Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, Jocelyne Guidez a présenté il y a quelques instants l’avis général du groupe Union Centriste sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, et je rejoins ses conclusions.
Toutefois, je souhaiterais aborder deux mesures dont je partage l’objectif, mais dont la compensation financière m’inquiète quant à l’équilibre des budgets à venir. Il s’agit de l’article 7, qui porte sur l’exonération de cotisations sociales des salariés ayant recours aux heures supplémentaires et complémentaires, et, d’autre part, de l’article 8, relatif à la transformation en 2019 du CICE et du CITS en contrepartie d’une baisse pérenne de cotisations sociales pour les employeurs.
L’article 7 tend à réintroduire de manière édulcorée l’exonération sociale mise en œuvre par la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, entre 2007 et 2012. Celle-ci prévoyait l’exonération fiscale, l’exonération sociale des salariés ainsi que l’exonération patronale.
En l’espèce, l’exonération des heures supplémentaires porte uniquement sur la part salariale des cotisations d’assurance vieillesse de base et complémentaire.
Cette mesure, prévue pour le 1er septembre 2019, devrait concerner l’ensemble des salariés à temps complet ou à temps partiel du secteur privé, ainsi que les agents des trois fonctions publiques, qu’ils soient titulaires ou non, soit près de 9 millions de personnes au total. Cela mobiliserait 2 milliards d’euros en année pleine.
Notons que 69 % des ouvriers, 47 % des employés, 40 % des professions intermédiaires et 22 % des cadres ont recours aux heures supplémentaires. Les salariés et employés en seront donc les premiers bénéficiaires.
Qui plus est, durant l’application de la loi TEPA, près d’une heure supplémentaire sur quatre était effectuée dans une entreprise de moins de 10 salariés et cette proportion s’élevait à près de la moitié pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Ce dispositif en faveur des salariés leur permettra, en moyenne, d’améliorer leur pouvoir d’achat de 200 euros par an. Il convient cependant de s’assurer qu’ils en seront tous bénéficiaires. Aussi, je proposerai un amendement de précision sur ce point.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, comme le relevaient avant moi mes collègues, il semble que ce budget ait été équilibré au rabais en proposant la désindexation des prestations sociales.
Si je salue l’intention de l’exonération proposée, je regrette amèrement qu’elle soit compensée en ponctionnant le pouvoir d’achat des retraités et des familles.
Pour répondre à votre volonté de redonner de la confiance aux entreprises, l’article 8 propose la transformation du CICE et du CITS en contrepartie d’une baisse pérenne de cotisations sociales pour les employeurs.
La loi de finances pour 2018 a supprimé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ainsi que sa déclinaison pour les organismes à but non lucratif. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a mis en place deux mécanismes de remplacement.
Or l’article 8 repousse du 1er janvier au 1er octobre 2019 la prise en compte de la cotisation d’assurance chômage dans le calcul de l’allégement général. Ce décalage découle du constat fait par le Gouvernement que les employeurs bénéficieront du cumul de la créance du CICE acquise au titre des rémunérations versées en 2018 et de la majoration des allégements de charges. Pour les comptes publics, c’est une année double qui apporterait un soutien sans précédent aux employeurs français.
Au même titre que le coup de rabot sur les prestations sociales, je vois là une mesure d’ajustement afin d’équilibrer le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Finalement, ces deux leviers ponctuels en réponse à des mesures qui se veulent pérennes obligeront le Gouvernement à faire preuve d’inventivité l’an prochain pour équilibrer son budget. En effet, quelques milliards d’euros devront être trouvés si la relance économique n’est pas au rendez-vous.
Il convient d’ajouter que le coût du travail au niveau du SMIC sera bien allégé de 10 points au total, mais en deux temps, ce qui représente encore une mesure paramétrique.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les annonces sont belles : exonération des heures complémentaires et supplémentaires, allégement pérenne des cotisations sociales pour les employeurs et budget à l’équilibre. Mais la réalité inquiète : je pense à la désindexation des prestations sociales, renforcée par quelques leviers d’ajustement.
Pour conclure, j’insisterai sur le manque de vision de ce budget pour 2019. Il est décidé de prendre aux uns pour redonner aux autres ou de reporter l’entrée en vigueur de mesures attendues, bref de compenser quelques milliards d’euros avec du one shot. Pour vous donner une image, vous cherchez à combler un trou avec de la terre récupérée d’un autre trou que vous venez de creuser… Je m’inquiète donc pour la suite et pour le nouveau contributeur exceptionnel que vous devrez trouver chaque année.
Nous verrons, in fine, qui seront les victimes collatérales de ce texte, mais sachez que le Sénat cherchera toujours à préserver les retraités et la famille.