Intervention de Pierre Médevielle

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 21 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « écologie développement et mobilité durable » - crédits « biodiversité - transition énergétique » et « prévention des risques » - mission « recherche et enseignement supérieur » - crédits « recherche en matière de développement durable » - examen du rapport pour avis

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle, rapporteur pour avis :

Monsieur le Président, mes chers collègues, je vous présente l'avis budgétaire relatif à la prévention des risques, qui intègre les crédits de deux programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : le programme 181 « Prévention des risques » et le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ». Ces deux programmes représentent environ 3,8 milliards d'euros, soit 33 % du total de la mission.

À titre liminaire, je souhaiterais évoquer, comme mon collègue Guillaume Chrevrollier, la question du rapprochement éventuel des indicateurs de performance du PLF et des indicateurs des objectifs de développement durable (ODD).

Globalement, une différence significative d'approche apparaît lorsque les indicateurs portent sur le même thème. Les indicateurs du projet de loi de finances privilégient une évaluation de la performance de ressources budgétaires ou de dispositifs précis, tandis que les indicateurs des ODD sont plus généraux, en mesurant soit l'état de l'environnement soit l'avancée globale d'une politique publique.

À titre d'exemple, pour les questions de risques technologiques et de pollutions, l'indicateur du PLF mesure le nombre moyen de contrôles d'installations classées réalisés par inspecteur, tandis que l'indicateur ODD mesure le nombre de sites pollués. En matière d'économie circulaire, le PLF mesure les capacités de traitement créées grâce au soutien du fonds déchets de l'Ademe, tandis que plusieurs indicateurs ODD portent sur le volume de déchets produits et traités.

Concernant la prévention des risques naturels, les indicateurs sont proches, en mesurant la couverture des communes par un plan de prévention, malgré une approche statistique différente. Sans doute pourraient-ils encore être rapprochés.

Au total, ce travail met surtout en évidence les limites de certains indicateurs de performance, qui privilégient une logique de moyens ou appréhendent certains sujets de manière étroite. Il suggère aussi que des enrichissements pourraient être envisagés concernant la pollution des sols, la production et le traitement des déchets ou encore la qualité de l'air.

Je vous propose désormais de vous présenter les principaux enjeux budgétaires du présent avis, avant d'évoquer dans un second temps quelques points thématiques.

Concernant tout d'abord le programme 181 « Prévention des risques », je rappelle qu'il finance les actions de l'État en matière de prévention des risques naturels, technologiques et miniers, ainsi que des risques sanitaires d'origine environnementale. Depuis 2018, le programme intègre également le budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Au total, le programme est doté de 841 millions d'euros (M€) en autorisations d'engagement (AE) et de 835 M€ en crédits de paiement (CP), soit une certaine stagnation par rapport aux crédits adoptés l'an passé. Il comprend 5 actions distinctes.

L'action n° 1, dédiée à la prévention des risques technologiques et des pollutions sera dotée de 103 M€ en AE et 93 M€ en CP, soit une baisse de 3 % en AE et une hausse de 2 % en CP. Cette évolution est liée à l'achèvement progressif des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), compensé en partie par la budgétisation du financement apporté à l'Anses pour la recherche menée sur les ondes électromagnétiques, auparavant soutenue par une taxe adossée à l'IFER.

L'action n° 9, consacrée à la sûreté nucléaire, porte les moyens de fonctionnement de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Elle sera dotée de 59 M€ en AE et de 64 M€ en CP, soit une quasi-stabilité par rapport à 2018. L'ASN n'obtient qu'une augmentation limitée de ses effectifs, de 6 emplois sur la période 2018-2020 alors qu'elle avait exprimé un besoin de 15 emplois, en particulier pour renforcer le contrôle des activités industrielles à la suite des irrégularités relevés à l'usine Creusot-Forge en 2016. Ce manque de moyens me semble regrettable compte tenu de la multiplication des dossiers à traiter en matière de sûreté nucléaire, liée notamment au vieillissement du parc nucléaire.

