Je souhaiterais rendre hommage à notre ancien collègue Jean-Claude Carle, qui fut rapporteur de ce budget pendant de longues années, sans que celles-ci n'entament sa passion pour l'éducation. Je retiendrai tout particulièrement sa conviction forte que l'enseignement des apprentissages fondamentaux est à la racine de la réussite et de l'échec d'un système éducatif et que, comme il le disait lui-même, « la qualité d'un budget ne se mesure pas à l'aune de ses crédits ».
Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une augmentation des crédits des cinq programmes de la mission « Enseignement scolaire » de 1,2 milliard d'euros en 2019, soit une augmentation de 1,7 % ; à titre de comparaison, il avait augmenté de 2,4 % par an en moyenne de 2012 à 2017. Le budget de l'éducation nationale atteindra alors près de 71,3 milliards d'euros constitué à 93,4 % de dépenses de personnel.
L'intégralité de l'augmentation des crédits provient des dépenses de personnel, dont la hausse procède de plusieurs facteurs :
- le glissement vieillesse-technicité (GVT), soit l'augmentation naturelle des dépenses liée à l'avancement des agents, dont le solde est prévu à 428 millions d'euros ;
- des mesures de revalorisation catégorielles, pour une somme totale de 388 millions d'euros, dont 294 au titre de la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) et 59 millions d'euros au titre de la revalorisation du dispositif indemnitaire en éducation prioritaire ;
- et enfin de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2018.
S'agissant des emplois, 1 800 emplois sont supprimés, ce qui est relativement faible au regard des effectifs de la mission, dont le plafond d'emplois s'élève à 1 043 000 ETPT.
Comme le budget précédent, le budget 2019 donne une priorité forte et claire à l'école primaire. Elle se traduit par la forte augmentation des crédits consacrés au primaire, qui s'élève à 2,3 %, et la création de 2 850 postes d'enseignants titulaires à la rentrée 2019, essentiellement destinés à achever le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire.
Ces créations de postes sont compensées par la suppression de 1 050 postes d'enseignants stagiaires dans le premier degré, 2 650 postes d'enseignants dans le second degré, 550 dans l'enseignement privé et 400 de personnels administratifs. Je regrette l'absence d'une programmation pluriannuelle des emplois, qui permettrait de donner au système éducatif de la stabilité et de la prévisibilité, ce dont il a tant besoin.
Le budget 2019 poursuit le rééquilibrage de la dépense d'éducation en direction du primaire. L'école primaire, moment de l'acquisition des fondamentaux - lire, écrire, compter, respecter autrui - fait l'objet d'un sous-investissement continu dans notre pays. La France dépensait en effet 6 550 euros par écolier en 2017, soit un tiers de moins que pour un élève du secondaire et près de moitié moins que pour un étudiant.
Le rééquilibrage devrait être facilité par la diminution attendue des effectifs d'élèves de l'école primaire, qui agira comme un effet de levier. Le ministère prévoit en effet une baisse importante des effectifs du premier degré, liée à une baisse inquiétante de la démographie : on attend 63 000 élèves de moins à l'école primaire en 2019, 73 000 en 2020 et 86 000 en 2021.
Dans le premier degré, la mesure principale demeure la réduction à douze de l'effectif des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. Elle présente un coût substantiel, estimé à 11 000 postes à l'horizon 2020 et un coût brut de 500 millions d'euros.
Si cette mesure volontariste va dans le bon sens, en ce qu'elle vise à réduire l'échec scolaire à la racine et alors que les évaluations montrent un écart important dans les acquis des élèves selon qu'ils sont ou non en éducation prioritaire, j'émettrai néanmoins plusieurs réserves.
En premier lieu, je regrette l'absence d'évaluation de ce dispositif ainsi que du dispositif « plus de maîtres que de classes » qui a été largement réduit à son profit. Cela est d'autant plus important qu'une expérimentation analogue de classes de CP à effectifs réduits en éducation prioritaire, menée de 2002 à 2004, s'était révélée très décevante.
Deuxièmement, il semble que la compensation des investissements consentis par les communes a été très imparfaite. Ce n'est pas faute de dotations prévues à cet effet, puisqu'étaient notamment fléchées la dotation politique de la ville (DPV), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou encore la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Mais il semble que beaucoup de communes n'en ont pas eu connaissance à temps ; selon les départements, les priorités ont également pu varier.
