Intervention de Bertrand Hauchecorne

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 11 octobre 2018 : 1ère réunion
Table ronde inaugurale : rapport d'information sur le rôle des communes dans les intercommunalités

Bertrand Hauchecorne :

Je représente l'Association des maires ruraux de France, et je suis maire d'une commune de 1 300 habitants, Mareau-aux-Prés, qui jouxte la métropole d'Orléans. Je suis mathématicien. J'ai présidé durant 16 ans une petite communauté de communes centrée sur Cléry-Saint-André, commune où Louis XI est enterré. Cette communauté n'avait pas la qualité de compter 15 000 habitants, et nous avons été contraints de fusionner.

Dans le cadre de cette intercommunalité nouvelle, avec des communes plus riches au nord de la Loire et d'autres moins riches au sud, nous avons constaté que sans une politique de solidarité territoriale, les différentes dotations, en particulier la DNP, font que les communes les plus riches de l'intercommunalité deviennent plus riches et les communes les plus pauvres deviennent plus pauvres. La loi NOTRE n'a pas suffisamment appréhendé l'impact des fusions sur les dotations. Or ces fusions vont plutôt dans le sens de l'anti-péréquation.

Par ailleurs, ma communauté de communes a été affectée par la « QPC de Salbris » dès juillet 2014. Cette question prioritaire de constitutionnalité a rendu l'accord local de répartition des postes au sein du conseil communautaire anticonstitutionnel. J'avais alors contacté Jean-Pierre Sueur, qui avait rencontré Alain Richard, pour proposer un nouvel accord local, qui a été rendu presque impraticable. Pour y remédier, j'ai proposé une démarche en deux temps.

J'ai examiné la loi par défaut. En 2013, 90 % des communautés de communes et des intercommunalités ont choisi l'accord local. Ces accords ont toujours donné un petit coup de pouce aux communes les moins peuplées, en n'appliquant pas de manière stricte la proportionnalité. Si nous appliquions le principe de proportionnalité à l'échelle de l'Union européenne, le Luxembourg n'aurait qu'un député au Parlement européen, alors qu'il en compte six. Or cette souplesse dans la mise en oeuvre de la proportionnalité n'a choqué personne.

Le système actuel repose sur la proportionnalité à la plus forte moyenne. Il a été inventé par le mathématicien belge Victor d'Hondt, à la fin du XIXe siècle, dans le but de permettre la constitution de majorités. Il a été utilisé en Espagne pour chaque province, et en France en 1986 pour les départements. Or il me semble totalement contraire à l'esprit d'une intercommunalité dans laquelle nous avons envie que tout le monde participe.

Dans un premier temps, je crois qu'il faudrait supprimer cette proportionnalité à la plus forte moyenne et prévoir un autre type de proportionnalité. Aujourd'hui, les sièges supplémentaires bénéficient presque toujours aux communes les plus peuplées. Prenons une communauté de communes comptant trois communes : une de 6 800 habitants et deux de 1 600 habitants. La première dispose de 6 conseillers communautaires, les deux autres d'un conseiller chacune. Or cette méthode conduit à attribuer les 2 derniers sièges à la commune de 6 800 habitants. Ainsi, cette commune recouvre 68 % des habitants, mais possède 80 % des sièges. Les deux autres regroupent 16 % des habitants, mais ne disposent que de 10 % des sièges. Cette méthode va à l'encontre de l'esprit souhaité, puisque le nombre d'habitants par siège est plus faible dans les grandes communes que dans les petites. Cette situation marque une injustice forte, dont même les élus des grandes communes ont conscience.

Je propose donc, avec le support de l'Association des maires ruraux de France, de modifier cette modalité, par exemple en arrondissant à l'entier supérieur. Cette solution se révèle très simple et je ne pense pas qu'il soit gênant d'ajouter quelques sièges supplémentaires. J'ai rencontré le président de l'ADCF et j'ai été reçu par une commission de l'Association pour expliquer cette proposition. J'ai senti un intérêt évident.

Je proposais par ailleurs d'aller un peu plus loin, m'inspirant de la démarche suivie pour les dotations. Pour la DGF, tout habitant supplémentaire représente 64 euros en plus pour une commune de moins de 500 habitants et 128 euros pour une commune de plus de 250 000 habitants. Entre les deux est utilisée une fonction logarithmique. Entre une commune de 1 000 habitants et une de 10 000 habitants, il existe un écart de 9 000 habitants, tout comme entre une commune de 100 000 habitants et une de 109 000. Il s'agit de raisonner sur le rapport de population, plutôt que sur la différence de population. Ainsi, le milieu entre 1 000 et 100 000 serait 10 000. Inutile de connaître la formule. Or j'ai inversé tout simplement la formule. J'ai communiqué les documents à l'ADCF et à l'Association des maires de France. Ces propositions peuvent bien sûr être adaptées.

De nombreuses communautés de communes, agglomérations et métropoles sont encore régies par l'accord local. Sans changement, nous risquons de constater des effets très néfastes en 2020.

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