Intervention de Ladislas Poniatowski

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « action extérieure de l'etat » - programme 105 « action de la france en europe et dans le monde » - examen du rapport pour avis

Photo de Ladislas PoniatowskiLadislas Poniatowski, co-rapporteur :

Monsieur le Président, chers collègues, je vais concentrer mon propos sur les trois points forts du budget pour 2019 : la réduction de la masse salariale des agents de l'État en poste à l'étranger d'ici 2022, la politique immobilière et la diminution des contributions internationales obligatoires. Le PLF 2019 prévoit, 1,7 milliard d'euros pour le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » au sein de la mission « Action extérieure de l'État » qui est dotée de 2,8 milliards d'euros. Les crédits sont en diminution de 4,8 % malgré la hausse du programme 347 « Présidence française du G7 » abondé à hauteur de 24,4 millions d'euros en 2019, ramené à 21,2 millions d'euros (soit -3,2 millions d'euros) par un amendement adopté par la commission des finances pour ramener le coût de cet évènement au plus près du coût du G8 qui s'était tenu à Deauville en 2011, actualisé. Il s'agit d'encadrer ce budget trop largement doté. C'est également l'objet du deuxième amendement qui a été adopté et réduit de 3,1 millions d'euros les crédits destinés à une réunion ministérielle « affaires étrangères » du G7 sur l'action 2 « Action de la France en Europe et dans le monde ». La tendance est à la diminution.

Je vous rappelle qu'en 10 ans les effectifs du Quai ont déjà diminué de 12 % tandis que la masse salariale progressait sur la même période. Cette décorrélation entre l'évolution de ces deux variables s'explique par l'effet change d'une part et l'inflation mondiale d'autre part qui ont gonflé mécaniquement la masse salariale des fonctionnaires à l'étranger grâce au système de protection du pouvoir d'achat des fonctionnaires affectés à l'étranger, c'est-à-dire à l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE). Depuis 2011, un mécanisme de couverture de perte au change pour les rémunérations, versées en devises, des agents de droit local a également été prévu.

Dès l'année 2019 entrera en application la réorganisation des modes de gestion des réseaux de l'État à l'étranger annoncée lors de la conférence des ambassadeurs comme une première étape d'une réforme plus large plaçant les ambassadeurs en capacité de piloter l'ensemble des réseaux de l'État à l'étranger, comprenant des employés du MEAE, de Bercy, du ministère de l'intérieur et du ministère de la défense. Je ne suis pas sûr que tous les ministères joueront sincèrement le jeu de la diminution de leurs effectifs telles que définie par le Président de la République. Il nous appartiendra d'être vigilant à ce que le Quai d'Orsay n'absorbe pas à lui seul la réduction de la masse salariale.

J'en viens à la politique immobilière. Ma première constatation est que la rationalisation des sites parisiens tarde et assèche les produits de cession des ventes d'immobilier à l'étranger. La rationalisation sur trois sites d'implantation du Quai décidée il y a 10 ans reste un voeu pieux. Le projet de colocalisation de deux services (archives et valise) dans un même bâtiment a été abandonné au profit d'un projet d'installation indépendant du service de la valise sur le site de La Courneuve, après 2021. Nous suivrons avec attention l'évolution de ce projet et de ses coûts.

Le projet de rénovation du Quai d'Orsay, que nous sommes allés voir sur place en mars 2018 avec mon co-rapporteur, est estimé à 80 millions d'euros et repose, presque pour moitié, sur des recettes des cessions des biens immobiliers du ministère à l'étranger ce qui est regrettable.

La situation de la politique immobilière à l'étranger est très préoccupante. Elle est grevée par le choix de faire dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles. Ce système qui revient à appauvrir l'État a été en partie capté par le désendettement de l'État jusqu'en 2017 et est en voie d'essoufflement : les prévisions de recettes étaient de l'ordre de 30 millions d'euros en 2017 et en 2018. Nous ne disposons toujours pas de la prévision des cessions pour 2019 ni d'une programmation pluriannuelle.

Nous constatons de plus l'insuffisance chronique des crédits dédiés à l'entretien lourd des bâtiments. La dotation est de 12 millions d'euros en 2018 pour des besoins annuels du MEAE compris entre 40 et 80 millions d'euros par an.

Je voudrais également apporter une précision importante, on envisage de développer les mutualisations et les colocalisations comme un moyen de pallier le manque de crédits, en faisant avec d'autres ce que nous faisions avant pour un moindre coût. Avec l'Allemagne, nous avons déjà plusieurs colocalisations effectives en Chine, en République du Congo, en Corée du Nord, au Brésil, en Érythrée, au Brunei, au Koweït, au Bangladesh. Mais l'ambassade en construction sous maîtrise d'ouvrage allemande à Khartoum reviendra beaucoup plus cher qu'une localisation française selon les informations transmises. Ce n'est pas de bonne gestion. En revanche, les colocalisations avec le Service européen d'action extérieure au Timor oriental, au Rwanda, au Soudan du Sud, au Honduras, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Canada (Assomption au Québec), et en Turquie (Gaziantep), et au Nigéria semblent fonctionner.

J'en viens à présent à la forte réduction des contributions internationales obligatoires (CIO). Elle est de 73,8 millions d'euros pour atteindre 683,8 millions d'euros en 2019, soit une baisse de 9,7 %. Cela découle de raisons qui ne sont pas forcément de mauvaises raisons. Tout d'abord, la diminution du budget des opérations de maintien de la paix (OMP) de l'ONU de plus de 15 % s'explique largement par la fermeture des missions au Libéria et en République démocratique du Congo et la réduction du format au Soudan ainsi que par la forte pression maintenue par l'administration américaine. Le gain au change a également un effet positif. De même, la baisse des CIO tient à la poursuite de l'ajustement à la baisse du barème des contributions internationales de la France, qui permet, par exemple, une diminution de la contribution à l'ONU de 9,44 %. Or la diminution de la quote-part française témoigne de la perte de poids économique de notre pays.

Ceci m'amène à ma conclusion sous forme de question : quelle place voulons-nous pour la France dans le monde ? Nous diminuons nos effectifs et notre poids dans le monde, alors que les budgets des affaires étrangères de l'Angleterre et de l'Allemagne, ainsi que leur nombre d'ambassades et leurs effectifs, augmentent. Si la taille de notre réseau international nous place depuis l'an dernier au troisième rang mondial - car après les Américains, les Chinois nous sont passés devant -, nous n'arrivons à rester devant l'Angleterre que grâce à nos consulats. L'Angleterre et l'Allemagne ont cependant plus d'agents dans leurs ambassades et leurs consulats que nous. Nous devrons suivre avec attention les évolutions de notre réseau, il en va de la crédibilité de notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Nous serons vigilants sur la réforme menée par les ambassadeurs. Sous cette réserve, mes chers collègues, je vous propose d'adopter les crédits du programme 105.

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