Intervention de Martin Vial

Commission spéciale transformation entreprises — Réunion du 7 novembre 2018 à 14h20
Table ronde consacrée aux privatisations réunissant mm. martin vial commissaire aux participations de l'état emmanuel de rohan chabot président de l'association française des jeux en ligne fjel françois ecalle président de fipeco et yves crozet économiste des transports

Martin Vial, commissaire aux participations de l'État :

Tout d'abord, je ne partage pas la vision de M. Ecalle à propos de l'inutilité du fonds pour l'innovation. En réalité, l'une des raisons pour lesquelles le Président de la République et le Gouvernement ont pris cette décision réside dans le fait que les crédits pour l'innovation n'ont cessé de baisser ces dernières années, indépendamment de la couleur politique du Gouvernement et du Parlement, qui a voté successivement les budgets, amenant ces réductions progressives de crédit.

L'idée est assez simple : elle consiste à sanctuariser ces ressources pour l'innovation de rupture. Certes, beaucoup d'autres moyens et lignes de crédit favorisent la recherche et l'innovation, mais il faut sanctuariser le financement de l'innovation de rupture avec la création d'une poche d'actifs dont les revenus, qui ne sont pas des crédits budgétaires, viennent alimenter le financement des opérations d'investissement dans des entreprises dont on espère que certaines seront plus tard des « licornes ».

Ce fonds est déjà doté de 10 milliards d'euros, à hauteur de 1,6 milliard d'euros en numéraire, 13 % de titres d'EDF et l'intégralité de notre participation dans Thales, afin que les revenus de ces titres viennent transitoirement alimenter les ressources du fonds.

La rémunération telle qu'elle a été prévue, une fois que le fonds sera alimenté en totalité, sera de 250 millions d'euros par an, c'est-à-dire 2,5 % du montant de 10 milliards d'euros.

Si nous n'avons pu reprendre la suggestion de M. le rapporteur sur le fléchage des dividendes des entreprises qui ont été citées vers le financement de l'innovation, c'est que la LOLF nous l'interdit. Ces dividendes sont aujourd'hui versés au budget général, et on ne peut affecter de façon directe vers une dépense une ressource allant au budget général. On pourrait modifier la LOLF, mais ce serait le choix du Parlement. Ce n'est pas ce qui a été voulu par le Gouvernement.

Ne s'engage-t-on pas, en cédant cet actif important, dans une opération du type de celle qui s'est produite pour les autoroutes ? Les autoroutes ont augmenté leurs prix et l'État n'a plus de prise sur ces évolutions de redevances ou de tarifs.

Dans le cas d'ADP et des aéroports de façon générale, ce ne sera pas le cas puisqu'un contrat de régulation économique doit être signé tous les cinq ans. Le mécanisme existe aujourd'hui, mais il a été précisé, conforté, confirmé dans la loi. Cela veut dire que, tous les cinq ans, le contrat de régulation économique fixera les obligations en matière d'investissements de l'entreprise et la rémunération de ces investissements. C'est le coeur de la négociation entre la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) et l'entreprise.

Il est prévu dans la loi que si l'entreprise et l'État ne se mettent pas d'accord, c'est l'État qui a le dernier mot. Les dispositions tarifaires de redevances sont donc fixées par l'État, et cela a été explicitement prévu dans la loi.

De ce point de vue, on n'entre pas dans un schéma du type de celui qui a été retenu autrefois pour les autoroutes, dans lequel on part sur un niveau tarifaire incontrôlé pour 70 ans. Ici, il doit être revu tous les cinq ans. C'est la logique économique de tous ces contrats de régulation.

Concernant la FDJ, la Commission européenne nous a dit que tout ceci s'inscrivait dans une jurisprudence déjà bien établie pour les privatisations de monopoles de jeu en Europe, avec différents arrêts de la Cour de justice européenne, dont le plus récent, qui date du début de l'année 2018, conforte le fait que ces privatisations sont autorisées dès lors qu'un contrôle étroit est assuré par l'État et par un régulateur sur l'exercice des missions et des activités.

L'ordonnance qui va être prise par le Gouvernement, dont la ratification sera soumise au Parlement, est concentrée sur les dispositifs de régulation. En effet, le ministre l'a rappelé durant les débats, l'objectif est de créer une autorité unique qui aura en charge la régulation du secteur et celui de la FDJ. Un débat a été ouvert sur la régulation des casinos. Lors de la préparation de cette ordonnance, à laquelle le Parlement serait associé, comme l'a précisé le ministre, il est prévu de fixer le champ d'action de l'autorité de régulation.

Celle-ci est très largement dispersée, s'agissant de la FDJ, entre le ministère de l'action et des comptes publics - très concrètement, la direction du budget et le ministre en charge du budget -, le ministère de la santé pour certains aspects correspondant à l'addiction aux jeux, et le ministère de l'intérieur pour certaines dispositions d'ordre public.

Un système de régulation nouveau sera donc bien mis en oeuvre à travers l'ordonnance afin de s'assurer que le contrôle étroit qui sera établi à travers deux leviers, l'organe de régulation sur le plan de la présence de l'État au capital et la gouvernance de l'entreprise, soit correctement assuré.

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