Intervention de Michel Vaspart

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 14 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « écologie développement et mobilité durable » - crédits « transports ferroviaires collectifs et fluviaux » « transport routiers » « transports maritimes » et « transports aériens » - examen du rapport pour avis

Photo de Michel VaspartMichel Vaspart, rapporteur pour avis pour les transports maritimes :

Je vous remercie d'avoir bien voulu me confier la mission de préparer l'avis de notre commission sur les transports maritimes et je salue notre collègue Charles Revet qui s'est acquitté de cette tâche avec compétence les précédentes années.

Je me réjouis de traiter ces questions et vous connaissez mon engagement en faveur des acteurs de la mer. L'économie bleue, c'est-à-dire les activités liées à la mer et au littoral, représente près de 2 % de l'emploi en France, soit environ 450 000 postes. La France possède également le deuxième domaine maritime le plus grand au monde, derrière les États-Unis et grâce à l'Outre-mer.

Je commencerai d'abord par présenter le budget consacré aux affaires et aux transports maritimes, avant d'évoquer deux sujets spécifiques.

Pour 2019, le montant des crédits de paiement demandés pour les affaires maritimes et portuaires s'élève à 257 millions d'euros, soit 10 % du budget total consacré par la France à la politique maritime. Il se répartit en deux volets.

Le premier volet concerne les crédits de paiement du budget des affaires maritimes, portés par le programme 205, qui sont quasiment stables à 157 millions d'euros. Les autorisations d'engagement progressent légèrement, en lien avec le plan de modernisation de l'administration des affaires maritimes, qui mobilise près de 40 millions d'euros sur la période 2018-2020 pour développer de nouveaux moyens nautiques et moderniser les systèmes d'information. Cette année, l'État procède d'ailleurs à l'achat d'un nouveau patrouilleur en Méditerranée.

Les crédits du programme 205 financent les missions régaliennes de sûreté, de sécurité et de signalisation maritimes ainsi que le développement de l'économie bleue, de l'enseignement maritime - 6 millions d'euros devraient être consacrés aux lycées professionnels maritimes en 2019 - et de la formation continue des gens de mer et le soutien à la flotte de commerce. Leur évolution a été plafonnée à 157 millions d'euros par la loi du 22 janvier 2022 de programmation des finances publiques.

Je vous signale par ailleurs que la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) bénéficiera d'une subvention de 6,2 millions d'euros, dans la logique de l'engagement pris par le Gouvernement en 2017, qui vise également à tenir compte du fait que la SNSM ne pourra finalement pas bénéficier d'une fraction du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN). Il était en effet prévu que la SNSM bénéficie de la partie du DAFN relative au droit de passeport perçu sur les yachts, dans la limite d'un plafond de 4 millions d'euros mais le montant de la mesure dite « surtaxe yachts », qui avait fait grand bruit l'an dernier, atteignait à peine 75 000 euros au 16 mai 2018...

À cet égard, je mentionne l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement réformant le DAFN, déposé par le rapporteur spécial et sous-amendé par le Gouvernement. Il vise à figer la population de bateaux dont la détention donne droit à abattement : les propriétaires des bateaux qui, au 1er janvier 2019, n'auront pas atteint l'âge de onze ans, ne pourront plus bénéficier de l'abattement.

Enfin, je vous signale également le maintien du dispositif de compensation, au profit des organismes sociaux, des exonérations de charges consenties aux armateurs, qui représentent 72 millions d'euros. L'article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit l'extension de ce dispositif au pavillon européen, à crédits constants, ce qui répond à une demande de la Commission européenne.

Le second volet concerne les crédits portuaires, qui représentent près de 100 millions d'euros. Ces crédits augmentent pour la troisième année consécutive et traduisent l'engagement de l'État de compenser à 100 % les dépenses de dragage des douze ports maritimes qui relèvent de sa compétence, c'est-à-dire les sept grands ports maritimes de métropole - antérieurement appelés ports autonomes -, les quatre grand ports maritimes des territoires d'Outre-mer - Guyane, Martinique, Guadeloupe, La Réunion - et le port d'intérêt national de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette compensation traduit une volonté de renforcement de la compétitivité des ports français, qui doit leur permettre d'atteindre des niveaux de trafic supérieurs.

Les ports bénéficient également de fonds de concours versés par l'Afitf, mais leur montant, s'établissant autour de 30 millions d'euros, se réduit chaque année. Qui plus est, il est difficile pour le législateur d'orienter l'emploi de ces crédits.