L'action n° 10 est consacrée à la prévention des risques naturels, notamment via des systèmes de surveillance comme Vigicrues, des subventions apportées à plusieurs opérateurs et des mesures de soutien aux collectivités territoriales. Elle est stable par rapport à 2018, avec 37 M€ en AE et en CP.

L'action 11, est consacrée à la gestion des risques de l'après-mine, en particulier par la mise en oeuvre des plans de prévention des risques miniers (PPRM), des travaux de mise en sécurité et l'indemnisation des sinistrés. Les crédits demandés s'élèvent à 38 M€, soit le même montant qu'en 2018.

Enfin, l'action 12 porte le budget de l'Ademe pour l'ensemble de ses missions et de ses programmes de financement. Ses ressources s'élèvent à 603 M€ en 2019, soit une baisse de 1 % par rapport à 2018.

Je souligne à cette occasion que les moyens mobilisés par l'Ademe pour l'année 2019 ne seront connus précisément qu'après l'adoption de son budget par son conseil d'administration d'ici la fin de l'année.

C'est un point important, car c'est dans ce cadre que l'augmentation des crédits du fonds chaleur à hauteur d'environ 300 M€ devrait être proposée. En raison d'un surplus de trésorerie lié à l'annulation de nombreux projets depuis 2017, l'agence dispose en effet de moyens complémentaires, qui permettront d'accroître les ressources mobilisées en 2019.

Néanmoins, cette augmentation s'appuie en réalité sur des ressources budgétaires déjà votées les années précédentes, et ne remet pas en cause la nécessité à terme d'une augmentation des crédits de l'agence pour définir une trajectoire ambitieuse sur plusieurs années en matière de chaleur renouvelable.

S'agissant du programme 217, je rappelle qu'il constitue le programme support des politiques des ministères de la transition écologique et solidaire et de la cohésion des territoires.

Les crédits du programme demandés pour 2019 diminuent d'environ 1 %, avec un total de 2,96 Md€ en AE et de 3 Md€ en CP.

Sur le plan des effectifs, il y a une évolution inquiétante car le ministère subira un schéma d'emplois de -813 équivalents temps plein (ETP) en 2019, après un schéma de -830 ETP en 2018. Sur un total de 40 000 emplois, cela représente une baisse de près de 4 % en deux ans. Toutes les administrations doivent certes contribuer à la maîtrise des dépenses publiques mais cette évolution fait du ministère de la transition écologique et solidaire l'un des principaux ministères contributeurs.

Lors de plusieurs auditions, il m'a été indiqué que ces baisses d'effectifs créent de fortes tensions sur plusieurs missions au sein des administrations et des opérateurs de l'État. Cela me semble problématique pour un ministère chargé de repenser régulièrement ses politiques publiques, dans un contexte technologique et scientifique en perpétuelle évolution et avec de fortes attentes sociétales. À l'heure où de nombreux projets contribuant à la transition écologique se mettent en place dans les territoires, le soutien de l'État au niveau déconcentré est également essentiel pour accompagner les porteurs de projets.

Pour terminer, je souhaiterais évoquer rapidement deux sujets thématiques.

Le premier point concerne la prévention des risques naturels, en particulier des inondations. La catastrophe humaine et économique liée aux inondations dans l'Aude les 14 et 15 octobre derniers rappelle l'impérieuse nécessité d'un renforcement des mesures de prévention.

Or certaines données sont inquiétantes : sur 2 568 communes situées dans un territoire à risque important d'inondation, encore 303 n'ont qu'un plan de prévention des risques prescrit et 342 sont dépourvues de toute initiative. Pour les 303 communes du littoral identifiées après la tempête Xynthia comme présentant un risque particulier, seulement la moitié ont un plan approuvé. Il est indispensable d'accélérer l'élaboration des plans de prévention mais également la construction d'ouvrages.

