Intervention de Louis Mermaz

Réunion du 18 octobre 2007 à 10h00
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Louis MermazLouis Mermaz :

Les autres articles apportent un soin vétilleux à encadrer, voire à entraver la nouvelle institution avant même qu'elle existe, puisqu'il faut bien la créer pour avoir l'air de répondre à l'exigence internationale du protocole à la convention des Nations unies du 18 décembre 2002.

Mais, dans son article 6, article central, le projet de loi répond-il vraiment à nos engagements internationaux, alors même qu'il enserre l'action du contrôleur général dans un filet d'interdits ?

Lors de la première lecture au Sénat, vous vous êtes méprise, madame le garde des sceaux, dans l'interprétation que vous avez donnée du protocole à la convention des Nations unies, comme l'a fait savoir, à l'ouverture de la séance suivante, notre collègue Jean-Pierre Sueur dans un rappel au règlement. Vous avez invoqué à tort les dispositions concernant les mécanismes internationaux de contrôle qui permettent à un État, au nom du principe de souveraineté, de « faire objection à une visite » ou bien d'y apporter des restrictions, à titre exceptionnel d'ailleurs, et sous réserve d'une possibilité de report. Vous avez cru justifier ainsi les restrictions indûment apportées par le deuxième alinéa de l'article 6 à l'exercice des prérogatives du futur contrôleur général sur le territoire de la République.

Invoquer la défense nationale, la sécurité publique, des catastrophes naturelles ou des troubles sérieux dans le lieu visité ouvre la voie à l'arbitraire dans le choix des motifs qui pourront être invoqués pour refuser ou reporter la visite. Or il ne revient pas aux autorités d'un lieu de privation de liberté de choisir le moment où s'exercera le contrôle. Cette prérogative doit revenir entièrement au contrôleur. Sinon, vous contrevenez aux clauses du protocole à la convention des Nations unies.

Tout aussi graves sont les restrictions de toute nature apportées par l'alinéa 4 de l'article 6 aux investigations du contrôleur général et des contrôleurs qui l'assistent, qui doivent avoir accès à toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de leur mission, et ce d'autant plus qu'ils sont tenus au secret professionnel pour les informations qu'ils recueillent.

Enfin, il est essentiel qu'en cas d'atteinte flagrante et grave aux droits fondamentaux des personnes le contrôleur général puisse enjoindre aux autorités responsables de prendre toute mesure nécessaire au respect de ces droits.

Comment peut-on, à ce sujet, nous parler d'empiètement sur la justice, comme s'il ne s'agissait pas de faire prendre dans les plus brefs délais des mesures de caractère administratif, afin de faire cesser les abus ou de mettre un terme à des carences sans exclure, en cas de faute grave, comme cela est prévu, la saisine du procureur de la République ? Refuser au contrôleur général tout pouvoir d'injonction, c'est en faire un témoin impuissant, au mieux un rédacteur de rapports qui iront trop souvent garnir les rayonnages des ministères.

On peut donc se poser la question suivante : le contrôleur général, tel que le conçoit le Gouvernement, est-il une institution dotée des prérogatives et des moyens lui permettant de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, ou bien n'est-ce qu'une sorte de placebo ?

Est-il un paravent pour masquer le déploiement, depuis 2002, d'un arsenal juridique de plus en plus répressif, rendu encore plus inhumain et cruel par la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs du 10 août 2007, dont le quotidien Le Monde nous a fait connaître les premières conséquences dans son numéro daté du 13 octobre dernier ?

Est-il un paravent pour masquer une politique pénale qui conduit à l'accroissement continu de la population carcérale et, trop souvent, à son dénuement ? Est-il un paravent pour masquer la situation faite aux immigrés retenus dans les zones d'attente et les centres de rétention ?

Face à une telle situation, on comprend pourquoi le Gouvernement entend limiter le plus possible le droit de regard et d'intervention du futur contrôleur général, même s'il s'entoure demain de toutes les précautions pour le choisir.

Le vote des amendements que nous allons défendre permettrait seul de lever les inquiétudes légitimes et lourdes que je viens d'exprimer au nom de mon groupe.

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