Intervention de Michel Amiel

Réunion du 12 novembre 2018 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2019 — Discussion générale

Photo de Michel AmielMichel Amiel :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 présente un objectif financier fort, que je salue, et une double ambition.

L’objectif financier consiste en un retour à l’équilibre pour la première fois depuis dix-huit ans pour ce qui concerne le régime général et le FSV.

Toutefois, il s’agira aussi d’apurer la totalité de la dette à l’horizon de 2024, date d’extinction de la CADES. L’ACOSS, qui porte encore 27 milliards d’euros de dette de la sécurité sociale, transférera 15 milliards d’euros à la CADES entre 2020 et 2022. D’un point de vue comptable, l’effort de 400 millions d’euros portant l’ONDAM à 2, 5 % constitue une mesure appréciable, même si l’on sait que l’évolution tendancielle est, elle, de 4, 5 %.

Concernant la réserve prudentielle demandée par la Cour des comptes, qui existe déjà pour l’enveloppe hospitalière et qui serait étendue à l’enveloppe des soins de ville contre respect de l’ONDAM, comment garantir que cette somme mise en réserve soit rendue si les objectifs sont atteints ?

Pour aborder les mesures spécifiques, il faut se féliciter de la suppression, prévue à l’article 4, du fonds pour le financement de l’innovation pharmaceutique, créé en 2017, comme demandé par la Cour des comptes. Toutefois, on est en droit de penser que l’intégration de ces dépenses dans l’ONDAM aura un effet sur la dynamique de ce dernier, malgré la tentative de dégager des marges de manœuvre sur des médicaments de rente.

L’article 8 prévoit la transformation du CICE en allégement général des charges, ce dont on ne peut que se réjouir par l’effet de cette mesure sur le coût du travail.

L’article 19 a trait aux relations financières entre l’État et la sécurité sociale : la suppression des cotisations sociales compensée par des fractions de taxes – CSG, TVA, taxe sur les salaires concernant les heures supplémentaires, par exemple – renforce un peu plus la mainmise de l’État au détriment du modèle assurantiel de notre système de sécurité sociale. Il faudra être vigilant sur ce point à l’avenir !

Au-delà de l’aspect financier, le texte porte une double ambition : réorganiser notre système de santé et protéger les plus précaires. Le premier point s’appuie principalement sur la déclinaison complète du plan « Ma santé 2022 » dans le cadre d’un projet de loi que vous porterez l’année prochaine et dont le PLFSS pour 2019 ne pose que quelques pierres.

Pour réussir, ce plan, bien accueilli par les organisations syndicales, les fédérations hospitalières et même la Cour des comptes, devra rencontrer l’adhésion de l’ensemble des professionnels de santé, qui, vous le savez, souffrent dans leur quotidien à l’hôpital, en EHPAD, comme dans le secteur libéral.

En ce qui concerne l’ambition de protection, ce PLFSS porte le volet santé du plan Pauvreté présenté par le chef de l’État le 15 septembre dernier.

S’agissant des communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS, et des parcours coordonnés de soins, lesquels ne concernent pour le moment que le diabète et l’insuffisance rénale, on peut légitimement se demander à qui seront confiées la gouvernance des premières et la gestion des seconds. Se profile en effet le risque d’une vision hospitalo-centrée.

Permettez-moi également d’émettre de très sérieux doutes sur la mise en place d’un forfait de réorientation, même si cette mesure a été préconisée par un rapport sénatorial. Il ne s’agit rien de moins que d’une rémunération pour une non-consultation effectuée aux urgences par un urgentiste ou par une infirmière d’orientation et qui déboucherait sur le renvoi du patient vers un très hypothétique parcours de soins en ville. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

À propos du « reste à charge zéro » porté par l’article 33, rappelons qu’en France le reste à charge, de l’ordre de 7, 5 % en moyenne, est parmi les plus faibles des pays de l’OCDE, mais représente, en revanche, 22 % de la dépense en optique, 25 % en matière de prothèses dentaires et jusqu’à 56 % pour les aides auditives. Les plus modestes, en particulier les plus âgés, sont ainsi les plus pénalisés.

L’accord signé en juin 2018 entre l’assurance maladie et les chirurgiens-dentistes porte sur la réévaluation des soins conservateurs, ce qui va dans le bon sens. En effet, la mauvaise santé bucco-dentaire d’une personne âgée sera à l’origine d’un état de dénutrition ou la surdité précipitera un état neuro-dégénératif ainsi que l’isolement social.

L’article 34 porte sur la disparition de l’aide à la complémentaire santé, au profit de la CMU-C, une mesure liée au plan Pauvreté, évaluée à 200 millions d’euros en année pleine. Il est également proposé d’instaurer un renouvellement automatique de la CMU-C pour les allocataires du RSA, le revenu de solidarité active.

Ce PLFSS réaffirme la priorité accordée à la prévention. L’article 40 établit ainsi un dépistage, un diagnostic et une prise en charge précoces des troubles du spectre de l’autisme, ou TSA.

L’article 37 vise à redéployer les examens de santé obligatoires jusqu’à l’âge de 18 ans, en s’appuyant sur une recommandation du Haut Conseil de la santé publique relative à la refonte du carnet de santé, dans l’objectif de renforcer le suivi chez les jeunes.

L’article 38 prévoit la création d’un fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives, telles que le tabac, l’alcool et le cannabis, responsables de 120 000 décès, dont 30 % sont prématurés, c’est-à-dire qu’ils surviennent avant 65 ans.

L’article 39 instaure la généralisation de l’expérimentation de la vaccination antigrippale par les pharmaciens.

Dans le domaine médico-social, je prends acte du fait que les moyens destinés aux EHPAD pour les deux ans qui viennent relèvent de mesures d’urgence, en attendant la réforme de la prise en charge de la dépendance à la fin de 2019, en vue de laquelle vous avez prévu, madame la ministre, une très large concertation.

Si je ne peux qu’être d’accord avec vous, il n’en demeure pas moins que l’entrée dans un EHPAD relève rarement d’un choix, mais s’impose en raison d’une perte considérable de l’autonomie conjuguée à un état polypathologique. Il faut ajouter à cela que le modèle familial a beaucoup changé et que la proportion de personnes âgées restant auprès de leurs enfants sous le même toit est devenue anecdotique. Aussi faudra-t-il, au cours de l’élaboration d’un nouveau système de prise en charge, envisager le statut éventuel des aidants et leur reconnaissance dans leur globalité.

D’un point de vue technique, l’article 41 vise à ramener la convergence tarifaire des EHPAD de sept ans à cinq ans. Une des véritables difficultés, à mon sens, réside dans le fait que le point GIR n’est pas du même montant d’un département à l’autre, ce qui pose un problème d’inégalité territoriale, qui s’ajoute à un reste à charge souvent insupportable.

Tels sont, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les éléments de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et leurs enjeux. En plus d’être pertinents et mesurés, ils me semblent aller dans le bon sens. L’objectif financier est ambitieux, il consiste à ne pas laisser de dettes aux générations à venir et les apports à notre système de protection sociale apparaissent comme innovants et pérennes.

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