Lors de son audition par notre commission le 7 novembre dernier, le ministre de la transition écologique et solidaire a reconnu que des progrès significatifs restaient à accomplir en matière de prévention, et que le plafonnement du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) mis en place l'an passé ne saurait se poursuivre pendant plusieurs années sans remettre en cause la politique de prévention des risques.

À cet égard, j'attire votre attention sur des modifications adoptées à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement sur le fonctionnement du FPRNM pour la répartition des dépenses entre différentes actions. Si ces évolutions permettront de soutenir davantage la mise aux normes parasismiques de certaines constructions, et des mesures individuelles de réduction de la vulnérabilité des biens d'habitation, elles diminuent en contrepartie le soutien à l'élaboration des PPRN et aux études et travaux de prévention des collectivités. En raison des règles d'irrecevabilité, nous ne pouvons malheureusement pas proposer d'évolution par amendement, mais je regrette fortement que ces modifications se fassent aux dépens de la planification et des travaux de prévention des risques dans les territoires.

Le second point concerne les activités de la Commission nationale du débat public (CNDP), présidée par notre ancienne collègue Chantal Jouanno, et dont les ressources budgétaires sont apportées par le programme 217 à hauteur de 3,4 M€. Je rappelle que la CNDP est une autorité administrative indépendante, qui a vu ses missions élargies par l'ordonnance du 3 août 2016 réformant la participation du public, ratifiée par la loi du 2 mars 2018 pour laquelle notre collègue Alain Fouché avait été rapporteur. Je regrette à cet égard que la demande de deux emplois supplémentaires, pourtant très raisonnable au regard de la charge de travail de la CNDP, n'ait pas été satisfaite.

Pour rappel, la CNDP est chargée d'organiser les débats publics sur les plans et programmes nationaux ainsi que sur certains grands projets d'aménagement. Elle gère par ailleurs la liste des garants qui sont nommés dans le cadre de certaines concertations préalables organisées pour des projets de moindre importance et la planification locale.

Les premiers éléments de bilan sur la réforme témoignent d'une forte augmentation des concertations préalables gérées par la CNDP, dont le nombre annuel est passé de 9 à 56 entre 2016 et 2018. Sur un plan qualitatif, l'appropriation par les maîtres d'ouvrage de ces nouvelles règles reste inégale : plutôt bonne pour les grands maîtres d'ouvrage privés et les collectivités territoriales, elle est plus difficile pour les aménageurs privés plus occasionnels. La complexité du cadre réglementaire alimente par ailleurs une certaine insécurité juridique ainsi que des stratégies d'évitement de la part de certains aménageurs.

Par ailleurs, la commission fait un bilan contrasté du débat public organisé de mars à juin 2018 sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), à cause d'un manque de moyens, et de visibilité sur l'intégration des résultats du débat par le maître d'ouvrage dans le contenu de la PPE. L'objectif est d'en tirer des enseignements pour le futur débat public sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), initialement prévu pour décembre mais qui a été décalé à fin janvier 2019, en raison de difficultés à finaliser les modalités de financement avec les administrations concernées. Sur ce sujet sensible et déterminant pour la filière nucléaire dans les prochaines années, il est indispensable qu'un débat substantiel ait lieu.

Pour conclure, vous l'aurez compris mes chers collègues, les crédits examinés dans le cadre de cet avis pour 2019 manquent d'ambition pour répondre à l'intensification et à la multiplication des risques et aux préoccupations croissantes de la société civile dans ce domaine. La protection de nos concitoyens est pourtant une mission régalienne.

Par ailleurs, la baisse des effectifs du ministère de la transition écologique et solidaire me semble problématique pour l'ensemble des politiques publiques qu'il porte.

Pour ces différentes raisons, je vous proposerai un avis défavorable à l'adoption de ces crédits. Je vous remercie.

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