Je vais rapidement évoquer le sujet des retraites en capitalisation. On peut rendre les fonds de pension obligatoires, au même titre que la répartition. Rien n'interdit de dire que toutes les entreprises et les salariés doivent cotiser à des fonds de pension. J'avais même fait une proposition de créer des fonds de pension « de gauche », l'idée étant que vous ayez des conseils de surveillance paritaires, avec des appels d'offre pour que les fonds soient gérés par des spécialistes. Mais, il ne faut surtout pas que l'épargne des salariés soit investie dans les actions de leurs entreprises.
Je souhaite souligner, comme l'a fait Pierre Cahuc, que dans cette loi, il y a trente ou quarante dispositions centimétriques qui vont dans la bonne direction, et une bombe nucléaire qui va potentiellement dans la mauvaise direction. Cela sera dommage de passer sur la question de l'article 1833. En effet, il pourrait faire des dégâts cent fois plus graves que tous les avantages que pourraient amener la loi. Si le Gouvernement insiste sur ce point, je pense qu'il faut simplement lui proposer que cela soit une option supplémentaire. La loi prévoit déjà deux ou trois types d'objectifs pour les entreprises. Il s'agirait d'en ajouter un de plus.
En ce qui concerne le Brexit, il est clair que ce qui nous bloque en matière d'attraction des sièges sociaux et des centres de direction sur la France, est le poids de la fiscalité et des cotisations sociales. Il y a une trentaine d'années, on avait mis fin à une mesure qui plafonnait les cotisations maladie. Dans un contexte où on réfléchit à la transformation du système, replafonner les cotisations maladie à cinq fois le SMIC pourrait être un moyen d'attirer des financiers, mais également des spécialistes de l'intelligence artificielle. Aujourd'hui, un ingénieur spécialisé dans l'intelligence artificielle est payé 300 000 euros. Si ce revenu déclenche des charges de cotisations sociales qui sont trois plus élevées qu'en Allemagne, on créera le centre avancé de recherche en Allemagne et non en France. Le Sénat pourrait avoir, au-delà de la loi, une mission d'analyse et d'information sur le replafonnement des cotisations maladie. On peut parfaitement imaginer que cela soit conjoint avec les allocations chômage. Le gouvernement est en train de se diriger vers un plafonnement des allocations chômage. On pourrait dire qu'il y a un système d'allocation chômage et d'assurance maladie entre zéro et trois, quatre, ou cinq SMIC, et qu'au-delà cela relève de l'assurance privée. Il ne faut pas seulement attirer les financiers, mais il faut surtout attirer les entrepreneurs de la révolution industrielle.
Le gouvernement, sur la fiscalité, a fait un pas décisif avec la suppression d'une partie de l'ISF. Je pense qu'il faudra aller jusqu'au bout sur l'IFI, quitte à imaginer des mesures compensatoires. Le pacte social est très important, le pays peut s'enflammer rapidement sur ce genre de sujet. J'ai réfléchi à la création d'un impôt de GINI. Le coefficient de GINI sert à mesurer les inégalités. On pourrait, en supprimant totalement l'ISF et l'IFI, imaginer avoir un impôt sur la rémunération globale et qu'au-delà de 100 000 euros par exemple, il y a un impôt de GINI de 1%. Ainsi, si vous avez une rémunération globale de 110 000 euros, vous payerez un impôt supplémentaire de 1 % sur 10 000 euros. Cette nouvelle vision de la fiscalité remplacerait la fiscalité sur le capital. Elle aurait l'avantage de rapporter autant, voire beaucoup plus et surtout de ne plus être un blocage en termes d'attractivité pour la place de Paris.
J'ai publié la semaine dernière un article dans le Figaro sur la révolution numérique. Il faut s'interroger sur la raison pour laquelle le Président de la République a globalement échoué ces quinze derniers mois à transformer les institutions européennes et donc à parler à l'Allemagne. On peut évidemment citer les difficultés internes sur le plan politique allemand et l'affaiblissement de Mme Merkel. Mais il y a une clé d'explication venant du fait que l'on ait eu un discours français sur le budget de la zone euro, mais pas de discours allemand sur le même sujet. Nous avons proposé de faire un budget qui financerait de la redistribution, alors que le ministre de l'économie allemand, pour sa part, était prêt - il s'est exprimé à ce sujet en juillet dernier - à mettre en place un fonds commun entre la France et l'Allemagne pour financer la révolution technologique. Cela permettrait de rattraper une partie de notre retard. Le ministre allemand a même proposé un fonds immédiat de 10 milliards d'euros. Mais il n'y a pas eu de réponse de la France. Très souvent, ce sont des dialogues de sourds entre la France et l'Allemagne, et l'Europe est démunie sur ce sujet.