Intervention de Jean-Hervé Lorenzi

Commission spéciale transformation entreprises — Réunion du 7 novembre 2018 à 14h20
Audition de Mm. Pierre Cahuc professeur d'économie à sciences po christian saint-étienne titulaire de la chaire d'économie industrielle au cnam et jean-hervé lorenzi président du cercle des économistes

Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes :

Je suis soucieux que le Sénat n'élargisse pas le sujet. Les deux questions que vous avez posées sur l'innovation et les exportations sont très vastes. Il est déjà très compliqué de traiter le projet de loi PACTE en tant que tel.

Pourquoi notre pays, qui a les mêmes qualités et les mêmes défauts qu'il y a vingt ans, qui avait une industrie assez solide, assez diversifié, s'effondre en quinze ans ? Cela reste pour moi un mystère. Les raisons sont multiples, mais cela supposerait d'y consacrer du temps.

Sur l'innovation, le diagnostic est plus favorable. Il y a des domaines de technologies où nous nous révélons être le pays le plus dynamique en Europe.

Le fait de savoir s'il faut ou non un commissaire aux comptes relève de l'intuition. Je défie qui que ce soit d'avoir une idée définitive sur la question. Je pense qu'il ne faut pas trop compliquer la vie des petites entreprises. Si on veut qu'elles fonctionnent, essayons de ne pas trop alourdir leurs comptes d'exploitation.

Je n'ai jamais cru que notre pays était incompétent en économie. On ne devient pas la quatrième puissance économique du monde par hasard. Je prends toujours l'exemple de Puteaux et Courbevoie. Au début du XXème siècle, il y avait 223 entreprises qui y fabriquaient des voitures. C'était un état d'esprit. Mais, je ne sais pas pourquoi notre pays s'est écarté de cette trajectoire. En revanche, je peux évoquer le rôle des économistes dans la société française. La seule rupture qui avait été introduite il y a maintenant une vingtaine d'années, c'était le conseil des économistes qui était auprès du Premier ministre. L'idée était de débattre de l'économie. Ceci a été très utile sur un plan académique - les travaux étaient de très bonne qualité -, mais un peu moins dans l'économie réelle. La seule mesure reprise par les pouvoirs publics est la prime pour l'emploi. C'est un pur produit du conseil des économistes. Les quatre derniers présidents n'ont jamais eu un économiste auprès d'eux. Dans notre société sont considérés comme compétents en économie les administrateurs de l'INSEE - c'était le cas dans ma jeunesse, mais peut-être moins vrai maintenant -, et l'inspection des finances. Toutes les erreurs macroéconomiques qui ont été faites, une fiscalisation trop rapide, sont dues à une non-association d'économistes - comme cela se fait pourtant dans tous les autres pays du monde - qui travaillent depuis de longues années sur la conjoncture économique, aux réflexions de politiques économiques. J'ai peur que l'on ne modifie pas fondamentalement cet état de fait, car l'actuel Président de la République est lui-même inspecteur des finances. C'est un mouvement très profond qui ne se limite pas à l'idée selon lequel les cours d'économie au lycée ignorent le mot d'entreprise. Certes c'est vrai, mais ce n'est pas le fond du sujet. Les erreurs de politiques économiques menées depuis quelques années sont liées au fait qu'il n'y ait pas d'économistes associés. Économiste est un métier à part entière et une vraie compétence. Or, cette dernière n'est pas reconnue dans notre pays. Nous sommes le seul pays où le gouverneur de la banque centrale ne peut pas être un académique, alors que c'est le cas dans la plupart des pays. Mais on ne va pas résoudre ce problème par le projet de loi PACTE.

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