L'exercice 2019 voit le budget de l'enseignement agricole marqué par la stabilité, dans un contexte de baisse des effectifs d'élèves et de nombreuses réformes de fond.
Alors que l'exercice 2018 marquait une consolidation après cinq années de créations de postes, 50 emplois seront supprimés en 2019. Cette réduction, parallèle à celle constatée dans le second degré de l'éducation nationale, est relativement minime, surtout au regard de la baisse continue des effectifs d'élèves, sur laquelle je reviendrai.
Rappelons également que les effectifs par classe sont singulièrement plus faibles dans l'enseignement agricole, ce qui aurait pu justifier une ponction autrement plus douloureuse.
Toutefois, cette réduction de cinquante emplois marque clairement un renversement de tendance, alors même que l'enseignement agricole doit engager un redéploiement de ses moyens pour répondre à l'évolution de la démographie.
Au total, les crédits du programme 143 augmentent de 20 millions d'euros, soit une augmentation de 1,4 %. L'augmentation des crédits est toute entière concentrée sur les dépenses de personnel, finançant par là les revalorisations liées à la pleine mise en oeuvre du protocole PPCR, la revalorisation de la rémunération des enseignants contractuels et le glissement vieillesse-technicité, c'est-à-dire l'augmentation naturelle des dépenses compte tenu de l'avancement des agents.
Les crédits qui ne relèvent pas des dépenses de personnel, qui avaient fortement augmentés l'année dernière, demeurent stables.
Le seul point d'alerte est à mon sens la réduction de la prise en compte de la compensation des charges de pension des agents titulaires sur budget des centres de formation d'apprentis (CFA) et CFPPA. Celle-ci diminue de 500 000 euros en 2019, ce qui reviendra à la mettre à la charge des établissements publics. Il ne faudrait pas, en effet, contrarier la dynamique d'amélioration de leur situation financière, qui demeure globalement fragile : à peine plus de la moitié des établissements présentent une situation financière satisfaisante.
S'agissant de l'aide sociale aux élèves, les crédits liés aux bourses diminuent de 12 millions d'euros (- 14 %). Cette baisse s'explique avant tout par une surestimation manifeste des crédits demandés en 2018 ainsi que par une baisse du nombre d'élèves et d'étudiants remplissant les conditions d'éligibilité, dans un contexte général de diminution des effectifs.
En revanche, les crédits destinés à la prise en charge du handicap poursuivent leur augmentation tendancielle. Pour 2019, celle-ci s'élève à 3,5 millions d'euros (+ 44 %) ; elle s'explique par :
- la progression constante des prescriptions d'aide humaine ou matérielle (+ 20 % par an entre les années scolaires 2016-2017 et 2017-2018) ;
- une prise en charge accrue par le ministère des contrats d'auxiliaires de vie scolaire, devenus des contrats aidés « parcours emploi compétence » ;
- la professionnalisation des accompagnants, sous la forme de contrats d'AESH ; les AESH concluant un contrat de durée indéterminée (CDI) à l'issue de six années d'exercice sont pris en charge sur le titre 2 du programme, ce qui se traduit par une dépense supplémentaire de 700 000 euros. En 2019, ils seront 25 dans ce cas.
J'en viens aux relations avec les établissements privés, qui accueillent plus de 60 % des élèves de l'enseignement agricole. On y distingue l'enseignement privé du temps plein - analogue à l'enseignement sous contrat « classique » - et celui du rythme approprié, dispensé par les maisons familiales rurales (MFR), qui proposent une pédagogie originale centrée sur l'alternance.
Ces établissements sont financés par des subventions de l'État versées en application et selon les modalités déterminées par la loi « Rocard » du 31 décembre 1984. Depuis 2002, des accords ont été conclus avec l'enseignement privé afin d'encadrer le montant des subventions versées.
L'année 2018 a vu la conclusion de nouveaux protocoles d'accord entre l'État et les différentes fédérations :
- pour les établissements relevant du rythme approprié, deux protocoles ont été conclus avec l'Union nationale des maisons familiales rurales (UNMFREO) et l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP) ; le montant des subventions allouées à ces fédérations augmente respectivement de 3 millions d'euros et de 200 000 euros ;
- pour les établissements relevant du temps plein, un protocole d'accord a été conclu le 30 juillet 2018 avec le conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) et l'UNREP : le montant maximal de la subvention de fonctionnement augmente de près de 4,7 millions d'euros.
Ces protocoles, qui permettent de pérenniser le financement des établissements privés, me semblent constituer une solution équitable. Les familles de l'enseignement privé sont une composante essentielle de l'enseignement agricole ; l'augmentation de leur financement permet d'envisager un nouvel avenir pour l'enseignement agricole privé, alors que certains territoires, notamment l'Ouest et les outre-mer, constituent un terreau favorable à son développement.
Ce développement est pour moi, mes chers collègues, l'enjeu central.
Dire de l'enseignement agricole qu'il est une filière de réussite et d'excellence est quasiment devenu un élément de langage convenu, tant je l'entends répéter par tous et partout.
Et pourtant, alors que nous le répétons sans cesse, nous voyons les effectifs d'élèves se réduire année après année. Ils devraient passer sous la barre des 160 000 élèves cette année, soit 6 % de moins qu'en 2008.
Cette baisse concerne toutes les composantes de l'enseignement agricole et tous les niveaux, y compris au lycée général et technologique où l'on attend pourtant une hausse des effectifs au niveau national.
