Intervention de Didier Marie

Commission des affaires européennes — Réunion du 15 novembre 2018 à 8h30
Économie finances et fiscalité — Nouveau programme d'investissement pour l'europe investeu : proposition de résolution européenne et avis politique de mm. didier marie et cyril pellevat

Photo de Didier MarieDidier Marie, rapporteur :

Comme le fonds actuel, InvestEU mobilisera des investissements publics et privés en recourant à des garanties provenant du budget de l'Union. La Commission propose d'injecter une provision de 15,2 milliards d'euros dans InvestEU, mobilisant une garantie publique de 38 milliards d'euros, ce qui pourrait générer un total d'investissements essentiellement privés à hauteur de 650 milliards d'euros sur les sept ans de la prochaine programmation 2021-2027, avec un effet multiplicateur de 13,7, légèrement inférieur à l'actuel multiplicateur de 15 pour le FEIS.

L'objectif de la Commission est de mettre en place une structure simplifiée et mieux ajustée aux besoins des territoires. À cet effet, InvestEU rassemblera dans une seule structure treize instruments financiers existants de l'Union européenne, avec un seul ensemble de règles et de procédures et un point d'accès unique aux services de conseil. Cette simplification est bienvenue à tous égards. La plateforme de conseil du plan Juncker, qui fournit des conseils techniques aux porteurs de projets à la recherche de financements, sera ainsi complétée pour prendre en compte les instruments financiers proposés par InvestEU. Enfin, le portail InvestEU prendra le relais des portails comportant une base de données pour mettre en contact des projets et des investisseurs.

Les interventions d'InvestEU sont organisées autour de quatre volets, au lieu de deux précédemment. D'abord, les infrastructures durables, pour 11,5 milliards d'euros : énergies renouvelables, connectivité numérique, transports, économie circulaire, infrastructures de gestion de l'eau, des déchets et autres infrastructures environnementales... Puis, la recherche, l'innovation et la numérisation, pour 11,25 milliards d'euros : accès au marché pour les résultats de la recherche, numérisation de l'industrie, expansion d'entreprises innovantes de plus grande taille, intelligence artificielle. Les petites entreprises sont, comme auparavant, ciblées via l'accès au financement pour des PME et des ETI, à hauteur de 11,25 milliards d'euros. Enfin, et c'est là une innovation importante, le nouveau programme couvrira les investissements sociaux et relatifs aux compétences à hauteur de 4 milliards d'euros : cela concerne l'éducation et la formation, les logements sociaux, les écoles, les universités, les hôpitaux, l'innovation sociale, les soins de longue durée, le microfinancement, l'entrepreneuriat social, toute l'économie sociale et solidaire, et l'intégration des migrants, des réfugiés et des personnes vulnérables... Au total, il s'agit de domaines d'intervention privilégiés pour les collectivités territoriales, pour lesquels seront mobilisés non plus des concours publics mais des fonds privés, ou des partenariats public-privé.

Autre innovation, les États membres auront la possibilité de transférer dans InvestEU une partie des fonds qu'ils reçoivent au titre de la politique de cohésion, dans la limite de 5 %. Cela revient à transformer une partie des fonds structurels en instruments financiers... Ce choix permettra l'ouverture, pour chacun des volets d'action, d'un « compartiment État membre ». Grâce à cet outil, des projets locaux visant des objectifs de cohésion régionale, entrant dans l'un des quatre volets d'action d'InvestEU et relevant du fonds européen de développement régional, du fonds social européen, du fonds européen agricole pour le développement rural ou du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, pourront être financés grâce à une ingénierie financière simplifiée soutenue par la garantie de l'Union.

Cette option ouverte aux États membres présente un triple avantage : la part des fonds structurels versée sur le compartiment État membre n'aura pas besoin de cofinancement national ; les règles concernant les aides d'État applicables aux fonds structurels transférés vers InvestEU seront celles de l'Union - contrairement à ce qui prévaut pour les fonds structurels seuls - ce qui constitue une simplification appréciable. Enfin, à travers le « compartiment État membre », ce sont les autorités nationales de gestion des fonds structurels qui pourront, et devront, de façon plus visible et efficace qu'avec le FEIS, s'impliquer dans le dispositif, qu'il s'agisse de la décision même de transférer une partie des fonds dont elles ont la gestion ou du choix et du suivi des projets éligibles. Notre proposition de résolution européenne insiste donc pour que la gestion de ce compartiment État membre fasse une large place aux autorités de gestion des fonds de cohésion, en particulier dans la gouvernance de ces compartiments. Pour la France, ce sont, pour l'essentiel, les régions qui seront concernées.

Une autre innovation importante vient d'ailleurs s'inscrire dans cette logique. Contrairement au FEIS, la BEI n'aura plus le monopole de la mise en oeuvre des instruments financiers. Cela a fait l'objet d'âpres discussions. InvestEU réservera en effet, à hauteur de 25 %, un accès direct aux banques ou organismes nationaux de développement, par exemple, pour la France, la CDC et Bpifrance. Ces deux institutions financières sont dotées d'une implantation régionale et ont l'expérience de projets construits en coopération avec les régions. Contrairement à la BEI, plus familière des grands projets, elles sont à même d'élaborer des projets plus petits et ancrés localement.

En ce moment, la question de la gouvernance du futur programme est au coeur des débats. Elle oppose la BEI et la Commission européenne. Celle-ci, à la différence de ce qui se passe pour le plan Juncker, souhaite exercer un contrôle centralisé sur une large part du dispositif. La proposition de règlement, en l'état, envisage un système assez complexe - comité consultatif, équipe de projet, comité d'investissement - qui, en effet, complique la donne et marginalise la BEI alors que celle-ci a joué un rôle majeur dans le succès du FEIS.

Notre proposition de résolution européenne souhaite revenir à un système simple et lisible où le rôle d'orientation stratégique, d'une part, et le métier bancaire de contrôle du risque, d'autre part, soient clairement répartis entre la Commission européenne et la BEI.

On peut se féliciter du succès du plan Juncker et du choix de le prolonger par un nouveau dispositif plus large et plus simple - même s'il reste quelques négociations et validations à finaliser. Il n'est pas sûr que la mise en place, qui était prévue avant la fin de l'année, se fasse dans les délais. Dix-huit États membres attendent, pour valider le processus, un accord préalable entre la Commission européenne et la BEI. Les discussions sont encore assez tendues.

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