Deuxième point, l'évolution des missions économiques des directions régionales des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Le projet annuel de performance indique que leurs « missions de développement économique seront recentrées en 2019 sur un nombre plus ciblé de priorités, en cohérence avec les compétences exercées par les régions. » Il s'agirait de : l'accompagnement des difficultés des entreprises ; l'accompagnement des filières stratégiques, notamment dans la mise en oeuvre des contrats de filière ; la participation à la politique d'innovation par le suivi en particulier des pôles de compétitivités, des sociétés d'accélération de transfert de technologie (SATT) et des instituts de recherche technologique (IRT) ; l'information stratégique et la sécurité économique ; et la médiation aux entreprises et l'information sur l'investissement.
Le personnel des Direccte affecté aux missions économiques devrait donc être considérablement réduit. Lors de son audition, Bruno Le Maire a ainsi évoqué une baisse des effectifs du ministère dans ces directions régionales de 400 ETPT à 120 ETPT, pour parvenir ainsi à une dizaine d'ETPT par région seulement.
Une évolution du rôle économique des Direccte est effectivement devenue nécessaire du fait de trois évolutions récentes majeures : la montée en puissance de la compétence économique des régions, matérialisée par l'édiction des schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), le rôle joué par les opérateurs spécialisés de l'État, à commencer par Bpifrance et Business France, et la forte baisse au cours des dernières années des moyens humains et financiers de l'État dans les territoires.
Pour autant, il est important que cette évolution n'aboutisse pas à un abandon pur et simple de toute action micro-économique de la part de l'État ; il faut au contraire qu'elle assure un recentrage de l'action de l'État fondé sur des principes de subsidiarité et de garantie des équilibres économiques nationaux, car l'État est seul à même d'avoir une vision du développement économique qui dépasse l'échelle régionale. Sur ce point, je rejoins d'ailleurs les préconisations formulées dans le rapport de nos collègues Martial Bourquin et Alain Chatillon à l'occasion de la mission d'information du Sénat sur Alstom et la stratégie industrielle du pays, en élargissant le propos au-delà du seul secteur de l'industrie.
Il faut donc d'abord que ce recentrage permette véritablement à l'État déconcentré de jouer le rôle de coordinateur des acteurs publics et parapublics dans la mise en oeuvre d'une stratégie d'équilibre économique des territoires, en favorisant les synergies entre les acteurs. Dans ce cadre, les services déconcentrés doivent renforcer leur capacité d'initiative ou d'animation afin de relayer les priorités nationales, dans le respect des compétences des différents intervenants de la politique économique dans les territoires régionaux.
Les services déconcentrés de l'État doivent également favoriser l'information et le cas échéant, l'accès des entrepreneurs locaux aux offres émanant des acteurs privés d'aide à la création et d'accompagnement d'entreprises : entre autres, l'association pour le droit à l'initiative économique (Adie), les Boutiques de gestion, Positive planète, France active, Initiative France, Fondation Entreprendre, Association 100 000 entrepreneurs, Association Tous repreneurs, Réseau Groupement de créateurs...
Ce rôle apparaît d'autant plus important que le Gouvernement a décidé l'absorption au 1er janvier 2019 de l'Agence France entrepreneur (AFE) par Bpifrance et le recentrage de ses missions - jusqu'alors généralistes - aux seules créations d'entreprises dans les quartiers, comme on dit. Les Direccte doivent donc assurer une interface au niveau local, le cas échéant en lien avec les services compétents des régions, avec les entrepreneurs des territoires qui ne seraient pas dans les quartiers ou territoires fragiles.
Ensuite, malgré ce recentrage, il faut conserver des capacités d'intervention ponctuelles ciblées, complémentaires de celles des autres acteurs. Dans ce cadre, il est donc souhaitable que, dans l'évolution envisagée par le Gouvernement, l'administration centrale s'appuie davantage sur ces services pour impulser des actions efficaces et ciblées en faveur des entreprises.
