Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 22 novembre 2018 à 15h00
Loi de finances pour 2019 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Olivier Dussopt :

Nous pensons au contraire que c’est une mesure utile, permettant à la fois de simplifier le travail des entreprises et, en 2019, de les faire bénéficier d’une trésorerie importante, ce qui, nous l’espérons, favorisera l’investissement.

Par ailleurs, nous continuons à valoriser le travail, avec l’exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires à compter de l’automne prochain et la suppression du forfait social à la fois sur l’intéressement et la participation, selon la taille des entreprises.

Ces mesures sont financées par des économies substantielles, comme le gel du point d’indice dans la fonction publique, qui représente une économie de 1, 8 milliard d’euros, la revalorisation maîtrisée de différentes prestations sociales ou encore la limitation à 2, 5 % de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, même si ce taux est l’un des plus élevés de ces dix dernières années.

Au total, au travers de ce projet de loi de finances, ce sont plus de 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat que nous rendons aux ménages, avec, il est vrai, 3 milliards d’euros de fiscalité supplémentaire, dont une partie est liée à la fiscalité écologique – j’y reviendrai dans un instant –, mais surtout 9 milliards d’euros d’allégements, dont 4 milliards d’euros au titre des cotisations salariales et 3, 8 milliards d’euros au titre de la taxe d’habitation.

M. le président Retailleau s’est inquiété d’une supposée absence de résultats de cette politique. Nous considérons au contraire qu’elle porte ses fruits, avec un déficit public inférieur à 3 % du PIB dès 2017, pour la première fois depuis onze ans, qui le sera encore en 2018 et en 2019, même si nous prévoyons un ressaut tout à fait conjoncturel, du fait de la transformation du CICE en allégement de charges : le déficit sera de 1, 9 % en 2019, auquel il faut ajouter 0, 9 point de PIB correspondant à la conjonction, cette année-là, du versement du CICE au titre de 2018 et de l’allégement de charges.

La dépense publique est très nettement ralentie, avec une stabilisation totale en volume pour 2018. Plus largement, la confiance est retrouvée, notamment parmi les acteurs économiques, puisque le dernier baromètre Ernst & Young sur l’attractivité de la France indique que 77 % des investisseurs, étrangers notamment, déclarent avoir confiance en l’avenir de l’industrie dans notre pays.

Pour ce qui concerne le chômage, il a reculé de près de 1 point depuis 2016 et de 2, 6 points en un an pour les plus jeunes. Ces premiers résultats sont-ils suffisants ? Non ; nous ne nous y arrêtons pas, et nous nous employons au contraire à approfondir et à accélérer notre action, avec les objectifs ambitieux à l’horizon 2022 en matière de comptes publics qui ont été arrêtés en loi de programmation : 5 points de moins de dette publique, 3 points de moins de dépense publique, 2 points de moins de déficit et 1 point de moins de prélèvements obligatoires.

L’État prend toute sa part à cette trajectoire, contrairement à ce que certains d’entre vous ont pu affirmer. Les dépenses de l’État pour la norme pilotable baisseront de 0, 5 % en volume en 2019, soit une augmentation en valeur de 0, 8 %. Il faut rapporter ces chiffres à la hausse de 2, 3 % des dépenses locales, investissement et fonctionnement compris, ou à celle de 2, 5 % des dépenses d’assurance maladie.

En matière de fiscalité écologique, je ne peux que rappeler que le caractère écologique de la hausse de la TICPE et de la trajectoire carbone, qui a été votée, on l’oublie parfois, au cours du mandat précédent, ne tient pas à son affectation. D’ailleurs, ce n’est pas à une assemblée parlementaire que j’apprendrai que le principe d’universalité budgétaire interdit la généralisation des affectations de ressources. Sinon, nous aurions non plus une loi de finances, mais un simple empilement de comptes d’affectation spéciale.

Le principe de la fiscalité comportementale que nous mettons en œuvre est de décourager la consommation de produits nocifs pour notre santé ou notre environnement, et non pas de financer des dépenses nouvelles. Telle est la philosophie qui est la nôtre en matière de fiscalité écologique.

