Intervention de Gérard Cornu

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 14 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « écologie développement et mobilité durable » - crédits « transports ferroviaires collectifs et fluviaux » « transport routiers » « transports maritimes » et « transports aériens » - examen du rapport pour avis

Photo de Gérard CornuGérard Cornu, rapporteur pour avis pour les transports ferroviaires, collectifs et fluviaux :

J'ai l'honneur de vous présenter en premier lieu une vision d'ensemble des crédits consacrés aux transports et à la mobilité, qui faisaient jusqu'ici l'objet, dans notre commission, de quatre avis, qui sont désormais rassemblés dans un unique rapport. Comme vous le savez, ces crédits sont répartis entre les crédits gérés par l'État, figurant dans le projet de loi de finances, d'une part, et les crédits de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), d'autre part.

Le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » recense les crédits consacrés aux transports terrestres et aériens. En crédits de paiement, ils augmentent de de 3,14 milliards d'euros à 3,21 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,3 %. En autorisations d'engagement, ils passent de 3,21 milliards d'euros à 3,39 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,5 %.

Le programme 205 retrace les crédits consacrés aux affaires maritimes. Les crédits de paiement sont quasiment stables, passant de 158 à 157 millions d'euros, tandis que les autorisations d'engagement augmentent, de 158 à 162 millions d'euros.

J'en viens au budget de l'Afitf, qui augmentera de 10 % en 2019 pour atteindre près de 2,7 milliards d'euros. L'ensemble des crédits consacrés aux transports augmentent donc de plus de 300 millions d'euros, ce qui certes paraît positif, mais était en fait absolument nécessaire, en particulier pour que l'Afitf puisse assumer l'ensemble de ses engagements. Et encore, son budget suffira tout juste cette année, moyennant le report de certains engagements ou paiements.

L'Afitf souffre en effet depuis plusieurs années d'une inadéquation entre ses ressources et ses dépenses, que la Cour des comptes avait dénoncée. Elle est aussi critiquée dans la mesure où elle fait échapper un certain nombre de dépenses au contrôle budgétaire direct du Parlement. Le volet « programmation » de la loi d'orientation des mobilités est censé lever ces critiques, en donnant de la visibilité sur sa trajectoire financière à l'issue d'un débat législatif.

Pour mémoire, le Conseil d'orientation des infrastructures avait réfléchi à trois scénarios pour le financement des infrastructures de transport, dont le deuxième correspondait à un bon compromis entre les contraintes budgétaires et les besoins importants d'investissement en matière de modernisation des réseaux notamment. Or, ce scénario 2 prévoyait un budget annuel de 3 milliards d'euros par an pour l'Afitf. Le budget proposé reste donc en-deçà de ce scénario.

Dans le domaine ferroviaire, les dépenses de l'État se composent essentiellement de la contribution de l'État à SNCF Réseau, fixée en 2019 à 2,4 milliards d'euros, un montant en augmentation de près de 30 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2018.

Cette contribution finance la redevance d'accès au réseau pour les TER, pour les trains d'équilibre du territoire, et le financement de l'utilisation du réseau par les trains de fret. Elle est complétée par des fonds de concours provenant de l'Afitf, estimés à 720 millions d'euros pour l'ensemble des dépenses relatives au réseau ferroviaire. Mais il s'agit d'une estimation, le budget définitif de l'agence n'étant adopté qu'en décembre.

Un autre fonds de concours s'y ajoute : en application de la loi de réforme ferroviaire de 2014, une partie du dividende perçu par la SNCF sur SNCF Mobilités est reversé à SNCF Réseau pour contribuer à redresser sa trajectoire financière. 369 millions d'euros étaient prévus à ce titre pour 2019 dans le contrat de performance, mais ce montant pourrait finalement atteindre 537 millions d'euros, en raison, d'une part, d'une augmentation par l'État du taux de reversement du dividende au profit de SNCF Réseau, dans le cadre du nouveau pacte ferroviaire de ce début d'année et, d'autre part, de l'augmentation de l'assiette de reversement en raison des bons résultats de SNCF Mobilités en 2017.

Pour soutenir les transports collectifs, l'État versera comme l'an dernier près de 20 millions d'euros à SNCF Mobilités pour compenser les tarifications sociales nationales qu'il lui impose. Il s'agit par exemple des billets « familles nombreuses ». 280 millions d'euros de fonds de concours provenant essentiellement de l'Afitf sont également prévus. Les crédits consacrés aux transports combinés s'élèvent à 32 millions d'euros.

Enfin, pour le transport fluvial, la subvention versée par l'État à Voies navigables de France est fixée à 251 millions d'euros, un montant proche de celui adopté l'an dernier.

