Intervention de Rémy Pointereau

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 11 octobre 2018 : 1ère réunion
Communication de m. rémy pointereau : bilan des travaux du groupe de travail « revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs »

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau :

Merci d'accepter cette modification de votre ordre du jour. Je souhaitais vous présenter un petit compte rendu des événements qui ont fait suite à notre pacte sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Je tiens tout d'abord à remercier notre président Jean-Marie Bockel de me donner l'occasion de faire le point sur ce que nous avons obtenu dans la loi Elan au profit des centres-villes et centres-bourgs.

Comme vous le savez, notre délégation, associée à la délégation aux entreprises et aux commissions permanentes, a créé un groupe de travail sur la revitalisation desdits centres. Au terme d'un travail de plusieurs mois, nous avons abouti, de manière transpartisane, avec notre collègue Martial Bourquin, à une proposition de loi portant Pacte national pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, comportant 30 articles.

Le Sénat l'a adopté à l'unanimité le 14 juin dernier.

Compte tenu de l'urgence de la situation pour nos territoires, mais aussi des risques de non-reprise de la proposition de loi par l'Assemblée, nous avons saisi l'occasion de la présentation du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dit ELAN, pour y insérer certaines des dispositions les plus significatives du Pacte national.

Nous nous sommes rapprochés de nos collègues de la commission des Affaires économiques, en particulier de sa présidente, Sophie Primas, et de Dominique Estrosi-Sassone, qui a rapporté le projet de loi. Grâce à ce travail en étroite collaboration, de nombreuses dispositions de la proposition de loi ont été intégrées dans la version d'ELAN votée par le Sénat le 25 juillet.

Restait l'étape de la CMP, qui était périlleuse au regard de la frilosité, voire de l'hostilité, du Gouvernement à l'égard de nombre de nos propositions, comme de la faiblesse de l'intérêt de l'Assemblée pour le sujet, du moins en première lecture.

Après un réel suspens et un fort risque d'échec global, la CMP relative au projet de loi ELAN s'est achevée sur un accord.

S'agissant des centres-villes et centres-bourgs, de nombreuses dispositions issues du Pacte national et insérées dans le projet gouvernemental par le Sénat ont en définitive été conservées. Cela démontre que les parlementaires, en CMP, se sont quelque peu libérés du carcan gouvernemental.

En quelques mots, quelles sont les dispositions sénatoriales qui figureront dans la loi ? Vous allez constater qu'elles sont loin d'être négligeables.

- 1er point : contre la volonté du Gouvernement, la composition des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) est remaniée pour qu'elles accueillent des représentants du tissu économique et commercial. Les CDAC comprendront des représentants des CCI, des Chambres de Métiers et de l'Artisanat (CMA) et des Chambres d'agriculture, ce qui est une réelle innovation.

Ces représentants présenteront la situation du tissu économique et l'impact du projet sur ce tissu. Si le projet d'implantation commerciale consomme des terres agricoles, le représentant de la Chambre d'agriculture présentera l'avis de cette dernière.

Par ailleurs, les CDAC pourront auditionner les managers du commerce et les associations de commerçants de la commune d'implantation et des communes limitrophes. Elles seront dans l'obligation d'informer les maires des communes limitrophes des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale.

- 2ème point, tout à fait essentiel : le fonctionnement des CDAC est profondément réformé pour mieux tenir compte de la situation des centres. Les CDAC devront d'abord tenir compte de nouveaux critères pour délivrer ou non les autorisations d'autorisation commerciale : en particulier, elles devront examiner la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune et des communes limitrophes. Elles devront aussi se pencher sur les coûts indirects supportés par la collectivité, notamment en matière d'infrastructures et de transports.

Avancée considérable, la loi crée l'obligation pour le demandeur de produire une analyse d'impact du projet commercial. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le préfet, cette analyse devra évaluer les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune, des communes limitrophes et de l'EPCI, ainsi que sur l'emploi.

Enfin, le demandeur de surfaces commerciales devra démontrer que son projet ne peut pas s'implanter sur une friche commerciale existante, d'abord en centre-ville puis en dehors.

- 3ème point : nous avions constaté la paralysie du dispositif de contrôle du respect de la loi sur les implantations commerciales. Il est entièrement refondu selon les propositions du Sénat. Ainsi, l'exploitant d'une grande surface devra, un mois avant la date d'ouverture au public, communiquer au préfet et au maire un certificat établi à ses frais par un organisme habilité attestant du respect des dispositions du code de commerce.

En l'absence de délivrance de ce certificat dans les délais, l'exploitation des surfaces concernées est réputée illicite. Dans le même sens, la possibilité de constater les infractions au code du commerce est étendue aux agents habilités par la commune ou par l'EPCI.