Enfin, on ne peut que déplorer que cette mesure ait entrainé de nombreuses fermetures de classes en milieu rural. En juillet 2017, à l'occasion de la conférence des territoires, le Président de la République s'était engagé à ce qu'il n'y ait plus de fermeture de classes dans les écoles rurales. Contrairement à cet engagement, au moins 300 fermetures de classes ont eu lieu à la rentrée 2018 en milieu rural. Vous le savez, mes chers collègues, l'école est souvent le dernier service public présent dans les communes. Il n'y revêt pas seulement une dimension symbolique : outre les longs trajets imposés aux enfants et à leurs parents, les fermetures de classes participent d'une perte d'attractivité et de la désertification de nos campagnes. C'est tout un pan de notre pays qui se sent oublié ; lui prendre pour donner à d'autres ne peut être la solution : c'est opposer une France à l'autre ! C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter un amendement visant à transférer 10 millions d'euros de dépenses de titre 2 vers l'enseignement primaire, afin de créer des postes supplémentaires en faveur de l'école rurale.
L'autre mesure importante est l'abaissement à trois ans de l'obligation d'instruction, qui devrait entrer en vigueur à la rentrée 2019, après l'adoption du projet de loi pour une école de la confiance, dont elle constitue une mesure phare.
Selon le ministère, cette mesure se traduirait par une augmentation du nombre d'enfants scolarisés située entre 23 000 et 26 000, compensée en partie par l'arrivée de classes d'âge creuses. Cette mesure devrait en revanche se traduire par un surcoût pour les collectivités territoriales estimé à 100 millions d'euros ; du fait des délais d'instruction des demandes, la compensation de ce surcoût ne devrait être versée qu'en 2020. C'est pourquoi le PLF 2019 ne prévoit rien à cet effet. Il conviendra d'être particulièrement vigilant à ce que le surcoût engendré pour les collectivités territoriales concernées soit intégralement compensé.
Dans le second degré, le ministère a annoncé son intention de compenser en partie les suppressions d'emploi par un recours accru aux heures supplémentaires. Pour ce faire, il est prévu qu'à partir de la rentrée 2019 les chefs d'établissement pourront imposer une seconde heure supplémentaire aux enseignants dans l'intérêt du service, contre une seule actuellement. C'est une mesure qui me semble de bon sens et qui permettra d'augmenter le pouvoir d'achat des enseignants, à plus forte raison dans la mesure où ces heures supplémentaires seront exonérées de cotisations sociales.
L'année 2019 verra la mise en oeuvre des réformes du lycée général et technologique et de la voie professionnelle. Conformément à la position défendue de longue date par le Sénat, ces réformes vont dans le sens d'une optimisation de l'emploi des moyens.
La réforme du baccalauréat général et technologique, dont la mise en oeuvre progressive s'achèvera en 2021, devrait permettre de rationaliser l'offre scolaire et d'optimiser la taille des classes, notamment par :
- la suppression des séries dans la voie générale ;
- l'allègement des horaires, de l'ordre de 3 % en moyenne par élève, en lycée général ;
- l'introduction d'une part de contrôle continu et l'allègement du nombre d'épreuves terminales du baccalauréat, dont il est attendu une moindre perte d'heures d'enseignement en fin d'année scolaire.
Dans la voie professionnelle, la réforme annoncée au printemps dernier, devrait aboutir à une rationalisation de l'offre scolaire en vue d'une meilleure professionnalisation des diplômés. Les axes de travail envisagés sont :
- la création de classes de seconde professionnelle sectorielles, correspondant à des familles de métiers présentant des compétences communes ;
- la refonte des grilles horaires de CAP et du baccalauréat professionnel, qui se traduirait par une légère baisse des volumes horaires élève et un renforcement de l'accompagnement personnalisé des élèves ;
- une personnalisation accrue des parcours menant au baccalauréat professionnel, avec, selon le projet de l'élève, des modules d'aide à la poursuite d'études ou à l'insertion professionnelle ;
- la redynamisation des campus des métiers et des qualifications et l'insertion des lycées professionnels dans le tissu économique ;
- une offre de formation mieux adaptée à la réalité économique et orientée vers les secteurs les plus porteurs.
