Hier soir, l'examen de ce texte a été assez bref au Sénat : il a été interrompu par le rejet de l'article d'équilibre. En tant que rapporteur général de notre commission des finances, j'avais plutôt préconisé l'abstention.
Ce texte contient de réels motifs de satisfaction. Il revient à la vocation initiale d'un projet de loi de finances rectificative : procéder à des ajustements principalement budgétaires, tout en évitant le traditionnel décret d'avances de fin d'année. M. le président de la commission et moi-même nous étions suffisamment plaints des conditions d'examen des précédents collectifs budgétaires, qui étaient trop souvent la voiture-balai de toutes les mesures fiscales que les ministères voulaient passer. Une année, nous avions ainsi dû réformer la fiscalité du tabac au travers d'un amendement gouvernemental long de plusieurs pages et déposé quelques minutes avant son examen !
Cette fois, le Gouvernement a tenu l'engagement qu'il avait pris : ne faire figurer dans ce texte que les ajustements budgétaires et autres dispositions nécessaires pour la fin de l'année.
Autre motif de satisfaction, un réel effort a été fait pour rendre les comptes plus sincères. Il est tout d'abord, moins fait recours à la réserve. Ensuite, on constate moins de sous-budgétisations qu'auparavant.
Pour autant, nous ne pouvions approuver ce texte. Du point de vue macroéconomique, le scénario retenu par le Gouvernement reste inchangé, alors que celui-ci aurait pu constater que la reprise est plus faible qu'escompté. L'objectif de déficit est certes tenu, mais il était extrêmement modeste. Ce projet de loi de finances rectificative s'inscrit dans le droit fil de la loi de finances pour 2018, que nous avions rejetée ; le déficit reste donc très élevé, supérieur de 12,3 milliards d'euros à sa valeur en 2017. L'amélioration de 1,3 milliard d'euros du solde budgétaire s'explique uniquement par la vente de 2,35 % du capital de Safran. C'est insuffisant !
Certaines réserves peuvent par ailleurs être émises. Concernant la défense, même si les crédits ont ensuite été dégelés, on abandonne le principe de la solidarité interministérielle pour le financement des opérations extérieures.
Quant à la fiscalité énergétique, dès le mois de juillet, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) avait considéré que la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) produisait plus de ressources que n'en nécessitait le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique ». L'affectation de cet excédent au budget général n'a rien de contestable d'un point de vue budgétaire, mais le Gouvernement aurait sans doute pu, d'un point de vue politique, affecter plus de moyens à la transition énergétique à un moment où les prix de l'énergie montaient et où la fiscalité énergétique devenait un sujet important. Cela aurait pu s'effectuer par le biais de l'Agence nationale de l'habitat ou par un renforcement du crédit d'impôt pour la transition énergétique.
Toutes ces raisons nous ont conduits à préconiser l'abstention sur ce projet de loi de finances rectificative. Néanmoins, les forces politiques opposées à ce texte étant plus importantes que ses partisans, il a été rejeté.
Au vu du nombre d'articles restant en discussion, je doute que cette commission mixte paritaire puisse être conclusive.