Or qu’a fait le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État ? La même chose, mais pas seulement, puisqu’il s’est aussi lancé dans une réforme brutale du monde HLM, à grands coups de coupes budgétaires.
Le Gouvernement n’a rien voulu entendre, allant jusqu’à nier le risque, que tous les acteurs pointaient, d’un fort repli du marché. Eh bien voilà, nous y sommes, et malheureusement bien plus vite que prévu !
L’année 2018 s’annonçait en effet en net repli, alors même qu’il y a, dans le secteur, un retard inhérent à l’inertie des projets. Le nombre de logements sociaux financés en 2018 se situera à coup sûr sous les 100 000, ce qui nous ramènera peut-être dix ans en arrière, en plein milieu de la crise de 2008 et de 2009.
S’agissant de la promotion privée, ce n’est pas mieux. Voici les chiffres pour le troisième trimestre de 2018.
Dans les zones A et A bis – Paris, proche banlieue, Côte d’Azur, frontière suisse –, les mises en vente ont baissé de 8, 7 % et les réservations de 3, 2 %.
Dans les zones B1 – agglomérations de 250 000 habitants –, les mises en vente ont baissé de 15, 8 % et les réservations de 19, 5 %.
Dans les zones B2 – villes moyennes de 50 000 habitants –, les mises en vente ont baissé de 21, 1 % tandis que la demande, ce qui est une singularité, a crû de 8, 2 %.
Dans les zones C – le reste du territoire –, les mises en vente ont baissé de 26, 9 % et les réservations de 13, 9 %.
Monsieur le secrétaire d’État, ces chiffres sont très inquiétants et les professionnels du bâtiment parlent maintenant de 120 000 emplois en jeu dès l’année prochaine, et potentiellement de 200 000 emplois à l’horizon 2020.
Allez-vous au moins, au nom du Gouvernement, reconnaître que ces chiffres sont conformes à la réalité ? Je vous pose la question puisque, jusqu’à présent, le Gouvernement a été dans le déni absolu. Ce n’est plus possible. Si vous reconnaissez que ces chiffres sont exacts, il faut en tirer les conséquences dès maintenant !
Si j’en juge le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale, la réponse est malheureusement non. C’est même exactement le contraire, avec deux mesures figurant dans le texte initial du Gouvernement : la suppression de l’exonération de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, sur l’assurance décès des emprunteurs, qui va toucher les particuliers – encore un petit coup pour eux ! – désireux d’accéder à la propriété ; la taxation du gazole non routier, qui impactera le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Ce n’est que par voie d’amendement que le Gouvernement a desserré – mais si peu – le dispositif Pinel dans le cadre des opérations Cœur de ville et accepté le retour de l’APL accession, mais seulement dans certains territoires d’outre-mer.
Ce n’est pas avec ces mesures, monsieur le secrétaire d’État, que vous inverserez la tendance.
Il faudrait, selon nous, revoir d’urgence le zonage, ce qui aurait déjà dû être fait, car il ne permet pas de cibler correctement les aides fiscales.
Il faut rétablir l’APL accession sur tout le territoire : cela ne coûterait que 50 millions d’euros de plus l’an prochain et ce serait parfaitement cohérent avec votre objectif de vente d’HLM.
Il faut recalibrer le PTZ pour soutenir l’accession à la propriété partout.
Monsieur le secrétaire d’État, si vous ne voulez pas prendre le risque d’une crise majeure dans le secteur, il faut bouger maintenant. Votre politique fiscale – notre politique fiscale, je relativise – à l’égard du logement, beaucoup le disent, est incohérente : on surtaxe d’un côté et, pour que le marché fonctionne, on accorde effectivement des aides fiscales.
Tout cela ne peut plus durer. Donnez-vous un peu de temps, allons vers une véritable réforme de la fiscalité du secteur, mais, d’ici là, il faut des mesures pour soutenir celui-ci et éviter son effondrement.
S’agissant des bailleurs sociaux, le Gouvernement a présenté l’an dernier des mesures dites « de compensation de la baisse des loyers » : allongement des prêts, prêts de haut de bilan, blocage du taux du livret A.
Que vont donner ces mesures ? Maintenant, on le sait : la Caisse des dépôts et consignations a fait le tour des territoires, a rencontré tous les bailleurs ; dans un rapport récent, elle a publié un graphique très intéressant montrant que ces mesures dites « de compensation » permettent de passer le début de la période, mais qu’en 2037, dans vingt ans – tenez-vous bien, mes chers collègues –, l’autofinancement global des bailleurs sociaux sera nul. On pousse les prêts devant nous pour les rembourser plus tard !
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement est en train de fragiliser le secteur du logement social pour vingt ans. Ce secteur, en cas de crise, servait effectivement d’acteur contracyclique pour sortir l’accession à la propriété de ces problèmes. Eh bien, c’est terminé !
Je veux encore dire un mot de nos collectivités territoriales. Ce sont des acteurs majeurs : elles peuvent aider à soutenir le mouvement, mais il y a au moins une mesure qu’il faudrait adopter. Je le dis d’autant plus que les investisseurs institutionnels sont de retour, fortement, et veulent réinvestir le logement après l’avoir quitté il y a quinze ou vingt ans. C’est une bonne nouvelle, si ce n’est que cela se fait au détriment des communes, compte tenu des exonérations de taxe foncière. Ce n’est pas possible ! Puisque vous avez supprimé la taxe d’habitation et qu’il ne subsiste aux maires que la taxe foncière, vous ne pouvez pas en exonérer, aux frais des communes, et le logement social et le logement intermédiaire.
Monsieur le secrétaire d’État, cela fait cinq ans que je fais adopter, ici au Sénat, l’amendement visant à exclure l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties des variables d’ajustement de la DGF ; je compte et j’espère bien cette fois-ci obtenir un avis favorable du Gouvernement !