Merci. Nous ne sommes pas ici pour exprimer une position sur le principe des privatisations. Ce n'est ni notre rôle ni notre envie.
Un peu d'histoire en ce qui concerne la régulation des jeux. Jusqu'en 2010, le principe des jeux en France consistait en une interdiction assortie de dérogations. Il existait trois grandes dérogations, la FDJ pour les jeux de hasard pur, le PMU pour les paris hippiques, les casinos. La loi de 2010 a modifié cette répartition des rôles à partir d'un constat poussé par la Commission européenne, pour qui l'État ne jouait pas un rôle suffisant dans la surveillance des monopoles en n'encadrant pas assez l'offre de jeux.
La Commission européenne considérait en effet que les monopoles et la restriction au commerce dans le domaine des jeux n'étaient justifiables, et s'il s'agissait d'une politique commerciale restreinte consistant simplement à fournir une offre à une demande existante, sans pousser la croissance de cette activité au motif que celle-ci peut présenter des risques pour la santé et l'ordre public.
L'État ne remplissant pas ce rôle et n'étant pas capable de répondre aux demandes de la Commission européenne sur l'encadrement de la politique des jeux, on a libéralisé trois sous-secteurs de paris en ligne : les paris hippiques, les paris sportifs et le poker en ligne. Restent aujourd'hui les monopoles : le PMU pour son activité de paris hippiques et son réseau de distribution, la FDJ qui détient un monopole de paris sportifs grâce à son réseau physique de distribution et un monopole des jeux de hasard pur, par Internet ou dans son réseau physique, et les jeux de hasard des casinos.
Pourquoi ne pas privatiser la FDJ ? Il faudrait pour ce faire que la régulation se mette en place pour répondre aux objectifs d'ordre public et de santé publique. Il a été dit lors des débats autour de la loi PACTE qu'une régulation devrait être mise en place avant toute privatisation de la FDJ.
On peut aujourd'hui dresser deux constats.
L'autorité unique qui devrait présider à la régulation des jeux pour l'ensemble des opérateurs de ce secteur d'activité semble aujourd'hui floue, mal définie et manquer d'unicité. Il a en effet déjà été dit que les casinos terrestres ne dépendraient pas de cette autorité de régulation, et que le ministère de l'intérieur garderait la haute main sur eux. On ne sait pas encore quel sera le champ d'application exacte de cette autorité unique, qui devrait avoir la FDJ sous sa coupe. La définition de cette autorité unique n'est pas traitée dans la loi, mais renvoyée à l'écriture d'une ordonnance, le Parlement donnant un blanc-seing au Gouvernement pour mettre cette régulation en place.
Il me paraît essentiel que la régulation soit unique, assurée par une autorité administrative indépendante, afin d'éviter tout conflit d'intérêts dans un État qui restera actionnaire, avec un rôle de défense de l'ordre public et qui, par ailleurs, est le premier bénéficiaire des activités de la FDJ.
Les « profits » de l'activité de la FDJ sont répartis en deux grandes masses très inégales, 3,5 milliards d'euros de prélèvements fiscaux qui devront a priori être maintenus, et des dividendes de l'ordre d'une centaine de millions d'euros par an. L'État restera donc le principal bénéficiaire de l'activité économique de la FDJ par le biais de la fiscalité, mais il faudrait éviter les conflits d'intérêts.
Il y a par ailleurs un problème de définition du champ d'application du monopole qui va être privatisé. Aujourd'hui, les jeux de hasard pur, à l'exception des casinos, sont détenus par un monopole public. Demain, ils seront détenus par un monopole privé. Est-il défendable de laisser dans des mains privées le monopole d'une activité de hasard pur, comme le casino en ligne, aujourd'hui strictement interdit en France ?
L'Assemblée nationale, au cours de la première lecture, a vu naître un certain nombre de questions sur ce sujet. L'absence de réponse du ministre a été assez frappante, puisqu'il a systématiquement refusé de répondre à une définition du champ d'application de ce monopole.
Il existe de véritables questions sur ce sujet, et il nous semblerait souhaitable que le Parlement exerce son contrôle sur ce point pour garantir le rôle de défenseur de l'ordre public et de la santé de l'État, ainsi que la régulation, qui serait la même pour tous les opérateurs du secteur. Il s'agit en effet de métiers très comparables qui assurent une libre compétition dans un domaine qui se privatise.
Il existe toujours une crainte au sujet des conflits d'intérêts par rapport à la valorisation immédiate d'un actif. Moins la FDJ sera soumise à une régulation indépendante et stricte, plus large sera son champ d'application, et plus il sera facile de valoriser cet actif.
Cet intérêt à court terme se heurte au rôle nécessaire de régulateur de l'État. Il nous semble, là encore, que le pouvoir législatif devrait s'intéresser de près à ces conflits d'intérêts.