Intervention de Loïc Hervé

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 21 novembre 2018 à 8h40
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « relations avec les collectivités territoriales » - examen du rapport pour avis

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé, rapporteur pour avis :

Sans doute. Ces documents mériteront d'être analysés de manière plus approfondie. Il m'a déjà été possible d'en tirer quelques enseignements.

En premier lieu, les pratiques sont extrêmement diverses d'un département à l'autre. Certains préfets font le choix de subventionner un très grand nombre de projets, y compris très modestes (jusqu'à 779 projets par département !), tandis que d'autres concentrent les crédits de la DETR sur des projets plus importants. Même entre des départements comparables, les choix peuvent être très différents. En 2017, la subvention moyenne était d'environ 46 000 euros au niveau national, mais selon les départements, cette moyenne s'échelonne entre 18 000 euros et 147 000 euros.

On voit donc que le cadre légal est suffisamment souple pour permettre aux préfets et aux commissions DETR se s'adapter aux besoins locaux. Je ne le remets nullement en cause.

Deuxième enseignement, les plus grosses opérations absorbent une partie importante de la DETR. En moyenne, celles dont le coût est supérieur à 500 000 euros, qui ne représentent que 8 % des opérations subventionnées, récoltent près de la moitié de l'enveloppe, tandis que les projets de moins de 50 000 euros n'en récoltent que 10 %. Le coût moyen des opérations subventionnées s'établit à 150 000 euros, contre 100 000 euros pour l'ancienne réserve parlementaire. On comprend donc que les petites communes rencontrent aujourd'hui des difficultés pour financer des projets de faible ampleur.

Troisième enseignement, l'abaissement de 150 000 euros à 100 000 euros de subvention du seuil au-delà duquel la commission DETR doit être consultée n'a pas engorgé celle-ci, comme on l'a entendu dire l'an dernier. Le nombre de dossier supérieurs au nouveau seuil oscille entre 3 et 57 par département.

En ce qui concerne la DSIL, le Gouvernement a été en mesure de nous fournir l'ensemble des attributions en 2017. Il en ressort que la DSIL est une dotation extrêmement hétérogène, qui finance aussi bien de tout petits projets que des projets de plusieurs centaines de milliers, voire de plusieurs millions d'euros.

Comme vous vous en souvenez, la commission des lois avait proposé l'an dernier que la répartition de la DSIL fût redescendue des préfets de région aux préfets de département, qui connaissent mieux les élus locaux et les besoins du terrain. Le Gouvernement nous avait opposé deux objections : d'une part, la DSIL aurait vocation à financer des projets d'ampleur régionale (alors même qu'il s'agit d'une dotation destinée aux communes et à leurs groupements) ; d'autre part, la définition d'enveloppes régionales permettrait d'opérer une forme de redistribution entre départements riches et pauvres.

Les statistiques que nous avons obtenues montrent que ce dernier argument ne tient guère. L'enveloppe régionale est le plus souvent répartie entre les départements au prorata de leur population. Et lorsque ce n'est pas tout à fait le cas, les écarts ne s'expliquent pas toujours par la richesse respective des départements.

Je vous proposerai donc plusieurs amendements sur ces dotations d'investissement au bloc communal, pour améliorer leur répartition et renforcer le contrôle des élus locaux.

En ce qui concerne la DGE des départements, le projet de loi de finances prévoit de la remplacer par une dotation de soutien à l'investissement départemental, répartie pour l'essentiel sous forme de subventions par les préfets de région. L'Assemblée des départements de France nous a dit ne pas avoir été consultée. Pour ma part, il me semble inconcevable d'accepter une telle réforme, qui constitue un retour en arrière par rapport aux lois de décentralisation, sans aucune concertation préalable. La DGE mérite sans doute d'être réformée, car l'assiette des investissements éligibles est en partie obsolète, mais pas de cette façon !