Pourquoi ? Plusieurs facteurs expliquent la baisse des effectifs :
- l'implantation traditionnelle de l'enseignement agricole dans des régions en baisse démographique, et a contrario une sous-représentation dans les régions où la demande existe ;
- le maintien d'une forme de concurrence entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole, surtout là où les effectifs d'élèves diminuent ;
- surtout, un défaut de visibilité auprès des élèves, peu informés sur l'enseignement agricole et ce qu'il offre ; combien de collégiens savent que l'on peut devenir ingénieur en intégrant une classe de première technologique agricole ? Combien savent que sept mois après sa sortie de formation, un élève de terminale professionnelle agricole a 59 % de chance de trouver un emploi, contre 42 % pour son homologue de l'éducation nationale ?
Je ne vous surprendrai pas, mes chers collègues, en vous disant à quel point je crois en l'avenir de l'enseignement agricole. La préservation de l'environnement et des ressources naturelles, la transition agro-écologique, les nouvelles formes d'agriculture, dont par exemple l'agriculture urbaine, sont des enjeux de la plus haute importance, auxquels l'enseignement agricole peut apporter des réponses.
J'ai été satisfait d'apprendre qu'une campagne de communication devrait être lancée en 2019, visant à mettre en avant l'enseignement agricole et la diversité des métiers auxquels il prépare. Elle devrait être menée en partenariat avec la FNSEA pour les métiers agricoles, et surtout avec l'éducation nationale. Une convention a d'ailleurs été conclue entre les deux ministres le 27 février 2018, identifiant les domaines dans lesquels l'éducation nationale et l'enseignement agricole vont collaborer plus étroitement. La convention cite ainsi
- l'orientation et l'affectation des élèves ;
- l'élaboration des référentiels de formation ;
- la conduite des politiques éducatives, en particulier l'accueil des élèves handicapés et la lutte contre le décrochage ;
- l'éducation artistique et culturelle ;
- la cohérence de l'offre de formation et la mobilisation de la ressource humaine (remplacement, formation continue, solutions de mobilité) ;
- les partenariats en matière statistique et de systèmes d'information, afin notamment de faciliter la transmission des dossiers.
Vous savez que je suis très attaché à la coopération entre ces deux ministères ; l'enseignement agricole a tout à y gagner. Espérons qu'elle se traduira de manière concrète, au niveau local.
Enfin, l'année 2019 verra l'achèvement des chantiers d'ampleur - réforme du baccalauréat général et technologique, réforme de la voie professionnelle, réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle - qui ne seront pas sans conséquence sur l'enseignement agricole.
En premier lieu, vous remarquerez que beaucoup d'éléments de ces réformes s'inspirent de ce qui a déjà cours dans l'enseignement agricole : l'importance accordée à l'oral, l'accompagnement individuel, le contrôle continu, la place importante des stages et de l'expérience professionnelle, etc.
Au milieu de ces changements, l'enseignement agricole devra maintenir tant sa spécificité que de son attractivité.
S'agissant de la réforme de la voie professionnelle, les conséquences sur les maquettes de formation dans l'enseignement agricole devraient être limitées, en ce que le volume horaire de formation y est déjà inférieur à celui de l'éducation nationale. Le ministère annonce tout de même réfléchir à une meilleure articulation entre les enseignements généraux et professionnels et à une augmentation des périodes de stages.
En ce qui concerne la réforme du lycée général et technologique, le baccalauréat « sciences et technologies de l'agronomie et du vivant » (STAV), seul baccalauréat technologique proposé dans l'enseignement agricole, ne devrait pas être substantiellement modifié.
Il en va autrement dans la voie générale, sachant que n'est proposée aujourd'hui dans l'enseignement agricole que la filière S, avec une spécialité spécifique : « écologie, agronomie et territoires ». Dans le cadre de la nouvelle organisation, il a été fait le choix de conserver le caractère scientifique du baccalauréat général proposé par les lycées agricoles.
En classe de première, trois enseignements de spécialité seront proposés : mathématiques, physique-chimie et biologie-écologie, cette dernière étant spécifique à l'enseignement agricole. Deux de ces trois spécialités seront conservées par les élèves en classe de terminale. Après une période de flottement, le ministère a confirmé que tous les lycées agricoles seront en mesure d'offrir aux élèves une certaine liberté dans le choix des spécialités en terminale.
En effet, alors que la réforme du lycée général met en avant la liberté de choix des élèves, il était à craindre que n'afficher qu'un choix limité, voire absent, décourage l'orientation vers l'enseignement agricole. Il conviendra de demeurer vigilant sur cette question, au regard de l'évolution des effectifs d'élèves.
Enfin, la mise en oeuvre de la loi du 5 septembre 2018, qui réforme en profondeur la formation professionnelle et l'apprentissage, exigera un important travail d'adaptation des établissements de l'enseignement agricole. Le ministère vient de lancer un plan triennal d'accompagnement des équipes pédagogiques, afin de les préparer au mieux à la nouvelle donne. Je suis néanmoins résolument optimiste quant à la place de l'enseignement agricole dans le nouveau système. Il possède en effet de nombreux atouts : des formations de qualité, un savoir-faire reconnu, des établissements qui entretiennent des relations étroites avec le tissu économique et qui possèdent la faculté de répondre vite et bien aux besoins des territoires et des entreprises.
Vous le voyez, mes chers collègues, en ces temps de réformes profondes, c'est un message d'espoir que je porte. L'enseignement agricole a un rôle à jouer dans les territoires, il y répond à un réel besoin.
Cette ambition, je me réjouis de savoir que le nouveau ministre, notre collègue Didier Guillaume, la porte avec nous, comme il l'a exposé hier devant notre commission.
Compte tenu de l'ensemble de ces observations, je recommande de donner un avis favorable à l'adoption des crédits affectés à l'enseignement agricole au sein de la mission « Enseignement scolaire ».