Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 22 novembre 2018 à 15h00
Loi de finances pour 2019 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Par ailleurs, en tant que sénateur des Hauts-de-Seine, je ne peux que rappeler l’impatience des élus franciliens quant à une prise de décision sur l’organisation institutionnelle de la région d’Île-de-France. Le millefeuille à cinq couches est indigeste !

En tant que sénateur du groupe Les Républicains, je veillerai à ce que le nouveau système fiscal proposé préserve la libre administration et l’autonomie financière des collectivités locales.

Pour en revenir au projet de loi dont nous allons débattre ces prochains jours, 11 des 85 articles du texte initial concernent directement les finances locales.

Conformément à l’engagement pris en 2017 de ne pas diminuer les dotations aux collectivités territoriales en contrepartie de la mise en œuvre du dispositif de contractualisation, l’article 23 maintient le niveau de la dotation globale de fonctionnement pour 2019 à son niveau de 2018. Ce maintien en euros courants masque cependant une baisse en euros constants dès lors que l’inflation repart à la hausse.

Les collectivités territoriales, monsieur le secrétaire d’État, ont respecté leur contrat. En effet, selon la note de conjoncture sur les finances locales de la Banque postale du 19 septembre 2018, la prévision d’évolution des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales, les APUL, est de 0, 9 % pour 2018. Il aurait donc été de bon ton que l’État respecte le sien. Ce qui est vrai en général – le maintien des dotations – est faux en particulier : en 2018, près de la moitié des communes ont vu leur DGF diminuer et les deux tiers ont été touchées par une baisse de leur dotation forfaitaire.

En effet, afin de respecter les plafonds fixés par l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 en ce qui concerne la trajectoire des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, toute hausse doit être gagée par le biais des variables d’ajustement. Ainsi, en 2019, les variables d’ajustement sont minorées à hauteur de 144 millions d’euros.

Selon le Gouvernement, « les variables d’ajustement relatives à chaque catégorie de collectivités doivent neutraliser les hausses de crédits gagées qui lui bénéficient » ; dit autrement, cela revient à donner d’une main pour reprendre de l’autre, ou encore à financer de la péréquation verticale par de la péréquation horizontale. Cette année, cette logique n’est pas parfaitement respectée, puisque le bloc communal viendra financer à hauteur de 34 millions d’euros l’augmentation des ressources des départements.

La loi de finances pour 2018 avait élargi l’assiette des variables d’ajustement à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. En avril 2018, une instruction fiscale de Bercy venait geler l’application de cette disposition pour les EPCI, au regard de sa très forte concentration. Les mêmes effets se sont fait sentir lors de la ventilation de la minoration sur les communes, conduisant même quatre maires des Hauts-de-Seine à attaquer en justice l’arrêté préfectoral de notification. L’article 23 du présent projet de loi de finances vient annuler les dispositions de la loi de finances initiale pour 2018. Mais, monsieur le secrétaire d’État, en 2019, les mêmes causes produiront les mêmes effets : dès lors, pourquoi donc inscrire à nouveau une minoration de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, la DCRTP ?

Si, côté recettes, le compte y est – au moins en apparence –, côté dépenses, la situation est déséquilibrée.

Au-delà de la croissance des charges de personnel avec la réactivation du protocole sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations, le PPCR, les dépenses des collectivités locales seront fortement majorées du fait de la hausse de la fiscalité environnementale. Je rappellerai simplement que le parc automobile des collectivités territoriales est composé à hauteur de 75 % par des véhicules diesel. Je citerai également l’augmentation des tarifs de la composante « déchets » de la TGAP entre 2021 et 2025. Bien évidemment, les apporteurs de déchets doivent être incités à privilégier les opérations de recyclage. Cependant, comme 30 % des déchets des ménages ne sont aujourd’hui pas recyclables, malgré l’application du taux de TVA de 5, 5 % prévue à l’article 59 du projet de loi de finances, le surcoût pour les collectivités est estimé, au bas mot, à 431 millions d’euros pour la période 2021-2025, voire à 1 milliard d’euros si l’on en croit les simulations de l’association AMORCE. Enfin, la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, sur le gazole non routier, le GNR, va pénaliser à hauteur de 500 millions d’euros le secteur des travaux publics ; il ne vous aura pas échappé que ce surcoût sera très certainement refacturé aux clients. Or les donneurs d’ordres en matière de travaux publics sont à hauteur de 65 % les collectivités territoriales, soit une hausse potentielle de leur facture de 325 millions d’euros.

Alors que les maires de France sont réunis à quelques encablures de cet hémicycle, je crains que le projet de loi de finances pour 2019 ne vienne conforter la conclusion de l’Observatoire de la démocratie de proximité AMF-CEVIPOF : « la recentralisation ressentie de l’action communale ne se traduit pas par le transfert de compétences communales à l’État central, mais résulte plutôt des contraintes budgétaires installées dans la durée ».

Un sondage du CEVIPOF vient de nous apprendre qu’un maire sur deux dit aujourd’hui ne pas vouloir se représenter à l’issue de son mandat. Monsieur le secrétaire d’État, il est temps que le Président de la République et le Gouvernement passent des mots aux actes.

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