Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 dépasse la simple logique budgétaire ou comptable : certes technique, il n’en demeure pas moins structurant pour notre société et pour la prise en compte des besoins sociaux de notre population.
Le cœur de nos discussions portera sur notre protection sociale, un sujet fondamental. Ce dispositif a une histoire : son architecture, construite au lendemain d’une période où la France avait besoin d’une sécurité sur le plan social, se manifeste encore aujourd’hui.
Souvent partagés entre le besoin d’économies et la constante nécessité d’œuvrer dans le sens de la justice sociale, les textes proposés ont, année après année, soutenu des transformations plus ou moins importantes de notre modèle social et médico-social.
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale s’articule autour de quatre axes : le redressement des comptes publics, la transformation de notre système de soins, la protection de nos concitoyens se trouvant dans des situations délicates et le soutien apporté à notre activité économique et à la compétitivité par le biais d’un allégement des cotisations sociales.
Il s’inscrit, certes, dans un calendrier annuel, mais également dans le calendrier des réformes du Gouvernement : plan Pauvreté, plan « Ma santé 2022 », réforme des retraites.
Je tiens à souligner le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, qui sera effectif dès l’année prochaine. Nous ne pouvons que saluer l’intention, sans toutefois pouvoir vous féliciter, madame la ministre, au regard des moyens d’économies sollicités ; j’y reviendrai.
Comme l’a expliqué notre rapporteur général, ce texte prévoit un excédent des comptes du régime général et de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, en plus de ceux du Fonds de solidarité vieillesse. Le transfert de 15 milliards d’euros à la CADES, entre 2020 et 2022, en témoigne également.
Pendant de nombreuses années, l’ensemble des groupes de cette assemblée, mais aussi chacun des citoyens que nous sommes, a plaidé et milité en faveur de cet équilibre. Je ne reviendrai pas sur les positions des candidats que nous avons soutenus à l’occasion de la campagne pour l’élection présidentielle, durant laquelle ce sujet a été fréquemment abordé.
Ce retour à l’équilibre résulte de trois facteurs : la montée en charge de la réforme des retraites de 2010 et le passage de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans ; la politique familiale menée sous le précédent quinquennat et qui s’est traduite par un resserrement des prestations vers les publics modestes ; et les mesures d’économies sur la branche maladie.
Le Gouvernement a choisi cette année de ne pas inclure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale des mesures relatives aux retraites, en prévision de la réforme à venir. M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, présentera les contours d’une réforme, annoncée comme ambitieuse, qui aura une incidence certaine sur l’équilibre de la branche vieillesse, dont nous saluons le solde positif.
Le Parlement sera attentif à cette réforme. Le groupe Union Centriste, au nom duquel je prends la parole, sera vigilant sur la prise en compte des plus fragiles. Il y va du principe d’égalité, le principe même sur lequel s’est construite la République.
Malheureusement, le Gouvernement semble avoir choisi d’équilibrer son budget à grands coups de rabot sur les prestations sociales. Les pensions de retraite fournissent ainsi l’essentiel de l’économie résultant de la désindexation proposée.
À défaut de toucher dès maintenant au système, on attaque donc encore une fois les retraités. Commencée l’an dernier avec la CSG, confirmée en début d’année avec le refus de revaloriser les retraites agricoles, cette politique d’austérité ciblée se poursuit : en 2019, on visera encore les retraités !
Cette « moindre revalorisation », pour reprendre l’euphémisme gouvernemental, représente une économie de 3, 2 milliards d’euros. Dans ces conditions, il est facile de présenter un budget excédentaire. Si le Sénat appelle de ses vœux chaque année l’adoption d’un budget équilibré, c’est avec justice, équité et solidarité que nous souhaitons y parvenir !
Le groupe Union Centriste soutiendra donc l’amendement de notre rapporteur à l’article 44 : nous ne pouvons faire l’économie de la préservation du pouvoir d’achat de nos compatriotes, en particulier des plus âgés.
