danger, plus grave encore sur le moyen et le long terme, réside dans l’absence de dispositions notoires – je ne dis même pas ambitieuses – en matière de prévention et d’innovation. Or il s’agit des deux axes majeurs pour la refondation de notre système. Les dépenses de prévention représentent 2 % en France, contre 3 % en Europe ; elles ont diminué en valeur réelle depuis dix ans.
Une baisse des prix de 1, 2 milliard d’euros des produits de santé aura un impact négatif inévitable sur l’innovation. En effet, le Gouvernement privilégie son plan de reste à charge zéro en optique, dentaire et prothèses auditives. Cette promesse présidentielle va coûter pas moins de 700 millions d’euros sur trois ans à l’assurance maladie pour rendre gratuit l’accès à un panier de soins dit « 100 % santé » de produits et services de faible qualité, puisque sans innovation. C’est ainsi que la couronne métallique sera gratuite, mais pas les prothèses beaucoup plus innovantes.
Le résultat ne peut être autre qu’une tendance à la surconsommation de produits et services de faible qualité par la classe moyenne et un accès à la qualité limité à la classe supérieure, qui paiera en direct ou par une surcomplémentaire santé. Les assureurs privés vont renforcer leur rente en finançant 100 % des prestations de faible qualité, …