Oui, il faut changer de modèle de société. Oui, il faut favoriser la transition énergétique. Oui, il faut tenir bon sur les ambitions climatiques qui sont les nôtres – elles sont nécessaires et légitimes –, mais il faut le faire avec pragmatisme et pédagogie. Il faut nous assurer que personne n’est laissé au bord du chemin de l’écologie, un chemin que nous soutenons et que nous jugeons nécessaire.
Nous aurons donc à cœur, sur cette question, de proposer des alternatives crédibles à des hausses de taxe indiscriminées et parfois incohérentes. Il faut sortir de la logique punitive perçue par nos concitoyens ou nos PME.
Notre responsabilité est de démontrer que la transition écologique est une chance pour chacune et chacun des Français.
Nous ne croyons pas que nous puissions rééduquer le peuple. En revanche, nous pouvons l’aider, l’inciter, l’encourager.
Cette exigence doit dès à présent être intégrée au fonctionnement même de l’État. Nous demanderons ainsi au Gouvernement d’introduire le respect des « objectifs du développement durable » de l’ONU dans le processus budgétaire, pour éclairer l’orientation des grandes politiques publiques.
Ce projet de loi de finances est également le véhicule de réformes majeures pour nos entreprises.
Je pense bien sûr à la fiscalité des brevets et de l’innovation, pour l’adapter aux exigences de l’OCDE.
Je pense également à la transposition de la directive européenne visant à lutter contre l’évasion fiscale, dite directive ATAD – Anti-Tax Avoidance Directive –, à la réforme des modalités de calcul de l’impôt sur les sociétés ou du « pacte Dutreil ».
Ces mesures sont parfois inévitables, souvent pertinentes, mais elles doivent respecter plusieurs conditions.
D’abord, elles doivent veiller à la stabilité et à la sécurité juridique indispensables au développement des entreprises.
Ensuite, les législateurs que nous sommes ne doivent pas avoir la main trop lourde dans la transposition d’exigences internationales. Nous devons veiller à préserver la compétitivité de nos entreprises et de nos centres de recherche en Europe et dans le monde.
Enfin, il faut absolument respecter la spécificité des PME et des entreprises de taille intermédiaire, qui sont essentielles à notre tissu économique et n’ont pas les mêmes capacités d’adaptation que les plus grandes.
Nous saluons à cet égard, monsieur le secrétaire d’État, l’esprit de ce budget, qui, dans la lignée du précédent, vise à donner de l’air à nos entreprises et à faire de l’emploi la priorité.
Nous aurons à cœur de contribuer à ce mouvement dans la discussion qui aura lieu dans les prochains jours.
J’en viens à présent aux grands équilibres macroéconomiques et à la question de la dépense publique.
Malheureusement, en 2019, le montant des économies reste très insuffisant. La réduction des déficits publics, par exemple, n’est pas satisfaisante. Certes, le déficit effectif est creusé par le basculement du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, en baisse de charges ; nous le comprenons. Mais la réduction du déficit structurel, qui mesure le véritable effort des administrations publiques, est très faible et en contradiction avec nos objectifs européens.
Ce déficit alimente une dette publique abyssale, de l’ordre de 100 % du PIB, et qui ne cesse de se creuser ! Je cite le Haut Conseil des finances publiques : « La France n’aura pas encore amorcé, à l’horizon de 2019, la réduction de son ratio de dette publique au PIB, à la différence de la quasi-totalité des pays européens. »
Cette situation, dont vous avez largement hérité – j’en conviens –, est intenable. Elle met en péril notre souveraineté nationale.
Nous n’allons pas non plus assez loin dans la maîtrise de la dépense publique, et nous restons le champion de l’Union européenne en la matière. Vous l’avez souligné, monsieur le président, lorsque vous êtes intervenu à cette même tribune ce matin.
Et pourtant, nos marges de manœuvre s’amenuisent : le prix du pétrole augmente, les taux d’intérêt remontent, les tensions sur le commerce international se ravivent, les perspectives de la croissance mondiale se ternissent.
