Intervention de André Vallini

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « action extérieure de l'etat » - programme 185 « diplomatie culturelle et d'influence » - examen du rapport pour avis

Photo de André ValliniAndré Vallini, co-rapporteur du programme 185 :

Mes chers collègues, Le programme 185 est marqué, cette année, par un effort particulier en faveur de la langue française, clé de voûte de notre influence culturelle. Comme l'a mentionné Robert del Picchia, des objectifs ambitieux ont été fixés par le Président de la République le 20 mars dernier.

Pour autant, le plan en faveur de la langue française soulève plusieurs interrogations.

Avant de les aborder, je souhaite évoquer rapidement le choix, suscité, soutenu, défendu par la France de nommer à la tête de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), lors du récent sommet d'Erevan, la Rwandaise Louise Mushikiwabo. Ce choix a provoqué une certaine perplexité dans la mesure où non seulement le Rwanda est l'objet de nombreuses dénonciations relatives au respect des droits de l'homme et de la démocratie mais aussi, et pour s'en tenir à l'objet de notre rapport, parce que ce pays a remplacé le français par l'anglais dans son système scolaire et dans ses services publics. Si la défense du plurilinguisme est légitime, elle ne saurait se faire au détriment du français.

Pour en revenir au plan en faveur de la langue française, il repose essentiellement sur l'enseignement français à l'étranger, qui doit être profondément réformé. L'objectif est ambitieux : doubler le nombre d'élèves scolarisés en français à l'étranger d'ici à 2030.

L'AEFE pilote aujourd'hui un réseau de 350 000 élèves dans 492 établissements homologués par le ministère de l'Éducation nationale : l'attractivité de ces lycées résulte pour beaucoup de cette homologation et de l'engagement des personnels détachés par le ministère au nombre de 6 480 soit 1 070 expatriés et 5 410 résidents.

La hausse des effectifs se poursuit mais son rythme ralentit et à moyens constants, la croissance ne saurait donc reposer uniquement sur le réseau de l'AEFE. Une offre complémentaire existe déjà : le « LabelFrancEducation » et les associations Français langue maternelle (FLAM). La demande est forte pour une éducation en français, ou bilingue, ne suivant pas forcément les programmes de l'Éducation nationale et de nouvelles formes de partenariat sont à l'étude.

Les objectifs quantitatifs du gouvernement posent donc deux questions :

- d'une part, sur la qualité de l'enseignement : doubler les effectifs signifie aussi doubler le nombre d'enseignants, mais aussi soutenir et contrôler l'offre nouvelle. Comment trouver la ressource nécessaire ?

- d'autre part, sur l'accessibilité de cette offre nouvelle, notamment pour les familles françaises à revenus modestes.

En outre il faut s'interroger sur les priorités géographiques de ce redéploiement.

Autre interrogation, celle relative à l'Institut français : sur les 33 mesures du plan en faveur de la langue française, 17 concernent en effet l'Institut français. Une réorganisation est en cours, au travers du rapprochement Institut français-Fondation Alliance française.

L'ambassadeur Pierre Vimont, que la commission a reçu à ce sujet, a proposé, dans une note stratégique au Président de la République, de rationaliser les relations entre les ambassades et les Alliances. Il suggère, par ailleurs, de recentrer la Fondation Alliance française et de modifier sa gouvernance. C'est l'Institut français qui, dans ce schéma, doit devenir l'opérateur pivot de l'action culturelle extérieure française, au service des deux réseaux. Une localisation commune des deux structures est par ailleurs proposée.

Ce rapprochement, qui ressemble fort à une absorption de la Fondation par l'Institut, sera sans conséquences, il faut le rappeler, sur l'existence et l'organisation des deux réseaux culturels à l'étranger.

A ce sujet, nous avons plusieurs points d'attention :

- l'Institut français bénéficie de moyens budgétaires supplémentaires, (+2 millions d'euros, cela reste modeste) mais pas d'emplois supplémentaires alors que la Fondation perd de son côté une quinzaine d'emplois en 2 ans. Il nous paraîtrait légitime, à tout le moins, de veiller à ce que l'Institut récupère les moyens numériques coûteux développés par la Fondation ;

- par ailleurs, il sera nécessaire de préparer les Alliances à cette évolution. Elles seront en effet confrontées à des acteurs nouveaux : l'ambassadeur au plan local, et l'Institut français, au plan national ;

- enfin troisième interrogation, le plan en faveur de la langue française prévoit un doublement du nombre d'étudiants étrangers en provenance des pays émergents et une rénovation de leurs conditions d'accueil.

Les étudiants en mobilité choisissent en effet leur pays d'accueil en fonction d'une expérience globale, qui dépasse la seule question de l'enseignement, mais inclut aussi le logement, la simplicité des démarches, l'offre sportive et culturelle etc. Ces questions jouent aussi beaucoup sur notre attractivité vis-à-vis des chercheurs, que nous souhaitons attirer en France, dans le contexte d'une concurrence internationale très rude.

Dans le domaine du changement climatique, par exemple, la Chine et l'Inde sont en train de devenir des leaders, alors que l'Europe avait un boulevard devant elle, étant donné le désengagement américain. Mais les moyens mis en oeuvre sont insuffisants.

Nous demeurons donc vigilants malgré la stabilisation de ce programme 185.

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