Toutefois, des dispositions vont dans le bon sens. C’est notamment le cas de l’article 8, qui consacre la transformation du CICE en baisses de charges pérennes jusqu’à 2, 5 SMIC. Cette mesure était souhaitée depuis longtemps. Le Gouvernement s’est montré attentif.
Nous saluons également l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires, prévue à l’article 7. De nombreux salariés attendaient ce geste, qui, je veux le croire, aura des répercussions sur leur pouvoir d’achat. Ma collègue Catherine Fournier y reviendra.
Cette politique sociale s’ajoute à la mesure d’atténuation des effets de la hausse de 1, 7 point de CSG pour les retraités. Les pouvoirs publics doivent entendre leur cri de colère légitime.
Toutefois, madame la ministre, notre sentiment de satisfaction n’est pas total.
En effet, la logique de réduction des dépenses n’est pas suffisante : l’équilibre des comptes ne doit pas se fonder seulement sur les taxes ou des mesures d’économie. Nous tirons à cet égard la sonnette d’alarme, comme l’a très justement fait la Cour des comptes à l’occasion de la présentation de son rapport annuel.
Il nous incombe de mener des réformes plus structurelles, notamment en ce qui concerne les établissements de santé. La situation financière des hôpitaux publics demeure en effet inquiétante, avec une dette de près de 30 milliards d’euros et un déficit record en 2017, même si l’hôpital paie pour la ville.
Au-delà de la question de l’hôpital, d’autres sujets devront être étudiés. Ainsi, quelle est la vision de l’État pour notre démographie médicale ?
À cela s’ajoute la fatigue de notre personnel de santé, qui supporte depuis trop longtemps les méfaits du numerus clausus. Les EHPAD, en particulier, subissent de lourdes difficultés, dont nos aïeux se ressentent.
Je veux, à cette tribune, rendre un hommage appuyé à nos médecins, nos infirmières, nos aides-soignantes, nos sages-femmes, nos puéricultrices et à l’ensemble des maillons de la chaîne de soins. Tous travaillent dans des conditions inacceptables.
Surtout, il est vital de repenser l’offre de soins, d’avoir une vision d’ensemble et d’apporter des réponses plus générales. Le plan « Ma santé 2022 », dont les premières mesures sont financées dans ce PLFSS, est conçu pour s’inscrire dans cette démarche.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale doit se démarquer de manière résolue. En effet, depuis de trop longues années, les pouvoirs publics ont apporté comme seule réponse la diminution de l’offre de soins et la réduction du personnel. Partant, on n’a fait qu’accentuer la fracture territoriale, pour ne pas dire la fracture sociale.
Cette politique inquiète ; elle inquiète les acteurs de terrain, les officines, les entreprises de répartition pharmaceutique. La course effrénée aux économies met à mal ce maillage. On leur demande de faire toujours plus avec moins : cela ne peut plus durer ! Les prestataires de soins à domicile, également, nous ont fait part de leur inquiétude concernant l’effort qui leur est demandé dans le cadre de l’ONDAM.
Repenser l’offre de soins, c’est aussi opter pour la réorganisation des soins sur les territoires. Comme nos collègues de l’Assemblée nationale, « nous attendons de ce PLFSS qu’il accélère, de façon plus significative, la constitution des communautés professionnelles territoriales de santé, afin de développer l’exercice coordonné des professions de santé et de mieux prendre en charge les patients ».
Cette réorganisation devra s’accompagner d’une réorganisation de l’offre de soins hospitaliers.
Enfin, l’accès progressif au dispositif du reste à charge zéro dans l’optique, le dentaire et les audioprothèses est un progrès dont la mise en œuvre rapide suscite des doutes légitimes parmi les parties prenantes. Comme le prévoit l’article 33, elle s’étalera jusqu’à 2021.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera ce projet de loi de financement de la sécurité sociale équilibré budgétairement et, je l’espère, socialement, après adoption des modifications que nous appelons de nos vœux !