Intervention de Christine Prunaud

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 novembre 2018 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « défense » - programme 178 « préparation et emploi des forces » - examen du rapport pour avis

Photo de Christine PrunaudChristine Prunaud, co-rapporteure du programme 178 « Préparation et emploi des forces » :

La première annuité de la loi de programmation militaire est conforme aux annonces et se traduit bien par une nette augmentation des crédits du programme 178. Pourtant, et ce n'est pas une surprise, le projet de loi de finances pour 2019 suscite quelques points d'inquiétude que nous pressentions lors de la préparation de la loi de programmation militaire.

Le programme 178 est au coeur de la mission défense puisqu'il porte les crédits de la préparation opérationnelle de nos armées, gage de notre réactivité, de notre efficacité et de la sécurité des personnels. Or l'activité opérationnelle reste inférieure aux objectifs fixés, de près de 10%. La situation est préoccupante pour les trois armées.

Depuis le déploiement de Sentinelle, la cible de 90 jours de préparation opérationnelle pour l'armée de terre n'a plus été atteinte, réduite à 72 en 2016, elle n'est remontée à 81 jours en 2017 et devrait y rester en 2018 et 2019. De même, les nouvelles normes d'entraînement destinées à évaluer la capacité des équipages sur cinq matériels majeurs en service dans les forces : Leclerc, AMX 10RCR, VBCI, VAB et CAESAR, prévues dans le cadre de la LPM, ne sont réalisées qu'à 54% en moyenne en 2018. La remontée prévue est très lente : 57% en 2019 et 59% en 2020. Pour les pilotes d'hélicoptères, l'amélioration n'est pas attendue avant 2021, à des niveaux d'ailleurs assez peu élevés.

Pour l'armée de l'air, le défaut d'entraînement se traduit en particulier par une perte progressive de certaines compétences et des difficultés dans la formation des jeunes équipages qui accusent d'importants retards de progression. L'enjeu consiste désormais à rehausser la disponibilité des aéronefs et les effectifs nécessaires au maintien en condition opérationnelle. 2019 ne sera pas l'année de l'amélioration de la situation car la rénovation mi-vie des Mirage 2000 limitera en 2019 le nombre d'aéronefs en ligne et de facto les heures de vol réalisables. Pour la flotte Rafale, le soutien aux exportations contraint l'activité des pilotes. Globalement, le niveau d'activité des pilotes de chasse devrait stagner au moins jusqu'en 2021.

Enfin, pour la marine, le chef d'état-major nous a dit lui-même en audition que l'entraînement était l'un des enjeux forts de 2019. Les niveaux de préparation sont tributaires de la régénération des potentiels humain et technique, lesquels sont actuellement soumis à de très fortes tensions dans la mesure où les engagements opérationnels sont largement au-delà des contrats opérationnels fixés par la LPM, mais aussi en raison du vieillissement de certaines flottes et des besoins de régénération des équipements.

Nous avons fait adopter dans la cadre de la LPM des amendements pour que l'urgence de la remontée de la préparation opérationnelle soit affirmée et ne soit pas repoussée à un horizon de moyen terme. Il nous faut continuer d'attirer l'attention du gouvernement sur ce sujet, essentiel pour la sécurité de nos troupes !

Dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire, nous avons poursuivi l'examen attentif de l'exercice de leur mission par les grands services de soutien, éternels sacrifiés du ministère ayant subi de plein fouet la révision générale des politiques publiques, les efforts de déflations prévues par la précédente LPM puis la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre-FOT qui les a mis sous tension.

Nous avions obtenu un moratoire pour la baisse des effectifs du Commissariat des armées : c'est désormais fini. Alors que ses effectifs ont diminué de 30% en moins de 10 ans (soit 9 000 postes supprimés), dont 100 personnels ces 5 dernières années, le nombre des soutenus augmentant de 1 000 personnes sur la même période. De 2019 à 2023, le schéma d'emploi prévoit encore 150 suppressions de postes. Pourtant, le SCA n'est pas au bout de sa réforme : avec le plan « SCA 22 », de grands défis l'attendent encore pour mettre ses systèmes d'information à la hauteur des besoins, et parvenir à améliorer ses résultats dans la fonction habillement, comme dans le transport où les tensions sont réelles, essentiellement liées à l'âge élevé de la flotte, soit 7 ans en moyenne. Aucun financement n'est toutefois prévu pour le parc de véhicules en 2019.

La même attention doit être portée au service de santé des armées-SSA. Depuis 2014, il a perdu 1 600 hommes soit 8% de ses effectifs. Le service dispose de 700 médecins des forces, il lui en manque 100 ! Les personnels projetés effectuent 200% du contrat opérationnel. Alors que les déficits de personnels sont déjà criants dans certaines spécialités telles que les chirurgiens orthopédistes ou les dentistes, la surprojection de ces personnels finit par les pousser à quitter le service. C'est désormais 20% du contrat opérationnel du SSA en OPEX qui est assuré par des réservistes, contre 10% l'année dernière.

Face à cette situation très inquiétante dont on pouvait penser qu'elle risquait à moyen terme d'obérer la capacité de la France à entrer en premier sur les théâtres d'opération faute de pouvoir projeter le personnel médical indispensable, notre commission a été entendue. La prochaine loi de programmation militaire concrétise l'arrêt de la déflation des effectifs du SSA dès 2018, leur stabilisation jusqu'en 2023 et leur remontée modérée au-delà. Cette nouvelle trajectoire se traduira par la mise en oeuvre du nouveau modèle hospitalier militaire, la poursuite de la remontée en puissance de la médecine des forces et la préparation de l'avenir avec la mise en formation de 15 élèves praticiens et 10 élèves infirmiers supplémentaires pour 2019.

Ce satisfecit ne doit toutefois pas nous inciter à moins de vigilance, la situation du SSA reste fragile. La féminisation du corps médical pose certains défis. Le fonctionnement quotidien des centres médicaux des armées est marqué par un accroissement des besoins en expertise médicale d'aptitude et une intensification des activités de soutien des activités à risque, du fait de l'augmentation de la FOT et du plan Réserve 2019.

Enfin, l'attractivité du secteur civil, particulièrement forte pour certaines spécialités hospitalières (radiologie, anesthésie-réanimation et chirurgie), favorise de nombreux départs de l'institution. La stabilisation du SSA reste donc à surveiller. Je remercie le président de la commission d'avoir invité Mme Maryline Gygax Généro, directrice centrale du Service de Santé des Armées à venir s'exprimer devant la commission le 12 décembre prochain.

Mes chers collègues, en raison de la position de mon groupe sur l'adoption des crédits du programme 178 et de la mission défense, je donne, à titre personnel, un avis défavorable sur ce programme.

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