Intervention de Michel Boutant

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « défense » vote réservé - programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » - examen du rapport pour avis

Photo de Michel BoutantMichel Boutant, co-rapporteur du programme 144 :

La LPM 2019-2025 a exposé clairement les menaces auxquelles notre pays est confronté. Dans un monde plus incertain et plus dangereux, la France doit poursuivre ses efforts dans le domaine du renseignement, car celui-ci est une condition de son autonomie stratégique. Le renforcement de la fonction « connaissance et anticipation » est une des priorités de la LPM.

Dans le PLF 2019, les crédits inscrits au programme 144, alloués aux services de renseignement relevant du ministère des armées, c'est-à-dire la DGSE et la DRSD, comme d'ailleurs ceux inscrits pour la rémunération du personnel de ces services au programme 212, que nous examinons traditionnellement ensemble, traduisent ce renforcement.

Je formulerai trois observations :

- première observation : hors titre 2, les crédits attribués à la DGSE constituent la masse la plus importante, 342,92 millions d'euros dont 298,42 destinés aux investissements. Ils progressent de façon significative (+16%). Les crédits de la DRSD s'élèvent à 15,7 millions d'euros (+12,6%).

Cette hausse des crédits de paiement est essentiellement imputable aux investissements techniques et, pour la DGSE, aux infrastructures immobilières, j'y reviendrai. Les crédits de fonctionnement sont maîtrisés ou diminuent malgré le maintien des activités opérationnelles à un niveau très élevé.

- deuxième observation : La DGSE bénéficiera sur la période 2019-2025 de 722 créations d'emplois, dont 89 en 2019. L'effort principal porte sur les trois dernières années. Hors service action, elle emploiera 5 675 agents fin 2019. Le montant des crédits de titre 2 progressent en conséquence de 447,3 millions d'euros en 2018 à 465,3 pour 2019.

La DRSD devrait connaître cette année encore un renforcement de ses effectifs. La création de 41 emplois est programmée. Mais elle ne parvient pas à pourvoir tous les emplois créés : elle devrait être en retard de 120 unités fin 2018. En conséquence, les crédits du titre 2 sont maintenus à 120,1 millions d'euros comme en 2018. Outre sa montée en puissance et l'évolution des métiers, la DRSD doit gérer un « turn over » de 12%. Parce que les armées n'ont plus la capacité à la régénérer autant que nécessaire, parce qu'elle manque de visibilité à l'extérieur et de capacités à proposer des niveaux de rémunération suffisants, elle éprouve de sérieuses difficultés à recruter.

Ces difficultés de recrutement et de fidélisation, globalement surmontées à la DGSE mais évidentes s'agissant de la DRSD, tiennent aussi à la spécificité des profils recherchés et à la faiblesse des viviers. Le Coordonnateur national du renseignement s'est saisi de cette problématique commune à l'ensemble des services, a défini un cadre d'action pour dynamiser la mobilité, et lancé un groupe de travail sur les langues rares, et des assouplissements sont désormais possibles s'agissant des niveaux de rémunérations, mais le problème me paraît personnellement plus grave et plus structurel.

Il touche tous les secteurs de l'Etat s'agissant du domaine numérique et je m'associe au cri d'alarme lancé la semaine dernière par nos collègues Cadic et Mazuir à propos de l'ANSSI et du GIC. Il est regrettable que les écoles d'ingénieurs et les universités soient dans l'incapacité de répondre à la croissance des demandes, ce qui accroît les tensions sur le marché du travail. Sans une politique active d'orientation vers les filières scientifiques, la France aura, à terme, des difficultés à suivre les pays concurrents ou adversaires dans le domaine du renseignement technique et de la cyberdéfense et ne sera pas à l'abri d'un décrochage dans les technologies les plus avancées. C'est un véritable enjeu de sécurité nationale.

- troisième observation : Pour accueillir ces personnels supplémentaires, installer leurs nouvelles capacités techniques et améliorer l'efficacité opérationnelle, les deux services ont engagé, chacun à leur échelle, des programmes immobiliers conséquents.

Avec Pascal Allizard, nous nous sommes rendus sur les sites centraux de la DGSE et de la DRSD. Ces déplacements nous ont fait prendre conscience de l'hétérogénéité et de la vétusté du bâti immobilier, tant sur le site du boulevard Mortier et de Noisy, qu'au fort de Vanves. Des casernements anciens mal adaptés et peu rénovés jouxtent des ensembles vieillissants construits de 1960 à 1980. Ces bâtiments ne correspondent plus aux besoins de l'activité des services qui exige une meilleure fluidité, des réseaux informatiques et des installations techniques fortement consommatrices d'énergie et de froid, tout en assurant la résilience et la sécurité. Ce cadre de travail dégradé nuit en outre à l'attractivité des services comme à la fidélisation de leurs cadres. Les programmes de rénovation et de construction sont des opérations complexes à conduire car la saturation des emprises actuelles oblige à rénover sans interrompre l'activité et les exigences de sécurité sont extrêmement importantes.

S'agissant de la DGSE, l'accroissement des effectifs, plus de 1 500 personnes de 2014 à 2025, et le développement des moyens techniques, impliquent des opérations d'envergure. L'effort d'investissement est considérable. Sur la période considérée, 910,49 millions d'euros devraient être engagés contre 277 au cours de la précédente LPM, incluant des constructions d'immeubles tertiaires et techniques et une remise à niveau des installations de production d'énergie et de froid. La consommation électrique de la DGSE est celle d'une ville de 20 000 habitants. Elle dispose d'un service des affaires immobilières qui emploie 120 personnes et assure en interne la maîtrise d'ouvrage des projets et la gestion des contrats de maintenance.

La DRSD verra en 2019 le démarrage du projet de restructuration du site du Fort de Vanves autour d'un bâtiment neuf de 600 places qui regroupera des services dispersés actuellement dans 15 immeubles. Passé l'expression des besoins, la direction des patrimoines (DPMA) du ministère des armées reprend la main pour la réalisation et le financement du projet sur le programme 212. Le coût de l'opération est évalué à 60 millions d'euros. En parallèle, un plan pluriannuel de rénovation des directions zonales et des postes « 2019-2023 » sera financé dans les mêmes conditions pour un montant de 16,5 millions d'euros.

Sous le bénéfice de ces observations, et pour ce qui concerne spécifiquement le programme 144, mon appréciation est favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense.

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