Au collège, le dispositif « devoirs faits » continuera sa montée en puissance, pour un coût de 247 millions d'euros, qui finance à la fois les heures supplémentaires des professeurs qui y participent ainsi que la rémunération des assistants d'éducation, des associations et des volontaires du service civique impliqués. Si l'on ne peut être que favorable à cette mesure de bon sens, il me semble qu'une évaluation de ce dispositif est nécessaire ; les remontées du terrain font état d'une réalisation en-deçà des ambitions du ministère, tant en matière du volume horaire proposé que du public concerné.
Je passerai rapidement sur les autres points saillants de ce budget, qui sont :
- la forte diminution des crédits prévus au titre du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (- 168 millions d'euros) ; il s'agit de la conséquence du choix d'un grand nombre de communes - 87 % d'entre elles à la rentrée 2018 - de revenir à la semaine de quatre jours, comme le permet le décret du 27 juin 2017 ;
- la considérable augmentation des crédits consacrés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap (+ 380 millions d'euros, soit + 33 %) ; si elle procède, pour 124 millions d'euros, d'un transfert de crédits lié à la prise en charge accrue du financement des contrats aidés par le ministère, cette augmentation finance également le recrutement de 1 500 AESH dès janvier 2019 pour faire face aux besoins en croissance constante, le recrutement direct de 4 500 AESH supplémentaires à la rentrée 2019 ainsi que la poursuite de la politique de professionnalisation de l'accompagnement des élèves handicapés, par la transformation de 11 200 contrats aidés en 6 400 contrats d'AESH à la rentrée 2019 ;
- enfin, le ministère a annoncé l'abandon du programme SIRHEN, son logiciel RH dont le surcoût et le retard semblaient hors de contrôle. Son remplacement est d'ores et déjà programmé.
J'en viens désormais à la question de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, sur laquelle j'ai souhaité porter un éclairage.
Prévu dès l'origine de l'école maternelle, l'accueil des enfants de deux ans est une exception française - ou plutôt francophone puisque seule la Belgique wallone le met aussi en oeuvre. Il ne s'est vraiment développé qu'à partir des années 1960, parallèlement à la généralisation de la scolarisation des enfants de trois à cinq ans. Nos anciens collègues Monique Papon et Pierre Martin écrivaient que « l'école maternelle a laissé venir à elle les enfants de deux ans » quand le contexte démographique et socio-économique l'a permis. Schématiquement, 5 à 6 enfants de deux ans étaient accueillis pour remplir une classe de 20 ou de 25 enfants plus âgés. De 1980 à 2001, le taux de scolarisation des enfants de deux ans s'est maintenu à environ 35 %, avant de fondre rapidement - en 2010, il n'était que de 12 %.
Cette diminution rapide a plusieurs causes : l'augmentation des effectifs d'élèves, les suppressions de postes intervenues dans l'éducation nationale, mais également une remise en question profonde, sinon de son bien-fondé, du moins des conditions de cet accueil. Le rapport annuel de 2003 du défenseur des enfants se faisait l'écho des inquiétudes exprimées par divers spécialistes de la petite enfance sur les conséquences négatives qu'entraînait l'intégration des enfants de deux ans au sein de classes de petite section voire de classes mixtes accueillant des élèves jusqu'à la grande section. En 2007 et en 2008, de nombreux rapports, comme celui d'Alain Bentolila ou de nos anciens collègues Monique Papon et Pierre Martin ont remis en cause cette politique et appelé au développement de crèches ou à la mise en place de jardins d'éveil - l'expérimentation de ces derniers, menée à partir de 2010, s'est révélée toutefois décevante.
La relance de la scolarisation des enfants de moins de trois ans constitue une des priorités de la refondation de l'école mise en oeuvre à partir de 2012. La loi du 8 juillet 2013 a prévu que l'accueil des enfants de deux ans, orienté en priorité vers les familles les plus éloignées de la langue française et de la culture scolaire, devait avoir lieu « dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif ». Son rapport annexé prévoyait la création de 3 000 ETP sur la durée de la législature en faveur de cette mesure, devant permettre d'atteindre l'objectif de porter à 30 % le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans en éducation prioritaire à l'horizon 2017. À l'occasion du comité interministériel « égalité et citoyenneté » du 6 mars 2015, cet objectif a été porté à 50 % pour les REP+.