Le second sujet qui mérite de retenir l'attention de la commission des lois, c'est la réforme de la dotation d'intercommunalité. En effet, parmi les dotations de fonctionnement, la dotation d'intercommunalité a ceci de spécifique qu'elle a une incidence directe sur l'architecture institutionnelle locale. Par son existence même et par ses modalités de répartition, elle constitue une incitation à l'intégration intercommunale.

L'exercice par les EPCI à fiscalité propre des compétences qui leur ont été transférées est, en principe, financé par les ressources fiscales qu'ils perçoivent en lieu et place des communes. En attribuant à ces EPCI une dotation spécifique, l'État assure un surplus de moyens financiers aux territoires où les communes se sont regroupées dans de tels établissements - ce qui est désormais le cas de la quasi-intégralité du territoire national, à l'exception des quelques communes insulaires.

Par ailleurs, les règles de répartition de la dotation d'intercommunalité font la part belle aux territoires les plus intégrés. En effet, cette dotation est actuellement divisée en quatre enveloppes, destinées respectivement aux communautés urbaines et aux métropoles, aux communautés d'agglomération, aux communautés de communes à fiscalité professionnelle unique et aux communautés de communes à fiscalité additionnelle. Le montant de dotation par habitant diffère selon la catégorie juridique d'EPCI à fiscalité propre, au profit des catégories les plus intégrées. En outre, au sein des trois dernières enveloppes, la répartition de la dotation d'intercommunalité s'opère en fonction de la population de chaque établissement, de son potentiel fiscal, mais aussi de son coefficient d'intégration fiscale (CIF). Enfin, les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique les plus intégrées bénéficient d'une dotation bonifiée.

Les modalités de répartition actuelles de la dotation d'intercommunalité ont fait l'objet de critiques récurrentes, sur lesquelles je ne m'étendrai pas. Les attributions individuelles ont été extrêmement volatiles au cours des dernières années. La répartition de la dotation pourrait même s'avérer impossible dans un avenir proche, compte tenu de la multiplicité des règles qui la régissent.

Le Gouvernement propose une réforme qui constitue un pas dans la bonne direction, mais qui reste, à mon sens, insuffisante. En particulier, la réforme ne s'attaque pas aux effets pervers du critère du coefficient d'intégration fiscale.

À la suite de la refonte de la carte intercommunale, de nombreux EPCI à fiscalité propre, devenus extrêmement vastes, ont été conduits à restituer des compétences de proximité à leurs communes membres, elles-mêmes parfois renforcées par leur regroupement en communes nouvelles. C'est le cas, par exemple, de la communauté d'agglomération du Grand Annecy - où notre collègue Mathieu Darnaud s'est rendu dans le cadre des travaux de la mission de contrôle et de suivi des lois de réforme territoriale - qui a restitué aux communes l'exercice des compétences relatives à la petite enfance, aux bâtiments scolaires et aux activités périscolaires, au sport, à la culture et à l'action sociale. La restitution de compétences s'étant accompagnée de celles des ressources afférentes, elle a fait baisser le coefficient d'intégration fiscale de la communauté et, par conséquent, sa dotation d'intercommunalité. En un mot, un choix de répartition des compétences guidé par le principe de subsidiarité - principe auquel nous tenons - se traduit par une perte nette de recettes pour le territoire.

Une solution à ce problème structurel pourrait être de fusionner la dotation d'intercommunalité avec la dotation forfaitaire des communes, pour créer une dotation unique des ensembles intercommunaux qui pourrait, elle, être répartie entre les communes et leurs groupements à fiscalité propre en fonction des compétences exercées par chaque échelon.

Pour l'heure, je vous proposerai un amendement visant à ce que, en cas de baisse du coefficient d'intégration fiscale d'un EPCI à fiscalité propre, la somme correspondant à la diminution de dotation d'intercommunalité qui en résulte vienne financer une dotation de consolidation répartie entre les communes membres au prorata de leur population.

Ainsi, les élus locaux pourront ajuster la répartition des compétences au niveau local en fonction des nécessités du terrain, au lieu de se déterminer selon des considérations purement financières.

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