Les crédits que nous examinons ce matin ont été les grands sacrifiés du précédent quinquennat : de plus de 750 millions d'euros en 2012, ils sont tombés à moins de 685 millions d'euros cinq ans plus tard. En 2018, puis 2019, ils ont été à peu près stabilisés. Mais les années qui viennent s'annoncent encore plus douloureuses, le Gouvernement ayant annoncé dans le cadre du plan « Action publique 2022 » son intention de réduire de 10 % la masse salariale de l'ensemble des réseaux de l'État à l'étranger d'ici 2022 !
Pour 2019, les opérateurs du programme conservent des crédits sensiblement identiques à ceux de l'an dernier. L'Agence française de l'enseignement à l'étranger (AEFE) conserve une dotation inchangée (14,7 millions d'euros dédiés à la sécurisation des lycées français sont transférés sur un compte d'affectation spéciale). L'Institut français bénéficie d'une subvention complémentaire de deux millions d'euros, non reconductible, pour mettre notamment en oeuvre l'ambitieux Plan Langue française et Plurilinguisme, annoncé par le Président de la République lors de son discours à l'Institut de France le 20 mars dernier. Mais cela ne me semble pas suffisant pour mettre en oeuvre 17 des 33 mesures contenues dans ce Plan comme doit le faire l'Institut français ! Quant à Campus France, il conserve des crédits identiques à l'an dernier, dans un contexte où la mobilité étudiante internationale double tous les dix ans ... Le Président de la République avait pourtant annoncé en mars dernier qu'il donnerait « un nouvel élan » pour notre diplomatie culturelle.
Je suis réservé sur les grandes annonces du Plan Langue française et Plurilinguisme. Certes, il contient de belles intentions auxquelles je souscris bien évidemment, mais les objectifs m'interrogent, notamment au regard de moyens durablement réduits. L'annonce, par exemple, du doublement du nombre d'élèves accueillis au sein de notre réseau scolaire français à l'étranger d'ici 2030 me semble assez irréaliste : c'est l'équivalent de l'ouverture de 48 établissements tous les ans pendant 13 ans ... La dynamique naturelle de l'AEFE, + 2 % par an, devrait permettre d'atteindre à peine le quart de l'objectif. Or sur le terrain, si l'on constate bien une demande d'apprentissage de la langue française, il ne s'agit pas toujours d'une demande d'enseignement « à la française ». Même nos expatriés français ont de moins en moins recours aux écoles et lycées français.
Madame la Présidente, vous avez bien voulu me missionner avant l'été pour examiner les modalités du rapprochement entre l'Institut français et la Fondation Alliance française, en lien avec mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Robert. del Picchia et M. André Vallini. Il s'agit en réalité, à mes yeux, d'une véritable « dévitalisation » de la Fondation : certes, celle-ci ne disparaît pas, contrairement à ce qui avait pu être envisagé dans certains scenarii, mais son personnel devrait être réduit à six équivalents temps plein d'ici la fin de l'année et les postes de ses délégués régionaux seront supprimés. Quant aux directeurs mis à disposition des alliances, ils sont encore environ 280 dans le monde mais leur nombre pourrait progressivement se réduire. Les synergies annoncées entre Institut et Fondation lorsqu'ils seront sur le même site seront donc très limitées compte tenu de la faiblesse des effectifs et des compétences résiduels de la Fondation. Je suis également inquiet de la méfiance qui persiste entre ces deux acteurs majeurs de notre diplomatie culturelle : manifestement ils se parlent très peu, l'Institut n'a pas tenté de reprendre les personnels dont la Fondation a dû se séparer et la question des locaux est encore loin d'être réglée avec quelques 15 millions d'euros de travaux nécessaires pour l'installation de l'Institut sur le site du Boulevard Raspail à Paris.
Sur le terrain, un institut par pays, situé dans la capitale, et des alliances dans les territoires périphériques me semblerait constituer un schéma d'organisation intéressant. Mais il faut absolument instaurer un nouvel état d'esprit à l'Institut français, dans les ambassades et les instituts français sur le terrain pour travailler main dans la main avec le réseau des alliances françaises.
Mes réserves sur ce budget sont nombreuses et je ne vous cache pas que j'ai longuement hésité, mais, prenant acte à la fois de la volonté réelle du Président de la République de relancer notre diplomatie culturelle et de la subvention à l'Institut français que je souhaite voir reconduite, je vous proposerai néanmoins de donner un avis favorable à l'adoption des crédits destinés à notre diplomatie culturelle au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».