D'un point de vue quantitatif, cet objectif n'a pas été atteint : à la rentrée 2017, 12 % environ des enfants de deux ans étaient scolarisés, soit une proportion globalement stable par rapport à 2010, le taux de scolarisation ne dépassant pas 20 % en REP (elle s'y élève à 19,3 %) et atteignant 22,3 % en REP+.
La situation demeure très contrastée selon les territoires et n'est véritablement satisfaisante que dans ceux où la scolarisation des enfants de deux ans s'était maintenue : l'Ouest, le Nord et le Massif central. Il est particulièrement faible en Île-de-France, y compris dans l'éducation prioritaire, et en Rhône-Alpes. Sur les 3000 postes prévus, 1 413 seulement ont été créés, à 70 % en éducation prioritaire.
Pourquoi ? Le premier frein invoqué est l'absence de demande, voire la réticence, de la part des populations cibles de la politique de scolarisation précoce, particulièrement dans un contexte de chômage.
L'autre difficulté majeure est celle liée aux conditions matérielles d'accueil, en particulier le manque de locaux en éducation prioritaire, particulièrement criant en Île-de-France, mais également dans d'autres académies, d'autant qu'ils sont sollicités pour le dédoublement des classes de CP et de CE1. En milieu rural et périurbain se pose plutôt le problème des transports scolaires, inadaptés à la prise en charge d'enfants aussi jeunes.
Enfin, parce qu'elle nécessite la mise à disposition de locaux et de mobilier adaptés et presque toujours d'un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM), l'accueil des enfants de deux ans, particulièrement au sein de classes spécifiques, exige un investissement conséquent des communes. Sous le double mouvement de la baisse des dotations et des dépenses imposées par la réforme des rythmes scolaires, peu de communes ont pu dégager les moyens suffisants. Celles qui ne l'ont pas fait invoquent aussi l'absence de confiance dans la pérennité du dispositif : il est difficile de consentir de tels investissements lorsque l'on n'a pas foi dans l'engagement de l'État.
Sur le plan qualitatif, le bilan de la relance de la scolarisation à deux ans est difficile à établir, faute d'évaluation sérieuse. On ne peut qu'être surpris de savoir qu'aucune évaluation de cette politique n'a été prévue.
Il n'existe sur ce sujet que des évaluations sur des données anciennes. Si certaines études aboutissent à des résultats positifs, la plus récente, publiée par France Stratégie en janvier 2018, trouve un effet neutre, voire légèrement négatif, de la scolarisation à deux ans telle qu'elle était menée au début des années 2000. Sans mesurer ce qu'apporte une quatrième année de maternelle, les travaux de l'OCDE sur la petite enfance montrent des rendements décroissants de la scolarisation préélémentaire.
Ce qui est certain, c'est que les conditions d'un accueil de qualité ne sont toujours pas réunies.
Premièrement, l'accueil au sein de classes dédiées demeure largement minoritaire. Dit autrement, la plupart des enfants de deux ans scolarisés complètent des classes accueillant des enfants plus grands. Il s'agit clairement de la configuration la moins favorable, en ce qu'elle aboutit souvent à méconnaître les rythmes et les besoins particuliers de ces enfants. Ils reçoivent aussi moins d'attention de la part des enseignants. D'autre part, les classes passerelles, qui constituent une solution très intéressante, demeurent rares car coûteuses.
L'école doit également s'adapter aux enfants de deux ans et être éducative en étant moins scolaire. Si les programmes de 2015 sont satisfaisants, donnant une large place au jeu et à l'éveil, il semble que leur mise en oeuvre laisse souvent à désirer. Observant une classe mixte, des chercheurs ont pu décrire des enfants de deux ans confrontés à des exigences scolaires qui ne sont pas adaptées et qui les mettent en échec.
