Cet amendement a pour objet de s'assurer que la concertation prévue dans les textes et les discours se traduira dans les faits en conditionnant tout programme de démolition-reconstruction à un référendum local.
Je rappelle que, sur le site Internet de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, on peut lire : « les projets doivent être pensés pour et avec les habitants ».
Or le rapport de 2005 de la Fondation Abbé Pierre soulignait : « S'il existe bien, dans le cadre de la mise en oeuvre des opérations de renouvellement urbain, une phase de consultation des habitants, il n'y a pas vraiment de délibération collective permettant aux habitants de faire valoir leur point de vue au moment de la prise de décision de la démolition. Celle-ci est d'ailleurs le plus souvent antérieure à la consultation et l'on ne trouve pas d'exemple, à notre connaissance, de débat collectif impliquant les habitants qui soit revenu sur la décision de démolition. »
Dès lors, la seule garantie pour qu'une vraie concertation soit engagée consiste à soumettre toute opération de démolition-reconstruction à un référendum local. En effet, ces opérations touchant le coeur de la vie quotidienne des populations visées, celles-ci devraient pouvoir bénéficier d'un droit de veto.
D'ailleurs, si ces projets étaient conduits dans l'intérêt des habitants, et non pour répondre au souhait des élus locaux prompts à déconcentrer les quartiers d'habitat social qui peuvent troubler la tranquillité de leurs autres administrés ou à contrarier leur réélection, il y a fort à parier que les habitants diraient « oui » la démolition.
De plus, cette disposition démocratique permettrait de garantir l'application effective de la règle du « un pour un », à savoir un logement social reconstruit pour un détruit. En effet, selon le rapport de l'Observatoire des zones urbaines sensibles de 2005, « les soixante-deux conventions de rénovation urbaine signées au 1er juillet 2005 prévoient la démolition de 30 044 logements sociaux [et] la construction de 27 316 ».
Par ailleurs, quand les logements sont reconstruits, où le sont-ils ? À cet égard, L'ANRU estime que 52 % de ces logements sociaux seront construits en dehors du territoire des quartiers. Autre question : de quel type de logements « sociaux » parle-t-on alors ? De ces fameux PLS, qui ne sont pas particulièrement réservés aux ménages modestes, contrairement à la définition du logement social telle qu'elle figure dans la loi ! Bref, le compte n'y est pas !
Cette proposition, je tiens à le rappeler, reprend l'une des idées de la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, qui souhaite « introduire dans les opérations de renouvellement urbain une obligation de consultation et de validation du projet par les locataires ».
Vous me répondrez peut-être, monsieur le ministre, comme le fit ici même M. Braye lors de la discussion générale, que « l'abbé est entouré par de dangereux gauchistes ! »
Pourtant, une vraie co-élaboration avec les habitants est possible : à Arcueil et à Gentilly, un référendum « décisionnel et non consultatif » a permis à la population de choisir entre quatre projets différents, qui allaient de la réhabilitation à la destruction.
Toutefois, pour l'instant, monsieur le ministre, vous n'avez pas fait le choix de la concertation. Vous avez préféré l'urgence de l'affichage, avant 2007. Il ne s'agit pas là d'une dérive locale, d'un oubli de la part de certains maires, mais de la nature même de l'ANRU, qui impose, dans sa charte d'insertion, que « fin 2006, tous les projets soient engagés ».
Or, la concertation, cela prend du temps ! Mais j'imagine que, depuis de récentes manifestations, le Gouvernement a compris que ce n'était pas du temps perdu...
Cette précipitation est également due au programme national de rénovation urbaine, tel qu'il se trouve défini par la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine de 2003.
En annonçant un objectif quantifié de 200 000 logements détruits, les pouvoirs publics ont fixé un chiffre qui guide tous les programmes de rénovation. La destruction est devenue une fin en soi !
Ce choix est lié à la volonté de M. Borloo d'en finir aussi vite que possible avec la visibilité des quartiers populaires, avec leurs barres et leurs tours. Je cite le rapport accablant de Jacques Donzelot et Renaud Epstein, commandé par le Comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU lui-même, à propos des démolitions réalisées à Montfermeil : « Loin de contrarier ou de freiner les aspirations du maire, comme l'avaient fait ses prédécesseurs, Jean-Louis Borloo aurait poussé le maire à majorer le nombre des démolitions. »
Voilà comment, selon ce même rapport, un technicien de Montfermeil juge l'implication du ministère dans le programme de cette commune : « Si rien n'a été fait en matière de participation, cela tient largement à l'histoire du projet, qui correspond à une commande personnelle de M. Borloo. »