Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 novembre 2018 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « défense » - programme 178 « préparation et emploi des forces » - examen du rapport pour avis

Photo de Christian CambonChristian Cambon, co-rapporteur du programme 178 « Préparation et emploi des forces » :

président, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».- Je vais donner lecture de l'intervention de notre collègue Jean Marie Bockel, co-rapporteur du programme 178, qui ne peut pas être avec nous ce matin, puisqu'en sa qualité de président de la délégation aux collectivités territoriales, il accompagne le Président Gérard Larcher au Congrès des maires.

« Nous pouvons être globalement satisfaits de l'évolution des crédits du programme 178 en cette première annuité de la nouvelle LPM tout en restant vigilant sur un certain nombre de points.

Les crédits de paiement augmentent de 8,9% par rapport à 2018 pour s'établir à 8,78 milliards d'euros. Cette progression a deux causes essentielles :

- l'augmentation des ressources dédiées au financement des opérations extérieures, soit 195 M€ (après une augmentation de 125 M€ en 2018) pour atteindre 600 millions d'euros ;

- et l'effort en faveur des crédits d'entretien programmé du matériel, avec 375 M€ supplémentaires, soit une augmentation de 8% permettant d'atteindre 4,2 Md€ en 2019. La progression des autorisations d'engagement dédiées à l'EMP, dont je vous reparlerai, est encore plus spectaculaire, s'établissant à 69,9% pour atteindre ainsi 14,9 milliards d'euros (contre 8,8 en 2018).

La hausse provient donc partiellement du resoclage budgétaire des surcoûts des OPEX pour 600 millions d'euros, sur les 850 millions d'euros consacrés aux OPEX en 2019. Cette « sincérisation » du budget, que nous avons d'ailleurs appelée de nos voeux, va dans le bon sens, mais appelle trois remarques :

- le niveau de crédits prévu ne sera pas suffisant, ce qui entraînera l'année prochaine encore des mises en réserve et un douloureux débat sur la fin d'exécution budgétaire ;

- par ailleurs, si notre commission a soutenu le principe de ce resoclage, c'était à due concurrence d'une augmentation du budget de la mission. Or le budget augmente mais le poids relatif des OPEX passera entre 2018 et 2019 de 5 à 7% des crédits du programme 178. Les crédits dédiés aux OPEX augmenteront de 48% contre 9% pour l'ensemble du programme. Il nous faudra donc être très attentif à l'augmentation des crédits OPEX qui doivent atteindre 1,1 milliard d'euros dès 2020.

- enfin, dernière remarque, face à cette incertitude, il me semble que nous pouvons nous féliciter que notre commission ait modifié l'article 4 de la LPM pour prévoir que les surcoûts nets, hors crédits de masse salariale, non couverts, feront l'objet d'un financement interministériel, la participation de la mission « Défense » à ce financement interministériel ne pouvant excéder la proportion qu'elle représente dans le budget général de l'État.

L'autre évolution remarquable de 2019 concerne l'accroissement des moyens du programme 178 dédié à l'entretien programmé du matériel (EPM). Cette progression était vivement appelée de nos voeux mais nous devons rester particulièrement attentif à la progression des coûts unitaires du maintien en condition opérationnelle qui augmentent dans tous les domaines : terrestre, naval et aéronautique. Aucune amélioration n'est à attendre, qu'il s'agisse d'entretenir des flottes ou parcs vieillissants ou neufs. Le risque d'une envolée exponentielle de ces lignes budgétaires doit nous alerter et inciter le ministère à prendre cette dimension en compte dans la réforme de la maintenance en cours.