Parmi ces actions, outre le Fisac, le programme 134 prévoyait jusqu'alors des actions collectives, en particulier dans le domaine de l'industrie, d'un montant fort réduit avec 3,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,4 millions en crédits de paiement en 2018, visant à favoriser la compétitivité des entreprises. Pourtant, à l'instar du Fisac, ces actions collectives sont mises en extinction. On ne peut que déplorer cette suppression d'un instrument d'un coût budgétaire modique, qui peut pourtant s'avérer efficace pour assurer des actions d'accompagnement ponctuelles des entreprises, complémentaires à celles pouvant être menées par les autres acteurs publics et parapublics.
Plus largement, il est indispensable de réallouer les moyens financiers aux besoins des politiques d'équilibre des territoires. Lors de son audition devant la commission, le ministre de l'économie et des finances a évoqué l'inutilité du « saupoudrage » des crédits. On peut en prendre acte. Mais cela ne doit pas conduire à tout supprimer, mais plutôt à les cibler sur des projets et vers les territoires où elles peuvent s'avérer les plus efficaces.
Troisième sujet : l'organisation des acteurs du monde consumériste, que j'avais déjà abordée lors du projet de loi de finances pour 2018. Après avoir diminué de l'ordre de 5 % par rapport à 2017, les crédits d'intervention destinés aux acteurs du monde de la consommation - associations de consommateurs, institut national de la consommation, notamment - baissent à nouveau de 10,8 % en 2019 par rapport à 2018 pour s'établir à 7,5 millions d'euros.
Dans le même temps, le projet annuel de performance annonce une évolution de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui « permettra un recentrage sur les missions les plus stratégiques - la protection des consommateurs et des entreprises vertueuses - et une organisation territoriale plus fluide et plus efficiente ».
Dans ce cadre, la DGCCRF entend concentrer sa mission de contrôle sur les enquêtes les plus complexes, de niveau national ou exercées sur plaintes. Parallèlement, une réflexion serait en cours pour faire externaliser les contrôles dits à faible valeur ajoutée, tels que ceux effectués, notamment dans les restaurants, sur les produits en remise directe. Cette réflexion est le corollaire, sinon la conséquence, du redimensionnement des effectifs de la DGCCRF depuis plusieurs années, qui devrait se poursuivre en 2019 du fait d'une nouvelle réduction du plafond d'emplois de 45 ETPT.
Du point de vue de l'organisation territoriale, la DGCCRF explore la piste de l'interdépartementalité afin de mutualiser les compétences présentes dans les départements, dès lors que certains d'entre eux disposent déjà de moins de dix agents. Une adaptation des modèles d'organisation au sein des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations est également à l'étude, afin de renforcer les synergies avec les personnels relevant d'autres administrations et de les adapter aux besoins des territoires.
La modicité et la réduction constante des moyens financiers mis en oeuvre par l'État en faveur de la protection du consommateur doivent incontestablement conduire à une réflexion d'ensemble sur l'architecture du système de protection des consommateurs. Je regrette que, plutôt que de s'engager dans une telle voie, le Gouvernement ait retenu une politique de rabot continu qui paralyse progressivement l'action des acteurs sans les engager dans un modèle d'organisation alternatif.
Or cette réflexion devrait porter sur deux axes ; d'abord sur une clarification des rôles respectifs des acteurs. Trois catégories d'acteurs sont aujourd'hui en charge de l'information et de la protection des consommateurs : la DGCCRF, l'Institut national de la consommation (INC) et les treize centres techniques régionaux de la consommation (CTRC), ainsi que les quinze associations de consommateurs agréées. Or la complémentarité des actions de la DGCCRF et de l'INC suscite aujourd'hui des interrogations, notamment en matière d'information générale des consommateurs. Face à la raréfaction des moyens budgétaires, le temps n'est plus à l'émiettement des actions de communication publique. À ce stade, deux schémas alternatifs peuvent être envisagés : le premier consisterait en un recentrage de la mission d'information générale des consommateurs sur l'INC, mission première de l'établissement, afin que la DGCCRF ne conserve elle-même qu'une mission de communication de crise, corollaire indispensable de ses missions régaliennes ; le second schéma conduirait à l'inverse à soustraire à l'INC sa mission d'information générale, pour laisser à la DGCCRF le soin d'exercer seule cette mission, ce qui conduirait alors à s'interroger sur le maintien même de l'INC.