La qualité des encadrants n'est pas toujours au rendez-vous. Exercer auprès d'enfants de deux ans est un autre métier qu'enseigner à des enfants plus grands. Pourtant, sa spécificité est peu prise en compte par l'institution : les postes en classes spécifiques ne sont pas toujours profilés, voire sont occupés par des débutants, la formation en école supérieure du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) est inexistante et doit être compensée par des formations organisées au niveau local. Les interlocuteurs ont pu décrire l'importance du rôle de l'ATSEM, exerçant de préférence à plein temps, ce qui représente un coût important pour la commune. Il convient de reconnaître pleinement sa dimension éducative et de construire une culture commune avec les enseignants, notamment par des formations partagées.
Enfin, le succès du dispositif repose sur la qualité du partenariat entre l'école et les autres acteurs de la petite enfance : commune, PMI, CAF, etc.
Quelles conclusions faut-il en tirer ?
Il me semble urgent d'évaluer la scolarisation des enfants de deux ans selon ses différentes modalités, afin d'en connaître les effets sur les élèves.
Tous les élèves n'ont pas vocation à être scolarisés dès l'âge de deux ans ; les remontées du terrain ne font état de bénéfices réels que pour certains, notamment les allophones et ceux qui sont très éloignés de la culture scolaire.
Pour autant, je ne préconise pas de mettre fin à la scolarisation des enfants de deux ans. Notre système éducatif pâtit de ces allers-retours incessants ; il a besoin de stabilité et de prévisibilité. En revanche, là où cela est encore nécessaire, il convient de concentrer les efforts sur les classes dédiées dans les zones prioritaires ainsi que sur les classes passerelles.
Surtout, ce sujet m'amène à partager avec vous deux réflexions sur la qualité de l'accueil de la petite enfance et de notre école maternelle.
La France se distingue d'autres pays de l'OCDE, notamment les pays nordiques, par le caractère dual de sa politique de la petite enfance, dont les formes d'accueil relève d'institutions différentes. Au contraire, d'autres pays possèdent un système intégré, souvent sous l'égide du ministère chargé de l'éducation, qui prend en charge les enfants de leur première à leur sixième année, lorsqu'ils entrent à l'école élémentaire. Il ressort du rapport de l'OCDE que la France semble désormais « à la traîne » du point de vue des financements publics fléchés vers la petite enfance.
L'offre de places en accueil collectif demeure en-deçà des besoins (57 places pour 100 enfants) et marqué par de fortes disparités sociales : en 2013, seuls 5 % d'enfants défavorisés étaient accueillis en crèche, contre 22 % des enfants les plus favorisés. La dimension éducative en crèche est trop peu présente.
Le Gouvernement a annoncé la création de 30 000 places en crèches et 1 000 en relais d'assistantes maternelles ainsi qu'un plan de formation continue de 600 000 professionnels de la petite enfance avec un nouveau référentiel favorisant l'apprentissage de la langue française par les tout-petits, qui sera élaboré sous l'égide du Haut conseil de la famille de l'enfance et de l'âge (HCFEA). L'éducation nationale y sera, je l'espère, associée - en tout cas cela illustre les cloisonnements de notre système de prise en charge de la petite enfance.
Enfin, ma seconde réflexion porte sur la qualité de notre école maternelle. Alors que notre pays a été précurseur et a longtemps été en pointe, la prise en charge des enfants de même âge s'est fortement développée dans les autres pays de l'OCDE. Les taux d'encadrement y sont plus élevés qu'à l'étranger, avec un enseignant pour 23 élèves en France contre un pour quinze dans l'OCDE. La maternelle est la grande oubliée de la formation initiale des professeurs des écoles ; un de nos interlocuteurs nous disait qu'il y avait plus de différences entre un enfant de maternelle et un enfant en élémentaire qu'entre ce dernier et un enfant de collège. Cette spécificité est aujourd'hui peu prise en compte. Sans spécialiser trop tôt les enseignants, il serait profitable qu'une mention « maternelle » soit créée dans la formation initiale et que la formation continue à leur égard soit rénovée. La question du statut, de la formation et du rôle des ATSEM est également cruciale.
Alors que le Gouvernement envisage de rendre obligatoire l'instruction dès trois ans, encore faut-il que la qualité de l'enseignement soit au rendez-vous ! Sinon je crains que celle-ci ne se réduise à une mesure d'affichage.
Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous présente, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du PLF 2019.