Au-delà de ces aspects budgétaires, je crois nécessaire d'évoquer deux sujets d'importance majeure.

Je commence par la question du Brexit et de ses conséquences pour les ports européens dans le cadre de la révision des corridors maritimes inscrits dans le réseau transeuropéen de transport (RTE-T).

La Commission européenne a publié une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil le 1er août 2018, visant à réformer le règlement du 11 décembre 2013 établissant le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe en ce qui concerne le retrait du Royaume-Uni de l'Union. L'annexe de cette proposition exclut les ports bretons et de la Manche des futurs tracés maritimes entre l'Union européenne et l'Irlande.

Faute d'avoir fait preuve d'une réactivité suffisante cet été, le Gouvernement français s'est retrouvé devant le fait accompli et il a fallu une mobilisation sans précédent des régions de France et des élus pour tenter de rattraper ce véritable fiasco, qui pourrait priver nombre de ports français du réseau global européen du bénéfice des échanges commerciaux avec l'Irlande, alors même qu'ils sont situés plus proches géographiquement que les ports hollandais et belges...

La proposition de règlement est en cours d'examen au Parlement européen, par la commission des transports. L'avis rendu par le Comité des régions prévoit déjà d'amender cette proposition pour établir un corridor « Mer du Nord-Méditerranée » passant par Brest, Roscoff, Cherbourg, Caen, Le Havre et de relier le corridor dit « Atlantique » au corridor « Mer du Nord-Méditerranée ».

Croyez bien que je serai, comme nombre de nos collègues, très attentif à ce sujet, qui menace fortement le modèle économique de nombreux acteurs du transport maritime et le futur de nos ports.

Le deuxième sujet que je souhaitais évoquer et celui de la réduction des pollutions dans le secteur du transport maritime. L'article 18 quinquies du projet de loi de finances pour 2019, introduit à l'initiative du rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée national, établit un mécanisme de suramortissement fiscal pour les investissements réalisés par les armateurs dans le cadre de l'achat de navires neufs fonctionnant à l'hydrogène et au gaz naturel liquéfié ainsi que l'achat de biens destinés au traitement des gaz d'échappement et à l'alimentation électrique des navires au cours d'une escale.

Le taux de suramortissement est fixé à 25 % pour le gaz naturel liquéfié (GNL) et 30 % pour les propulsions décarbonées - hydrogène, électrique, vélique. Ce dispositif pourra s'appliquer à compter de la réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne sur sa conformité au droit de l'Union en matière d'aides d'État.

Je relève toutefois que si le GNL permet de réduire de façon très importante les émissions d'oxyde de soufre et d'oxydes d'azote émises par les navires, ainsi que les émissions de dioxyde de carbone de l'ordre de 10 à 20 %, il demeure une énergie carbonée. Aussi, l'enthousiasme doit être mesuré : il s'agit d'une énergie de transition et de diversification pour la propulsion des navires, avant de trouver une énergie décarbonée techniquement opérationnelle et économiquement viable.

J'apporterai également mon soutien aux éventuelles démarches du Gouvernement au sein de l'Organisation maritime internationale (OMI), visant à créer une zone de contrôle des émissions de soufre en Méditerranée : la situation n'est plus tenable, notamment dans les ports de Marseille et de Nice.

Au-delà, il est nécessaire et indispensable de poursuivre l'innovation dans les modes de propulsion, pour réduire encore l'empreinte carbone du secteur. Pour nuancer, rappelons que les émissions du transport maritime sont relativement beaucoup moins élevées, au regard des volumes transportés, que celle du trafic routier par exemple.

En conclusion, je voudrais saluer la démarche de soutien aux coûts liés au dragage dans les ports mais attirer votre attention, mes chers collègues, sur le défaut d'anticipation du Gouvernement par rapport au Brexit, qui est préjudiciable aux territoires littoraux.

En conclusion, si le budget est légèrement en augmentation, il reste un problème sur la politique maritime de la France. Nous avons le deuxième territoire maritime du monde, mais nous sommes loin d'être la deuxième puissance maritime du monde. Un comité interministériel de la Mer (CIMer) se tiendra dans les jours qui viennent. Le Gouvernement actuel n'a pas traduit dans les faits les annonces du Premier Ministre prononcées à l'occasion des dernières Assises de l'économie de la mer au Havre. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

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