Intervention de François E

Commission spéciale transformation entreprises — Réunion du 7 novembre 2018 à 14h20
Table ronde consacrée aux privatisations réunissant mm. martin vial commissaire aux participations de l'état emmanuel de rohan chabot président de l'association française des jeux en ligne fjel françois ecalle président de fipeco et yves crozet économiste des transports

François E :

calle, président de FIPECO. - Merci de m'avoir invité à vous parler des privatisations. J'interviendrai plutôt au sujet d'ADP, mais mon propos aura une portée assez générale.

En premier lieu, il faut totalement séparer la question du financement de l'innovation de celle des privatisations. En second lieu, il faut que ces privatisations se fassent dans l'intérêt financier de l'État, indépendamment du financement de l'innovation. Enfin, les intérêts des clients des entreprises privatisées doivent être préservés par une régulation adéquate.

S'agissant du premier point, ainsi qu'on l'a rappelé, le produit des privatisations devrait alimenter un fonds pour l'innovation de 10 milliards d'euros qui devrait lui-même permettre d'attribuer chaque année 250 millions d'euros à des aides à l'innovation. Cela représente 1 % des crédits de la mission « Enseignement supérieur et recherche », soit moins d'un millième des crédits du budget général. Il n'y a strictement aucun problème pour redéployer des crédits budgétaires à hauteur de 250 millions d'euros, et le Gouvernement, qui a présenté ce matin un projet de loi de finances rectificative, va certainement vous le proposer pour des montants bien supérieurs.

Ce fonds pour l'innovation, selon moi, n'a aucun intérêt d'un point de vue budgétaire. En outre, il ne disposera jamais de 10 milliards d'euros, puisqu'il reversera automatiquement ces 10 milliards d'euros à l'État et ne disposera que d'un revenu annuel fixé forfaitairement à un taux de 2,5 %.

Ces privatisations doivent donc se faire dans l'intérêt financier de l'État, indépendamment de cette question. C'est possible, car ces privatisations vont permettre à l'État non pas de se désendetter - l'État ne se désendette jamais -, mais de moins emprunter, donc de faire des économies sur sa charge d'intérêt.

D'un autre côté, l'État va renoncer à des dividendes. Ces privatisations présenteront donc un intérêt financier si la somme actualisée des économies que va réaliser l'État sur sa charge d'intérêts est supérieure à la somme actualisée des dividendes qu'il aurait reçus s'il n'avait pas réalisé ces privatisations.

Le calcul n'est pas évident : aujourd'hui, l'État emprunte à 0,7 % sur dix ans, et la rentabilité d'ADP est nettement supérieure à 0,7 % par an. Il faut également tenir compte du risque associé au versement de dividendes. L'équation peut cependant être résolue. Cela dépendra du prix de cession. Il faut que celui-ci soit suffisamment élevé. Cela dépendra du processus de mise en concurrence des acheteurs potentiels.

Il convient aussi que la concurrence entre les acheteurs potentiels soit suffisante, et que le critère de choix du ou des repreneurs soit clair. Il ne faut retenir qu'un seul critère, celui du prix. Enfin, comme l'a rappelé Martin Vial, il faut que l'État, avant l'ouverture de ce processus, fixe un prix minimum et accepte de renoncer à cette opération si ce prix n'est pas atteint.

Le prix de cette opération de cession va dépendre évidemment du degré de fermeté de la régulation : plus la régulation des activités du futur actionnaire d'ADP sera stricte, moins le prix sera élevé. Ce sera moins intéressant.

Pourtant, cette régulation est indispensable. Certes, si on privatise, c'est parce qu'on espère qu'un actionnaire privé gérera mieux ces entreprises publiques que l'actionnaire public. C'est tout l'intérêt socio-économique d'une privatisation. Les coûts seront plus faibles et le prix également, constituant ainsi un avantage pour les clients.

D'un autre côté, ADP a un très fort pouvoir de marché. C'est un quasi-monopole naturel. Inévitablement, des actionnaires privés d'ADP auront donc tendance à relever les redevances et à dégrader la qualité du service. Il faut une régulation stricte, ce qui est prévu dans le projet de loi PACTE. Je reconnais que les dispositions sont très strictes. Je pense que la régulation qui est prévue est plus rigoureuse que tout ce qu'on a fait jusqu'à présent en matière de régulation de délégation de service public.

Il existe cependant deux faiblesses. L'une est inévitable. Elle est liée à la durée de cette simili-concession de 70 ans. Personne ne sait aujourd'hui ce que seront le transport aérien et la région Île-de-France dans 70 ans. Le cahier des charges d'ADP sera donc renégocié inévitablement. En cas de renégociation d'une délégation de service public, d'un partenariat ou de ce genre de contrat, celui qui détient le contrat est toujours en position de force.

La deuxième faiblesse du dispositif prévu dans le projet de loi PACTE réside, selon moi, dans le fait que l'on maintient ce qui existe déjà à ADP : un système dit de double caisse - d'un côté les recettes de redevances aéroportuaires et, de l'autre, les recettes tirées des activités commerciales. Comme beaucoup d'économistes, je ne suis pas persuadé que ce système de double caisse soit avantageux pour les clients, les compagnies aériennes et les passagers des aéroports.

Je pense néanmoins possible que cette privatisation se fasse dans l'intérêt financier de l'État, en préservant les intérêts des clients d'ADP, mais cela va être très compliqué.

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