Cette réforme, et ce sera ma deuxième remarque, marque un vrai changement d'orientation de l'organisation du MCO. Je vous parlais déjà l'année dernière du délestage d'activités du MCO terrestre vers le privé. Les hypothèques qui pesaient sur le financement de cette réforme ont été levées et les crédits nécessaires à l'externalisation des marchés d'entretien sont à un niveau suffisant, comme en témoigne l'augmentation des autorisations de programme. Celle-ci permettra également la mise en oeuvre de l'externalisation des marchés d'entretien des équipements aéronautiques sous la houlette de la nouvelle Direction de la maintenance aéronautique (DMAé). Ces autorisations de programme pluriannuelles sont l'instrument fondant les contrats de performance passés avec les industriels sur la base de contrats verticalisés. Ceci signifie que pour un équipement, tous les multiples contrats d'entretien sont regroupés en un seul, confié à un seul industriel en charge de l'entretien, de la gestion des stocks de rechange et de la disponibilité de l'équipement concerné. C'est un changement de paradigme. Il nous faudra veiller au fur et à mesure de sa mise en place à la performance et à l'encadrement de l'évolution des coûts. C'est un enjeu auquel nous devrons être attentifs, car c'est le capital opérationnel de notre armée qui est en jeu !

Enfin, dernière observation sur l'augmentation des crédits de l'EPM, l'effort consenti ne se traduit pas par une augmentation de la disponibilité technique opérationnelle et son amélioration tardera probablement à venir. La disponibilité technique de l'A400M était de 28% du parc au 1er septembre 2018, celle du Mirage 2000D de 33%, celle du Rafale Air de 55%, celle du Tigre de 29%, vous retrouverez tous ces chiffres dans notre rapport. C'est dans cette optique que nous avons modifié l'article 6 de la LPM relatif à l'actualisation de la programmation. Nous avons souhaité que les actualisations permettent de vérifier l'amélioration de la disponibilité technique des équipements et que des objectifs annuels soient fixés dans ces domaines. Le PLF ne prévoit de cible que pour 2020, ce qui ne nous permet pas de juger des perspectives d'évolution de la DTO. La réforme de la maintenance vise à donner de la visibilité aux industriels, il serait bon qu'elle en donne également au Parlement.

Mes chers collègues, je voudrais insister brièvement sur deux autres sujets. Tout d'abord le Soutien aux exportations (SOUTEX). On nous a dit pendant des années qu'il ne posait pas de difficulté aux armées alors que nous alertions sur ses répercussions néfastes sur les coûts de possession des matériels et sur l'éviction de la formation militaire au profit des acheteurs, la LPM prévoit un net accroissement des ressources humaines en charge du SOUTEX, soit 400 personnes, dont 15 pour l'état-major des armées et 30 pour la DGA dès 2019. Cette montée en puissance suffirait-elle si de nouveaux marchés devaient être passés ? Nous devrons y veiller.

Enfin, nous avons entendu le CEMA en commission et nous avons auditionné avec notre collègue Christine Prunaud, le major général des armées sur le sujet de la responsabilisation des commandements, ou pour le dire de façon plus concrète la réforme des soutenants au service des soutenus. Encore en cours de définition cette réforme va dans le bon sens, obéissant à la règle « un chef, une mission, des moyens » et participe du plan gouvernemental Action publique 2022.

Ceci se traduit par la volonté de redonner des leviers au commandement opérationnel et aux armées sans pour autant remettre en question les structures organisationnelles qui prévalent actuellement dans les soutiens et qui sont le fruit d'un mouvement continu de transformation des services engagé depuis des années dans un contexte de forte rationalisation des ressources. Le second axe vise à revisiter l'organisation des échelons de commandement, en particulier au niveau territorial. La réforme portera sur les responsabilités du commandant de base de Défense (COMBdD) et de l'officier général de zone de défense et de sécurité (OGZDS) ainsi que sur l'organisation territoriale du commandement et des soutiens (OTCS). Des guichets uniques des services de soutien seront mis en place, et la numérisation devrait permettre de simplifier le fonctionnement des nombreux services. On voit bien que l'enjeu consiste là à réformer pour redonner des leviers d'action aux bases de défense, sans soumettre de nouveau à son autorité hiérarchique les entités locales des services et directions de soutien interarmées. Si ce sujet a moins d'incidences budgétaires directes en 2019, il pourrait en avoir dans les prochaines années. Nous ferons sans doute au cours de l'année des déplacements pour suivre l'évolution de ces sujets. »

Compte-tenu de toutes ses observations, Jean-Marie Bockel souhaitait conclure en proposant de donner un avis favorable sur les crédits du programme 178.

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