Quelle que soit la solution retenue, l'écosystème de la consommation devra au moins trouver des synergies plus efficaces, d'abord entre les services de l'administration. L'affaire Lactalis a montré que les contrôles en matière de sécurité des consommateurs dans le domaine alimentaire devaient être renforcés, et que la dispersion des responsabilités dans la chaîne de contrôle entre diverses administrations est préjudiciable à l'efficacité des contrôles et peut créer des difficultés de communication à l'occasion notamment de la mise en oeuvre des procédures de retrait et de rappel des produits.
Ensuite, il faut renforcer les synergies entre la DGCCRF et l'INC. Au cours de son audition, l'INC a souligné l'absence en 2018 de lettre de mission du ministre chargé de la consommation, et le fait que les discussions en vue de la conclusion d'un nouveau contrat d'objectif et de performance pour 2019 n'avaient toujours pas été engagées avec la DGCCRF... Cette situation illustre un certain dysfonctionnement dans la gouvernance de l'écosystème consumériste et dans les relations entre ses principaux acteurs. Il faudrait trouver des synergies également entre l'INC - et le réseau des treize centres techniques régionaux de la consommation qu'il est chargé d'animer - et les associations de consommateurs agréées.
En tout état de cause, il faut fortifier l'intervention des acteurs. Pour ce faire, il est essentiel qu'un financement suffisant soit garanti aux opérateurs publics pour qu'ils exercent convenablement leur mission. Par ailleurs, si l'on souhaite que les associations de consommateurs renforcent dans les territoires leur rôle de relais pour l'information et l'aide individuelles aux consommateurs, il leur faut un financement public effectif. Dans ce cadre, une plus grande modulation de la subvention versée aux associations peut être une piste de réflexion, à la condition qu'elle repose sur des critères clairs et objectifs, en ayant pour but premier d'appuyer des associations disposant d'un maillage dans les territoires à même de fournir aux consommateurs l'information nécessaire sur l'exercice de leurs droits.
En outre, même s'il est important de maintenir et de favoriser le pluralisme associatif, il y a lieu de s'interroger sur la viabilité des plus petites associations qui dépendent très fortement des subventions publiques ou qui disposent d'un faible maillage local. Il faut donc examiner dans quelle mesure des alliances ou des regroupements peuvent intervenir entre certaines des associations agréées. Sur ce point, au cours des auditions a d'ailleurs été évoquée une volonté de regroupement de trois petites associations agréées, qui devrait intervenir dans les prochains mois.
Vous le voyez, une réflexion globale est essentielle mais le Gouvernement ne semble pas encore enclin à s'y prêter. Dans ces conditions, je suggère que notre commission se saisisse de cette question, en entamant des travaux d'auditions plus larges afin de réfléchir au positionnement des différents acteurs et de proposer des pistes d'évolution.
Dans l'attente de nos conclusions, je vous propose de maintenir les crédits d'intervention au monde de la consommation à leur niveau actuel, soit 8,5 millions d'euros. Je vous soumets en conséquence un amendement abondant l'action n° 24 de 1 million d'euros en autorisations d'engagement et en moyens de paiement, prélevés sur le programme 305.
Je pensais dans un premier temps qu'il fallait rejeter les crédits de la mission. Mais si nous adoptons les amendements qui nous font revenir à plus de raison, je vous suggère que nous donnions un avis favorable.