Désormais, le préfet aura compétence liée pour mettre en demeure de se régulariser les établissements de grande distribution exploitant illicitement des surfaces et, à défaut, pour prendre un arrêté ordonnant la fermeture au public jusqu'à régularisation. Cette mesure est importante, car, trop souvent, les préfets jouaient la montre et s'impliquaient peu dans ces dossiers d'exploitation illicite, laissant les élus désarmés, comme nous l'avons constaté à Moulins.

Pour faciliter la prise de décision des préfets, mais aussi celle des CDAC, seront insérés dans la base de données dite ICODE, gérée par le ministère des Finances, les divers actes relatifs aux exploitations illicites. Cela permettra aux services de l'État de disposer des informations sur le comportement d'un exploitant au-delà des limites du département.

- 4ème point : les obligations de remise en état des surfaces commerciales abandonnées sont renforcées pour éviter la prolifération de friches commerciales. Le préfet sera, désormais, tenu de s'assurer des dispositions prévues par les propriétaires du site pour mettre en oeuvre les opérations de remise en état des terrains.

En cas d'insuffisance de ces dispositions, le préfet pourra obliger les propriétaires à consigner entre les mains d'un comptable public une somme du montant des travaux à réaliser, somme restituée au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites. C'est une arme puissante, confiée aux services de l'État, qui transpose aux friches commerciales le régime existant en matière de démantèlement des installations classées pour la protection de l'environnement.

- 5ème point : nous avons obtenu le renforcement du document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) pour permettre aux collectivités de se doter d'une stratégie de développement commercial.

Non seulement le DAAC devient obligatoire dans un SCOT, mais il déterminera obligatoirement les conditions d'implantation des équipements commerciaux importants, le type d'activité et la surface de vente maximale des équipements commerciaux par secteurs. En l'absence de SCOT, ce sera au PLUi de fixer ces éléments.

- 6ème point : la loi reprend la proposition du Sénat d'instituer un droit à l'information des élus locaux sur les transferts de services publics hors des centres-villes.

Dans les communes signataires d'une convention ORT, l'autorité responsable d'un projet de fermeture ou de déplacement hors du périmètre de l'ORT d'un service de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un EPCI ou d'un organisme chargé d'une mission de service public devra obligatoirement communiquer, au moins six mois à l'avance, au maire de la commune et au président de l'EPCI toutes les informations justifiant cette évolution. L'autorité responsable devra aussi indiquer les mesures envisagées pour permettre localement le maintien de ce service sous une autre forme.

- 7ème point : les dispositions défendues par le Sénat pour pousser à la remise sur le marché des hauts d'immeubles en centres-villes ont été reprises. Vous savez que l'enjeu est la remise sur le marché de dizaines de milliers de logements en centre-ville situés au-dessus de commerces et actuellement inhabités.

Dans un périmètre d'ORT, on ne pourra plus imposer un bail unique pour un commerce en rez-de-chaussée et les étages supérieurs, sauf pour réserver l'habitation du commerçant ou de l'artisan qui exerce son activité professionnelle en rez-de-chaussée. Par ailleurs, seront interdits les travaux qui condamnent l'accès aux étages dans un même immeuble, condamnation qui conduit à stériliser de nombreux hauts d'immeubles qui pourraient être affectés à des habitations.

Enfin, mesure qui devrait aider de nombreux maires, dans le périmètre d'une ORT, l'abandon manifeste d'une partie d'immeuble est constaté automatiquement dès lors que des travaux ont condamné l'accès à cette partie.

- 8ème point : le principe d'exonération de CDAC dans les centres-villes dans les périmètres d'opération de revitalisation de territoire (ORT), que le Gouvernement souhaitait total, a été encadré. La convention ORT pourra ainsi prévoir un seuil haut à cette exonération (5 000 m² ou 2 500 m² pour les magasins alimentaires).

Disons-le, sur ce sujet, nous ne sommes pas du tout satisfaits. Le Gouvernement a été actionné par le Conseil national des centres commerciaux, mais nous avons évité le pire. Nous ne sommes pas hostiles à d'importantes implantations commerciales en centre-ville, car elles servent parfois de locomotives. La CMP a repris notre proposition visant à exonérer de CDAC les opérations immobilières combinant un projet d'implantation commerciale et des logements dès lors que la surface de vente du commerce est inférieure au quart de la surface de plancher à destination d'habitation.

- 9ème et dernier point : alors qu'on nous avait expliqué que des moratoires sur les implantations de grande surface étaient impossibles, le Gouvernement, sous la pression du Sénat, en a admis le principe. La CMP en a consolidé et étendu les modalités.

En conclusion, le Sénat n'a pas obtenu gain de cause sur tous les points, mais les avancées obtenues sont très significatives. Nous n'avons pas pu avancer sur le volet fiscal, mais nous aurons l'occasion d'introduire une disposition sur le sujet dans le projet de loi de finances.

J'ai ainsi résumé le long travail que nous avons réalisé grâce à la délégation des collectivités territoriales. Nous avons pu aboutir sur un certain nombre d'articles tout à fait intéressants, qui font avancer la revitalisation de nos centres-villes et de nos centres-bourgs.

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