Intervention de Charles-Eric Lemaignen

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 11 octobre 2018 : 1ère réunion
Table ronde inaugurale : rapport d'information sur le rôle des communes dans les intercommunalités

Charles-Eric Lemaignen :

Je tenais tout d'abord à vous rendre compte d'une enquête que nous avons menée auprès de nos présidents, juste avant notre congrès de la semaine dernière. 76 % des intercommunalités interrogées ont mis en place des conférences des maires. 77 % d'entre elles ont ouvert leurs commissions aux conseillers municipaux non communautaires. Certains soulignent que ces commissions sont ouvertes mais qu'ils ne s'en servent pas beaucoup. 69 % ont mis en place des réorganisations de proximité, dont 23 % avant les réformes de 2014-2015. Enfin, pour 80 %, l'esprit communautaire est en progrès, mais 60 % estiment que ces progrès restent lents. Le projet de territoire et le PLUI constituent les principaux vecteurs de progrès de cet esprit communautaire.

J'aborderai successivement cinq points :

- il faut, en premier lieu, une charte de gouvernance. Elle se révèle assez générale dans les plus grandes intercommunalités et les métropoles. Elle décrit le « qui fait quoi » et les modalités, en particulier, pour rassurer les maires des petites communes, la façon de gérer les oppositions. S'il n'existe pas de droit de veto, on impose souvent une nouvelle lecture avec une majorité qualifiée. Pour clarifier les rôles respectifs des communes et de la communauté, cette charte de gouvernance apparaît comme un outil indispensable ;

- en second lieu, cette charte de gouvernance fonctionne mieux si elle se fonde sur le projet de territoire. C'est sur le projet de territoire que les rôles de chacun peuvent être les mieux définis de façon détaillée. Ce projet donne du sens, crée du consensus et peut constituer le meilleur support auprès du grand public, surtout s'il est réalisé en co-construction ;

- en troisième lieu : il faut rassurer les maires et faire en sorte qu'ils deviennent le relais de l'action communautaire. Assez souvent, le blocage provient des adjoints, qui se sentent dépossédés des compétences transférées à l'intercommunalité. Cette problématique pose la question de la conférence des maires. J'ignore s'il faut la rendre obligatoire, mais je crois surtout qu'il ne faut pas la normer. Très souvent, tous les dossiers importants passent en conférence des maires. Si un tiers des maires s'oppose à une délibération, elle ne passe pas en conseil communautaire. Généralement, chaque commune dispose d'une voix, quelle que soit la population, ce qui permet de décrisper les projets. À mon sens, cet outil devrait donc être généralisé, mais surtout pas normé.

- en quatrième lieu, la participation des élus non communautaires peut être assurée par trois leviers. Le premier de ces leviers repose sur les commissions. Il est indispensable d'ouvrir les commissions aux élus municipaux non communautaires. Certaines intercommunalités ne le prévoient pas pour la commission des finances, mais cette ouverture est admise pour toutes les autres. Cette démarche me paraît devoir être généralisée, peut-être faudrait-il même la rendre obligatoire.

Le levier suivant concerne le rapport d'activité de la communauté. Le plus souvent, ce rapport passe très rapidement dans chaque commune sans même faire l'objet d'un débat. Dans ma communauté, j'ai été invité par une commune sur quatre à présenter moi-même le rapport d'activité, suivi d'un débat. Une grande commune prévoit même, à chaque conseil municipal, un point d'information sur les dossiers communautaires. Cette solution me semble intéressante. Dans la CA du bassin de Brive, une réunion de tous les conseillers municipaux est organisée deux fois par an : pour la présentation du bilan en septembre, et pour une information sur les projets en mars. Il n'est pas normal que les élus communaux ignorent tout de l'action de l'intercommunalité.

Le dernier levier tient aux réunions annuelles. Ces réunions visent notamment à élaborer le projet de territoire et à en faire le suivi. Nous y invitons l'ensemble des conseillers communautaires, les conseillers municipaux, les DGS, les secrétaires de mairie et même les partenaires sociaux.

- en cinquième et dernier lieu : il faut assurer la gestion de la proximité et de la réactivité. Pour la compétence de voirie, par exemple, il apparaît difficile de ne pas sectoriser. Sur Falaise, il existe une communauté de 58 communes. Depuis 1992, 8 microrégions ont été constituées, qui élisent un président depuis 2014. Une commission réforme territoriale et mutualisation réunit ces présidents et d'autres membres des commissions thématiques pour réfléchir à la mutualisation, la répartition des équipements, voire préfigurer les futures communes nouvelles. Ces microrégions - qui ne disposent pas d'un budget propre - fonctionnent bien et constituent un très bon relais à l'action communautaire. Sur Loire-Forez, 6 secteurs de projet ont été créés, avec des réunions réunissant chaque mois tous les conseillers municipaux des 88 communes.

En conclusion, je pense qu'il est fondamental de valoriser les bonnes pratiques. Il ne faut pas les généraliser a priori, mais il me paraîtrait essentiel qu'une assemblée comme le Sénat les valorise. Il faut aussi laisser de la souplesse, ne pas imposer de carcan. Enfin, ce doit être une action récurrente à mener à chaque début de mandat, avec des kits de communication pour les nouveaux élus, voire les candidats pour éviter toute rupture dans la sectorisation de l'action communautaire.

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