Intervention de François Ecalle

Commission spéciale transformation entreprises — Réunion du 7 novembre 2018 à 14h20
Table ronde consacrée aux privatisations réunissant mm. martin vial commissaire aux participations de l'état emmanuel de rohan chabot président de l'association française des jeux en ligne fjel françois ecalle président de fipeco et yves crozet économiste des transports

François Ecalle :

Je voulais revenir sur le fonds pour l'innovation. Il y a beaucoup de bonnes raisons pour augmenter les crédits d'aide à l'innovation, je suis tout à fait d'accord. S'il faut ajouter 250 millions d'euros aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », il faut le faire. Si les crédits de cette mission ont baissé dans le passé à travers les lois de finances ou les lois de finances rectificatives, c'est un choix politique.

Il y a toujours eu, dans les sphères de l'État, une velléité de créer des fonds extrabudgétaires qui permettent de sanctuariser des crédits. Il est beaucoup plus surprenant que ces idées viennent du ministère des finances, le but étant d'échapper à une régulation infra-annuelle toujours validée par le Parlement à travers les lois de finances rectificatives.

Cela existe depuis fort longtemps. La Cour des comptes émet à ce sujet des critiques régulières. Le mécanisme qui va être mis en place pour le fonds à l'innovation est le même que celui mis en place lors du soi-disant grand emprunt - qui n'a jamais eu lieu - en faveur des investissements d'avenir, il y a dix ans. On l'a renouvelé à chaque nouveau plan pour les investissements d'avenir, que la Cour des comptes critique tout autant parce que cela permet de mettre à part des crédits qui échappent au regard du Parlement.

Je persiste à penser qu'il faut totalement distinguer ces deux sujets. Je pense que des actionnaires privés d'une entreprise peuvent en effet mieux gérer cette entreprise à condition d'être en concurrence. C'est là tout le problème d'ADP, qui apparaît comme un quasi-monopole. Or une entreprise monopolistique a tendance à avoir des prix plus élevés qu'une entreprise en situation de concurrence. C'est la base de la microéconomie. Il y a bien un problème, et il faut donc une régulation.

Pour reprendre l'exemple des autoroutes, il existe une régulation, avec des péages, des cahiers des charges. Je pense que ce qui est prévu pour ADP est plus strict, mais le problème est toujours le même : à un moment ou un autre, il y a toujours des renégociations des cahiers des charges. C'est ce qui est arrivé pour les sociétés d'autoroutes, à qui on a demandé de rajouter des bretelles d'accès, etc., de prendre en charge d'autres sections. On a donc revu les cahiers des charges des concessions. Dans ces conditions, le concessionnaire est en position de force et gagne toujours.

Je ne pense pas pour autant qu'il faille dire que l'on s'est trompé en privatisant les sociétés d'autoroutes lorsqu'on examine les profits actuels des concessionnaires : il faut bien avoir en tête que le calcul financier oblige à réaliser des prévisions à très long terme, etc. J'étais responsable des prévisions de finances publiques de Bercy il y a déjà une quinzaine d'années : on se trompe toujours !

Ce qu'il faut, c'est essayer de prendre les décisions avec le maximum d'informations disponibles et de précautions. Peut-être se trompera-t-on et qu'on découvrira dans quinze ans que l'actionnaire d'ADP fait trop de profits ou, au contraire, n'en fait pas assez. Ce sera malheureusement toujours ainsi.

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