Le Premier ministre a annoncé récemment de nouvelles mesures d’accompagnement, qui amplifient un effort déjà considérable consenti au travers du projet de loi de finances pour 2019. Je le souligne, le budget du ministère de la transition écologique et solidaire est en hausse de 3, 1 %, soit de plus de 1 milliard d’euros. Il atteint 34, 2 milliards d’euros, chiffre à rapprocher du produit de la fiscalité écologique et environnementale.

Cela nous permet de dégager des crédits en faveur des bonus électriques et de la prime à la conversion, qui sont augmentés de 57 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Le Gouvernement a tenu compte du succès massif de cette prime à la conversion, dont 70 % des bénéficiaires sont des ménages non imposables.

De même, le chèque énergie sera porté de 150 euros en moyenne à 200 euros par an, ce qui représente un engagement budgétaire de 740 millions d’euros, contre 560 millions d’euros en 2018.

Je m’arrêterai un instant sur un point particulier en matière de fiscalité écologique, pour couper court aux mauvais procès sur les annulations de crédits de fin d’année, notamment sur les ajustements réalisés en projet de loi de finances rectificative sur le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ». Nous avons tout simplement retenu les dernières estimations de charges des services publics de l’énergie établies par la Commission de régulation de l’énergie, la CRE. Le calcul a été effectué au mois de juillet dernier, à partir du prix de l’énergie notamment, et à la suite d’un conseil d’administration tenu le 18 juillet 2018. Les dépenses du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » sont des dépenses obligatoires, et non pas discrétionnaires, liées aux contrats de production d’énergie renouvelable. Ces dépenses se révélant moins élevées que prévu, l’État ne surcompensera pas les opérateurs en 2018, car ce serait inutile et illégitime.

Les crédits de la mission « Outre-mer » connaissent une hausse sans précédent de plus de 20 %, pour s’établir à 2, 4 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019. À la suite des assises des outre-mer, la ministre des outre-mer a en effet pris, monsieur Lurel, des décisions courageuses au bénéfice direct des territoires ultramarins : la suppression de la TVA-NPR, dont toutes les évaluations ont montré qu’il s’agissait d’un dispositif obsolète et inefficace, comme la révision de l’abattement de l’impôt sur le revenu pour les 4 % de ménages les mieux rémunérés. Nous aurons l’occasion de revenir sur chacune de ces dispositions en présence de la ministre. Je tiens à souligner que ces économies ont été entièrement réallouées au budget des outre-mer, avec des aides directes à l’investissement et au développement économique, pour plus de 170 millions d’euros.

Je remercie les différents intervenants qui ont bien voulu souligner que, d’une manière globale, les concours de l’État aux collectivités territoriales étaient stabilisés. Ils s’élevaient à 47, 8 milliards d’euros en 2017, à 48, 1 milliards d’euros en 2018 et ils sont fixés à 48, 2 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019.

Si, en dépit du maintien de la DGF à un même niveau, le montant perçu par de nombreuses communes a évolué, cela tient au fait que la répartition de la DGF est liée à un critère démographique, l’augmentation ou la diminution de la population pouvant entraîner une variation de la dotation forfaitaire, et à des mécanismes propres à la DGF : le premier relève de l’écrêtement de la dotation forfaitaire pour financer des emplois internes, notamment en matière d’augmentation de la péréquation verticale ; le second tient au fait que la DGF est aussi allouée aux communes, notamment pour ses parts péréquées – la DSU, la DSR et, souvent, la DSR « cible » –, selon leur potentiel financier agrégé. Le potentiel financier agrégé tient compte d’indicateurs socio-économiques propres à la commune, mais aussi à l’intercommunalité d’appartenance. La modification importante de la carte intercommunale intervenue au 1er janvier 2017 a, d’une manière automatique, entraîné une variation forte du potentiel financier agrégé des nombreuses communes dont l’intercommunalité d’appartenance a évolué. Cela explique que, alors que, en 2017, dernière année de baisse de dotations, la DGF avait été versée sur la base du potentiel financier agrégé de 2016 pour sa part péréquée, elle l’a été en 2018, toujours pour sa part péréquée, sur la base du potentiel financier agrégé du dernier exercice connu, soit 2017, après la modification de la carte intercommunale.

