Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « défense » vote réservé - programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » - examen du rapport pour avis

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard, co-rapporteur du programme 144 :

Il me revient de vous présenter tout d'abord le cadre budgétaire du programme 144. Il est cohérent avec le reste de la mission défense, et la trajectoire définie en LPM, à savoir l'augmentation progressive des crédits d'ici 2025.

De fait, les autorisations d'engagement (AE) devraient progresser de 12,9%, pour s'établir à 1,63 milliard d'euros. Les crédits de paiement augmenteraient, eux, de 5,8% pour s'établir à 1,48 milliard d'euros, soit une hausse de 80 millions d'euros par rapport à 2018.

Cette hausse des crédits s'explique principalement par deux éléments du programme :

- le renseignement, dont les crédits de paiement augmentent de 16% ;

- et les crédits d'études amont, qui représentent à eux seuls un peu plus de la moitié des crédits du programme 144 (51%).

Les crédits d'études amont progresseront de 35 millions d'euros, pour s'établir à 758,5 millions d'euros. Notre commission avait réclamé dans son rapport « 2% du PIB : les moyens de la défense nationale » la remontée de ces crédits jusqu'à un milliard d'euros par an. Nous avions obtenu gain de cause en LPM, mais encore fallait-il préciser la trajectoire de progression, ce que nous avions ajouté au texte par un amendement. Il est à noter que ce montant est légèrement en retrait par rapport à celui inscrit en LPM (762 millions d'euros prévus en LPM).

Plus fondamentalement, cette présentation rapide des crédits inscrits au PLF 2019 ne dispense pas de regarder attentivement les conditions de la fin de gestion 2018. En effet, nous avons déjà vu les années précédentes qu'une fin de gestion défavorable se répercute sur l'année suivante, notamment à travers le problème des reports de charges.

Or, vous le savez, le Gouvernement a fait des annonces inquiétantes lors de la présentation du PLFR, le 7 novembre. En effet, ce texte qui a été examiné par l'Assemblée nationale dans un délai extrêmement court, prévoit, pour la mission Défense, 404 millions d'euros d'annulations de crédits, dont 20 millions d'euros sur le programme 144.

Nous souhaitons, naturellement, savoir en détail où s'impactent ces annulations. Nous allons continuer d'être très vigilants à ce sujet dans les jours qui viennent.

J'en viens maintenant au fond : le soutien à l'innovation qui est l'un des deux axes de ce programme, l'autre étant le renseignement. Le commentaire que l'on peut faire dans le cadre de ce PLF est globalement positif, mais avec quelques nuances et réserves.

Globalement positif parce que, sous réserve que la fin de gestion ne nous amène pas de trop mauvaises surprises, les crédits augmentent, et c'était ce que notre commission avait réclamé. Mais, au-delà de cette hausse des crédits, il y a aussi des éléments positifs à souligner.

Tout d'abord, l'importance accordée par la ministre à l'innovation. Celle-ci se retrouve partout. Naturellement, il ne faut pas que cela reste un effet de mode. Nous avions vu, à l'occasion de la LPM, à quel point le contenu en R&D des matériels de défense ne cesse de s'intensifier, et les cycles d'innovation se raccourcir.

Dans ce contexte, si nous ne voulons pas que notre BITD aujourd'hui, et nos armées demain, connaissent le déclassement technologique, il faut redoubler d'efforts en matière d'innovation, notamment en captant, cela a été bien dit lors de la LPM, l'innovation civile, qui, de plus en plus souvent, dépasse aujourd'hui l'innovation militaire.

Ce volontarisme politique s'est traduit par la création, le 1er septembre, de l'Agence de l'innovation de défense, dont nous avons auditionné le directeur, M. Emmanuel Chiva. Cette structure, rattachée au DGA, a vocation à coordonner toutes les initiatives du ministère dans ce domaine. Mais aussi, et c'est très important, elle sera le guichet unique des acteurs extérieurs (entreprises, ou innovateurs, par exemple issus des forces). Elle comptera à terme une centaine de personnes, dont 70 sont déjà à pied d'oeuvre.

M. Chiva nous a clairement dit qu'il avait bien conscience du risque d'empilement des structures. Il entend au contraire simplifier les canaux de diffusion de l'innovation. Nous suivrons donc avec un très grand intérêt les premiers pas de cette nouvelle agence.

Deuxième point positif que nos auditions ont confirmé : le succès du dispositif RAPID (Régime d'appui pour l'innovation duale) de soutien à l'innovation. Il s'agit d'un dispositif qui concerne les projets d'innovation duale des PME et ETI de moins de 2 000 salariés. Il est doté de 50 millions d'euros par an. Le dispositif pourrait peut-être être amélioré en étant étendu à la phase de pré-production des projets.

J'en viens maintenant au principal point de préoccupation, que nous avions déjà évoqué les années précédentes : la situation de l'ONERA. Vous le savez, cet établissement est en pointe pour les études aéronautiques, notamment grâce à ses souffleries uniques en Europe, et tout juste égalées aux Etats-Unis. L'équation est connue : une subvention de l'Etat qui ne suffit pas à payer les charges de personnels, l'obligation de trouver des marchés auprès de clients extérieurs (entreprises françaises ou étrangères, instituts de recherches...). Dans ce contexte où l'innovation et la recherche sont affirmées comme éléments fondamentaux de notre effort de défense, on ne peut qu'être frappés par le cadre extrêmement contraint que l'Etat a fixé à l'ONERA dans le contrat d'objectifs et de performance (COP) pour la période 2017-2021, puisque celui-ci prévoit une subvention de l'Etat quasiment stable autour de 115 millions d'euros. Il est significatif de noter que, dans le même temps, la subvention à l'équivalent allemand de l'ONERA est passée, en trois ans, de 110 millions d'euros à... 170 millions d'euros !

A l'heure où nous voulons faire le SCAF avec les Allemands, ce différentiel en effort de recherche amont devrait nous faire réfléchir, voire nous inquiéter. En résumé, il semble que le COP, négocié et signé en 2016, soit aujourd'hui en décalage avec les ambitions nouvelles de la France en matière d'aéronautique, notamment de défense.

Voici donc les réserves et les nuances qu'il me paraissait utile d'apporter à ce budget du programme 144 qui reste, globalement, positif, ce qui explique que je vous propose d'y émettre un avis favorable.

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