Le budget de la recherche augmente de manière significative pour la deuxième année consécutive ; il faut donc savoir où vont les fonds.
La somme des budgets des programmes « Recherche » devrait atteindre 11,75 milliards d'euros au titre des autorisations d'engagement et 11,86 milliards d'euros au titre des crédits de paiement en 2019, ce qui représente une hausse de 274 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit 2,4 %, par rapport aux crédits pour 2018. Le budget pour 2019 s'inscrit ainsi dans la trajectoire dessinée pour 2018, avec une forte progression des crédits alloués aux programmes « Recherche » sur deux ans, de l'ordre de 817 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit 3,7 %, et de 440 millions d'euros en crédits de paiement, soit 1,9 %.
En dépit d'un contexte budgétaire contraint, ces hausses de crédits significatives traduisent concrètement le soutien du Gouvernement à la recherche.
Le montant total des crédits alloués aux programmes qui dépendent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est-à-dire les programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193 « Recherche spatiale », s'établira en 2019 à 8,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 8,8 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une forte hausse de 322,4 millions d'euros, ou 3,9 %, en autorisations d'engagement, et de 376,4 millions d'euros, ou 4,5 %, en crédits de paiement par rapport à 2018.
À l'inverse, les programmes de la mission qui ne dépendent pas du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche verront pour la plupart leurs moyens stagner, voire diminuer en 2019. Leur budget total s'élèvera à 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une baisse significative de 1,5 %. Ce sera notamment le cas des programmes 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », 191 « Recherche duale (civile et militaire) » et 186 « Recherche culturelle et culture scientifique ».
Deux exceptions subsistent à cette tendance morose.
En premier lieu, le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricole », qui porte notamment les crédits de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), voit ses crédits progresser de 2 %. L'année 2019 sera marquée par la préparation de la fusion de ces deux organismes en un institut unique, qui devrait voir le jour au 1er janvier 2020. Selon les informations qui m'ont été communiquées, la préparation de cette fusion se déroulerait dans de bonnes conditions.
En second lieu, le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » bénéficiera d'une hausse de 5,8 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cette évolution correspond à une augmentation de la dotation du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) visant à faire face à l'accroissement des dépenses destinées à la protection antiterroriste des installations, mais aussi au coût des programmes d'accompagnement du réacteur Jules Horowitz et du démonstrateur Astrid.
Dans le même temps, l'Institut français du pétrole-Énergies nouvelles (IFP-EN) verra sa subvention pour charges de service public diminuer de 4,1 millions d'euros en 2019, puis en 2020. Cette dotation a diminué de 24 % en huit ans !
Je voudrais souligner trois éléments saillants concernant les augmentations de crédits de la recherche en 2019.
Premièrement, les programmes 172 et 193 captent l'intégralité de cette hausse de crédits. Sur deux ans, le budget du programme 172 progresse de 5,2 % et celui du programme 193 de 8,8 %, tandis que, comme en loi de finances pour 2018, les programmes qui ne dépendent pas du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur voient leurs crédits stagner ou diminuer.
Deuxièmement, le budget alloué à la recherche spatiale française absorbe les deux tiers de la progression des crédits de la mission, avec une augmentation de 205 millions d'euros des crédits du programme 193, pour atteindre 1,82 milliard d'euros. Cette progression significative, pour la seconde année consécutive, résulte entièrement de l'augmentation de la contribution française à l'Agence spatiale européenne (ASE), passée de 963 millions d'euros en 2018 à 1,17 milliard d'euros en 2019. Cette hausse très importante est destinée à financer les engagements de la France sur le programme Ariane 6, tout en poursuivant l'apurement de la dette française auprès de l'ASE afin de permettre sa résorption totale à l'horizon de 2020.
Troisièmement, le programme 172 bénéficiera de 171 millions d'euros supplémentaires, qui se décomposent schématiquement en quatre grandes enveloppes. La moitié de cette augmentation, soit 86,3 millions d'euros en crédits de paiement, concerne l'Agence nationale de la recherche (ANR), dont les moyens retrouveront un niveau qui n'avait plus été atteint depuis 2010, ce qui lui permettra de renouer avec un taux de succès supérieur à 15 %. La seconde enveloppe est destinée à financer les plans « SI Labo » et « Intelligence artificielle », ainsi que les conventions industrielles de formation par la recherche. Le plan Intelligence artificielle bénéficiera donc de 17 millions d'euros en 2019, auxquels s'ajoutent 12 millions d'euros en provenance des programmes d'investissements d'avenir, pour accompagner la mise en place d'un réseau emblématique d'instituts dédiés, les instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle, ou 3IA. Je ne peux que saluer les efforts consentis afin de doter la France d'une véritable stratégie en matière d'intelligence artificielle ; je regrette néanmoins que les moyens alloués à ce plan en 2019 demeurent très en deçà des annonces du Gouvernement. Une troisième enveloppe, de 30 millions d'euros, vise à compenser auprès des organismes de recherche le coût des mesures salariales.