Ces facteurs risquent de perturber ce projet de budget au moment de son exécution et de vous mettre, à un moment ou à un autre, face à des choix difficiles.
La réponse à cette difficulté est bien sûr plus d’efforts, plus d’efforts dès maintenant !
Plus d’efforts sur la dépense publique, tout d’abord : après avoir réalisé seulement la moitié de la réduction prévue pour 2018, vous limitez aujourd’hui vos ambitions à 0, 4 point de PIB d’économies, soit à peine 10 milliards d’euros. C’est trop peu.
Plus d’efforts sur la masse salariale de l’État, ensuite : vous baissez trop faiblement les effectifs de la fonction publique.
Nous sommes à 4 500 équivalents temps plein, ou ETP, en moins en 2019, après une baisse de 1 600 ETP en 2018, soit un total d’environ 6 000 fonctionnaires en moins en deux ans. Nous sommes très loin de la promesse de campagne de supprimer 50 000 postes sur le quinquennat – et extrêmement loin des 500 000 suppressions voulues par un autre candidat…
Le passé nous enseigne que ce type de promesse ne se tient pas davantage en fin de quinquennat qu’au début.
Je dois néanmoins saluer la sincérité accrue de ce budget, qui est réelle. C’est une promesse tenue, monsieur le secrétaire d’État.
On relève une sincérité sur la forme, mais également sur le fond des politiques publiques. J’en veux pour preuve la mission « Travail et emploi », dont je suis rapporteur spécial, qui se concentre davantage sur des dispositifs qui fonctionnent et sur la formation des travailleurs. En outre, la commission des finances du Sénat a toujours été favorable à la réduction des contrats aidés et elle approuvera, comme l’an dernier, les crédits de cette mission.
Un mot à présent des collectivités territoriales, alors que se déroule en ce moment même le Congrès des maires. Les maires que nous recevons, ici, au Sénat nous font part de leurs inquiétudes et de leurs attentes. Vous nous proposez une stabilité globale des dotations, ce qui est à mettre à votre crédit, après des années de diminutions draconiennes et indiscriminées.
Mais cette stabilité cache, comme souvent, de grandes disparités selon les communes. Nous vous proposerons des amendements pour amortir la charge pour les communes les plus défavorisées.
De plus, la hausse de la fiscalité sur le gazole non routier, ou GNR, inquiétante pour le secteur du bâtiment et des travaux publics, aura sans aucun doute un impact fort sur les budgets locaux et pour les maires bâtisseurs.
Enfin, nous attendons des précisions sur le remplacement de la taxe d’habitation, qui tardent à venir.
Je conclurai, mes chers collègues, en essayant de dissiper les caricatures que j’évoquais au début de mon propos.
Nous ne croyons pas que vous opposiez les Français les uns aux autres au travers de ce budget, ou que vous choisissiez une catégorie plutôt qu’une autre. Nous n’y croyons pas plus que nous ne donnions, hier, crédit au prétendu « budget pour les riches » de 2018. Il faut savoir mesure garder !
Mais il faut également entendre la détresse de certains Français et de certaines entreprises. Elle s’est exprimée, et elle est réelle.
Le Premier ministre a clairement dit qu’il avait entendu cette détresse. Nous sommes confiants dans le fait qu’il prendra des mesures fortes pour y répondre.
Notre groupe est prêt à vous y aider. Sur la voie d’une transition énergétique pragmatique, sur la défense des PME et des ETI, sur la promotion de l’innovation à la française, sur le respect de l’autonomie des collectivités territoriales et de la ruralité, nous avons des propositions à vous faire pour améliorer ensemble ce budget.
Le temps presse, et nous sommes collectivement responsables. C’est un enjeu de cohésion nationale, de cohésion territoriale et de compétitivité internationale.
Faisons des débats autour de ce projet de loi de finances un exercice collectif, positif et pragmatique, au service de la France et des Français.