Intervention de Michelle Meunier

Réunion du 12 novembre 2018 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2019 — Discussion générale

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après l’intervention d’Yves Daudigny et Jean-Louis Tourenne, je souhaite attirer l’attention sur deux sujets du secteur médico-social qui me tiennent particulièrement à cœur.

Pour avoir rencontré des responsables, des salariés et des familles, je peux vous dire que la situation dans les EHPAD est, dans de très nombreux cas, catastrophique : insuffisance de personnel, conditions de prise en charge qui se détériorent, sans parler, dans de nombreux territoires, du manque de structures.

Peut-on se satisfaire dans notre pays de telles situations ? Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous serez d’accord avec moi : la réponse est non.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale répond-il aux attentes des salariés, des familles, des personnes accueillies ? Pour moi, la réponse est non.

Non, car vous placez votre budget uniquement sous le signe de l’équilibre budgétaire.

Certes, nous pensons toutes et tous ici qu’il faut tendre à l’équilibre financier – c’est d’ailleurs la tendance depuis ces trois dernières années –, mais cela ne peut se réaliser uniquement au détriment des individus et des personnels.

Cela nécessite des choix courageux, que le Gouvernement ne fait pas. Par votre budget, vous allez accentuer les tensions accumulées depuis une dizaine d’années dans les établissements et services médico-sociaux. Les difficultés de gestion du personnel et de remplacement durant les week-ends et les congés entretiennent le cercle vicieux de la crise de vocation : des hommes et des femmes – principalement des femmes, il faut bien le dire – ont fait le choix de ce métier avec l’envie d’aider, d’apaiser la souffrance. Paradoxalement, ils sont pourtant parfois amenés à être eux-mêmes maltraitants.

Les restrictions budgétaires conduisent à une pénurie de personnel. Les conditions de travail, les interventions de plus en plus courtes, chronométrées – nous connaissons toutes et tous des exemples – nourrissent une certaine perte de sens dans l’exercice des métiers du médico-social.

Voilà la réalité, l’une des conséquences d’une course effrénée aux économies. Les clignotants sont au rouge, alors que vous nous dites qu’ils sont au vert.

Je voudrais aborder maintenant la situation des personnes handicapées.

Le domaine du handicap, que je connais pour y avoir travaillé de longues années, est révélateur de l’écart entre vos annonces et leur mise en œuvre. Vous prenez d’une main ce que vous donnez de l’autre. Votre opposition à l’augmentation des plafonds de ressources pour le calcul de l’AAH permet d’éviter de verser cette augmentation aux adultes handicapés en couple. Nous en avons débattu ici dernièrement avec la proposition de loi présentée par notre collègue Cathy Apourceau-Poly.

La suppression du complément de ressources complète le tableau : les personnes en situation de handicap devront se contenter de ce tour de passe-passe pour boucler les fins de mois et essayer d’accéder à l’autonomie financière.

Autre exemple dans ce domaine, celui de la majoration de 30 % du complément de mode de garde pour les familles devant confier leurs enfants handicapés à une assistante maternelle : votre choix de ne verser ce complément qu’aux enfants bénéficiaires de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, l’AEEH, ne concernera que très peu d’enfants de moins de 3 ans, étant donné la difficulté et le temps nécessaire pour poser le diagnostic du handicap. L’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, ne s’y est pas trompée, en précisant que « 0, 6 % des enfants de la naissance à 4 ans et 2 % des 5-9 ans sont bénéficiaires d’une AEEH ».

Cette annonce de majoration du complément de mode de garde risque de ne pas être à la hauteur des attentes des familles concernées par la garde d’un jeune enfant porteur de handicap. C’est bien dommage !

Avec ces deux exemples, mais aussi avec ceux abordés par mes collègues, vous voyez, madame la ministre, que le PLFSS ne répond pas aux attentes du secteur médico-social.

L’an dernier déjà, nous vous demandions d’opérer un tournant, une prise en compte de ces réalités ; aujourd’hui, nous attendons des réponses, et force est de constater que le compte n’y est pas.

Ce que nous voyons, ce que les Françaises et les Français verront, c’est que votre seule préoccupation est la baisse des dépenses.

Or, en matière de santé, vous le savez, la priorité, c’est la qualité, l’équité et le respect des personnes. Comme le rappelait Simone Veil, « avec le temps, le progrès l’emporte toujours. C’est long, c’est lent, mais en définitive, je fais confiance ».

Pour ma part, les conditions de cette confiance ne sont pas réunies : l’amélioration de l’offre de soins que vous évoquez est loin de constituer la réalité vécue par les populations fragiles.

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