Enfin, près de 20 millions d'euros supplémentaires sont alloués aux grandes infrastructures de recherche et aux organisations internationales. À cet égard, je tenais à signaler la révision à la hausse des coûts engendrés par la construction du réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) à Cadarache. Alors que la subvention versée au CEA pour le projet ITER est passée de 80,1 millions d'euros en 2014 à 128,9 millions d'euros en 2018, ce montant est porté à 152,8 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2019, soit près du double du coût initial.
Ce budget pour 2019 accorde donc une priorité très claire à la recherche spatiale, au budget de l'Agence nationale de la recherche, ainsi qu'aux grandes infrastructures de recherche et aux organisations internationales. Par voie de conséquence, les dotations allouées aux organismes de recherche stagnent ou diminuent. Les directeurs des organismes de recherche ont ainsi attiré mon attention sur deux problématiques.
Au cours des trois dernières années, la masse salariale des organismes de recherche a augmenté dans des proportions considérables, en raison de la relance de la politique salariale. Ainsi, la hausse de 31 millions d'euros des crédits de l'action 14 du programme 172, qui porte les subventions pour charges de service public destinées à financer les moyens généraux des organismes de recherche dépendant du ministère - CNRS, CEA, INSERM, entre autres - a pour objet de compenser les diverses mesures salariales décidées par le précédent Gouvernement en faveur des fonctionnaires. Néanmoins, elle est souvent insuffisante, d'autant que le GVT n'est pas compensé pour les organismes de recherche. Pour absorber cette hausse et rester à l'équilibre, les organismes de recherche n'ont pas d'autre choix que de réduire leurs effectifs, ce qui se traduit par une sous-exécution croissante des plafonds d'emplois.
Par ailleurs, plusieurs situations d'impasse budgétaire à moyen et long terme m'ont été signalées, appelant à une gestion plus prospective des crédits dédiés aux organismes de recherche.
Ainsi, le CEA se trouvera confronté à un surcoût de plusieurs centaines de millions d'euros dans le cadre de la construction du réacteur Jules Horowitz, tandis que les plans de santé commandés par le Gouvernement à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ne bénéficieraient pas des financements adéquats - Laure Darcos nous en dira plus à ce sujet.
À plus long terme, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) devra faire face à des besoins de financement de l'ordre de 500 millions d'euros pour le renouvellement de la flotte océanographique, sans qu'aucun plan d'investissement à moyen terme n'ait été élaboré à ce jour. Cependant, lors du comité interministériel de la mer du 15 novembre, le Premier ministre a annoncé le lancement d'une réflexion pour le maintien de la capacité opérationnelle de la flotte scientifique et la modernisation de ses équipements. Je ne saurais que soutenir cette démarche et inviter le Gouvernement à poursuivre dans cette voie, de manière à doter la flotte océanographique d'un plan d'investissement pluriannuel permettant d'anticiper au mieux les besoins de financement de l'institut. Il s'agirait d'un vrai choix en faveur d'une politique d'excellence.
Le crédit d'impôt recherche (CIR) augmentera de 200 millions d'euros par rapport à 2018 pour atteindre 6,2 milliards d'euros.
Étant donné le coût considérable de cette dépense fiscale pour les finances publiques, plusieurs études ont entrepris d'évaluer son impact sur les dépenses de recherche. Ces différents travaux ont conclu à la difficulté de disposer d'une évaluation précise de l'impact et de l'efficacité du CIR. Néanmoins, la plupart des évaluations s'accordent à reconnaître l'existence d'un effet positif du crédit d'impôt sur les dépenses de recherche des entreprises. Ainsi, les derniers travaux de Jacques Mairesse et Benoît Mulkay démontrent que, lorsque le coût de la recherche diminue de 10 %, les dépenses de recherche augmentent de 5 %. J'estime donc que le CIR demeure un outil efficace, même s'il faut en vérifier le périmètre.
Je souhaiterais conclure mon propos en évoquant deux défis budgétaires pour la mission « Recherche » : les financements européens et les crédits en provenance des programmes d'investissements d'avenir.
En ce qui concerne les financements européens, qui sont également des financements sur projets compétitifs, les chiffres du programme-cadre « Horizon 2020 » pour la recherche en Europe ne sont guère flatteurs pour notre pays et tendent à montrer que le recul de la France en matière de recherche s'amplifie. Les participations françaises représentent à ce stade un total de 3,5 milliards d'euros, soit 10,7 % des financements disponibles, contre 11,3 % sur l'ensemble du septième programme-cadre de recherche et développement technologique.
Face à ce constat, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a été chargé de concevoir un plan d'action pour renforcer la participation française au sein des programmes de recherche européens, dont il conviendra de suivre avec attention la mise en oeuvre.
Par ailleurs, l'épuisement progressif des crédits en provenance des programmes d'investissement d'avenir, qui représentent une part non négligeable du budget des organismes de recherche, se traduit par des difficultés financières réelles pour certains opérateurs. Le tarissement de cette source de financement devra faire l'objet d'une attention particulière dans la mesure où ces versements ponctuels ont pris la place de lignes budgétaires classiques.
Pour finir, je tenais à souligner que, en dépit des contraintes budgétaires fortes, il ne peut y avoir d'économies sur la recherche publique, notamment fondamentale. La mission « Recherche et enseignement supérieur » bénéficiant de hausses de crédits importantes, je souhaite que notre commission des finances propose au Sénat d'en adopter les crédits.