À critères constants, l’année 2019 s’annonce sous de meilleurs auspices, pour une raison très simple : la carte intercommunale a extrêmement peu bougé au 1er janvier 2018. Ainsi, le potentiel financier agrégé de référence de 2018 est logiquement très peu différent de celui de 2017, hors évolutions liées à l’amélioration ou à la dégradation de la situation économique et sociale de telle ou telle collectivité ; cela me semble être de nature à rassurer certains d’entre vous.

Vous avez évoqué, madame Lavarde, la question des variables d’ajustement. Le fait que, bien souvent, dans nos débats, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, nous nous concentrions davantage sur la question des variables d’ajustement et de leur répartition que sur celle des dotations forfaitaires et, plus important, des dotations versées est le symptôme que le système de financement des collectivités territoriales est arrivé à bout de souffle.

Dans la loi de finances initiale pour 2017, les variables d’ajustement s’élevaient à 923 millions d’euros. En 2018, elles s’établissaient à 323 millions d’euros, dont ont été retranchés, par décision de gestion, environ 120 millions d’euros au titre de la DCRTP des intercommunalités, que Gérald Darmanin et moi-même avons décidé de ne pas minorer après l’adoption du projet de loi de finances pour 2018. Nous sommes aujourd’hui à 144 millions d’euros. Ces trois chiffres témoignent de l’effort réalisé par le Gouvernement afin de minorer les variables d’ajustement à répartir et d’éviter ainsi que les collectivités éprouvent un sentiment d’injustice quand leurs dotations baissent du simple fait des variables d’ajustement. Le Président de la République a dit hier, devant les maires réunis à l’Élysée, qu’il était favorable à un débat sur les modalités de répartition, tout en soulignant combien il était difficile d’aboutir à une solution qui satisferait tout le monde, sachant que l’enveloppe est normée et que les marges de manœuvre budgétaires sont relativement contraintes. Il a aussi indiqué, monsieur Delcros, à propos de la fiscalité locale, qu’un projet de loi de finances rectificative serait soumis au Parlement au printemps 2019. Le Premier ministre a précisé voilà un instant devant le Congrès des maires que ce texte serait présenté à la mi-avril en conseil des ministres. Nous avons pour objectif de tenir l’engagement pris par le Président de la République l’année dernière à la même période : assurer aux collectivités territoriales une compensation intégrale, une ressource qui soit pérenne, juste et durable. Nous aurons à travailler, dans les prochaines semaines, sur de nouvelles modalités de répartition du fruit des impôts locaux. Nous devrons préciser ce qui doit être compensé parce que supprimé et ce qui ne sera pas compensé parce que non supprimé. Nous avons d’ores et déjà indiqué la volonté du Gouvernement de ne pas supprimer la taxe d’habitation pour les résidences secondaires ni les outils à la main des élus locaux, en matière notamment de lutte contre la vacance des logements ou une exploitation commerciale particulière des locaux d’habitation, comme on peut en constater en zones touristiques, notamment à Paris.

Cela nous permettra d’ouvrir un débat sur la manière dont les collectivités territoriales et l’État pourront continuer à percevoir un certain nombre de taxes ou d’impôts : je pense à la contribution pour le financement de l’audiovisuel public, à la taxe ou redevance d’enlèvement des ordures ménagères ou encore à la taxe spécifique et facultative mise en place au titre de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations.

Dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative spécifique, nous pourrons ainsi arrêter le modèle de financement des collectivités territoriales et la répartition des impôts locaux restants après 2021 et la phase d’extinction de la taxe d’habitation. Dans cette attente, nous continuerons à assurer une compensation aux communes, grâce à la technique du dégrèvement, qui est la plus protectrice : les maires dont les communes perçoivent la taxe d’habitation par douzièmes ont pu constater que ce système avait intégré le dynamisme des bases et un certain nombre de revalorisations.

J’en suis conscient, mes réponses aux différents orateurs restent parcellaires, mais l’examen des articles nous permettra d’approfondir ces questions.

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