Le compte d'affectation spéciale qui finance les trains d'équilibre du territoire sera doté de 359 millions d'euros, destinés à financer les contributions versées à SNCF Mobilités pour l'exploitation de ces services, ainsi que les contributions versées par l'État aux régions en raison du transfert de certaines lignes.

Je voudrais désormais rappeler quelques enjeux actuels du transport ferroviaire.

Il s'agit évidemment de mettre en oeuvre la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, que nous avons examinée au printemps dernier et qui a réformé en profondeur le secteur. Avec le Président de la commission, nous sommes attentifs au contenu des ordonnances qu'elle prévoit et qui doivent préciser plusieurs aspects de la réforme. Je rappelle également qu'une négociation collective est en cours pour redéfinir le cadre social.

Je voudrais aussi rappeler que, dans le cadre de ce nouveau pacte ferroviaire, plusieurs mesures ont été prises pour assainir la situation financière de SNCF Réseau. Il s'agit de la reprise par l'État de 35 milliards d'euros de dette, qui s'effectuera en deux temps : 25 milliards d'euros en 2020, et 10 milliards d'euros en 2022.

Par ailleurs, des engagements supplémentaires en matière de gains de productivité de la part de l'opérateur, qui devront atteindre 380 millions d'euros d'ici 2026. Avec les engagements déjà inscrits dans le contrat de performance signé en avril 2017, l'effort total de productivité devra ainsi atteindre 1,6 milliard d'euros.

Cette trajectoire financière sera aussi impactée par la révision à la baisse de la trajectoire d'évolution des péages des activités commerciales, que le Gouvernement souhaite limiter au niveau de l'inflation. Pour le fret, ce mécanisme sera rendu possible par la prise en charge par l'État du manque à gagner dans le cadre de la compensation fret.

Pour tenir compte de tous ces éléments, le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau sera révisé prochainement.

Je voudrais aussi vous signaler qu'un audit externe a été effectué sur l'état du réseau ferré national à la suite de la catastrophe de Brétigny sur Orge. Remis en mars dernier, il relève un écart de 520 millions d'euros par an entre les besoins théoriques de renouvellement des infrastructures des lignes du réseau les plus circulées et la trajectoire définie par le contrat de performance.

Depuis la remise de cet audit, il a été décidé qu'à partir de 2020, SNCF Réseau investirait plus sur le réseau ferroviaire que ce que prévoit le contrat de performance, ces investissements supplémentaires devant atteindre le montant de 200 millions d'euros par an à partir de 2022.

Par ailleurs, SNCF Réseau s'est engagé auprès de l'État pour rendre la politique de gestion de l'infrastructure plus efficace et adaptée, en s'appuyant sur des leviers d'optimisation du système, comme par exemple la digitalisation. C'est grâce à cette démarche qu'il doit dégager des gains de productivité.

Il n'en reste pas moins que les montants consacrés à la modernisation du réseau ferroviaire devront faire l'objet d'une vigilance particulière dans le cadre de l'examen de la loi d'orientation des mobilités.

Enfin, en ce qui concerne les lignes de desserte fine des territoires, aussi appelées « petites lignes », SNCF Réseau a identifié plusieurs techniques d'optimisation qui devront être analysées par les acteurs concernés au cas par cas, comme par exemple l'exploitation en navettes, avec un seul train faisant des allers-retours, qui permet d'alléger significativement la signalisation.

SNCR Réseau nous a d'ailleurs indiqué que ses équipes étaient en contact avec les régions afin d'identifier les pistes d'optimisation de ces lignes, à travers le développement de solutions plus légères comme les tram-train, les bus à haut niveau de service (BHNS), l'essentiel étant de préserver l'emprise afin de permettre à tous les citoyens d'avoir accès à des solutions de mobilité.

Pour conclure, je voudrais rappeler que l'augmentation des crédits consacrés à l'Afitf correspond à une stricte nécessité, compte tenu de ses engagements antérieurs - l'agence devra probablement continuer à retarder certains engagements ou certains paiements, comme les années précédentes.

Je voudrais néanmoins saluer la démarche d'assainissement de la trajectoire financière de l'agence engagée par le Gouvernement, dans le cadre du Conseil d'orientation des infrastructures puis du projet de loi d'orientation des mobilités. Il s'agit de s'assurer que nos dépenses de transport seront bien couvertes par des ressources suffisantes, et de redonner la priorité à l'entretien et à la modernisation des réseaux existants. Je salue de la même manière la démarche engagée pour rétablir la soutenabilité financière de SNCF Réseau, qui a été transformée en société anonyme par la loi portant réforme ferroviaire et qui ne pourra donc plus à l'avenir s'endetter de manière excessive.

Dans ce cadre, et dans l'attente des débats relatifs à la loi d'orientation des mobilités, je vous propose d'émettre un avis favorable à ces crédits.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion