Intervention de Patrice Joly

Réunion du 22 novembre 2018 à 15h00
Loi de finances pour 2019 — Article 37 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Patrice JolyPatrice Joly :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons maintenant le montant de la contribution de la France au budget européen pour 2019.

Ce débat s’inscrit dans le strict cadre financier de l’Union européenne pour les années 2014 à 2020, mais l’exercice n’en est pas moins important. Il répond, en effet, à une exigence de transparence et de démocratie.

Pour 2019, le montant du prélèvement sur recettes est estimé à 21, 5 milliards d’euros, contre 19, 9 milliards d’euros inscrits en loi de finances pour 2018. Si l’on y ajoute 1, 7 milliard d’euros de droits de douane, la contribution totale de la France s’élève à 23, 2 milliards d’euros.

Pour la seconde année consécutive, le montant du prélèvement européen est en hausse. Il atteint même un niveau inégalé depuis 2014. Les causes de cette hausse sont bien connues. Elles tiennent essentiellement à un effet de rattrapage de la consommation des crédits européens, en particulier de ceux dédiés à la politique de cohésion et au développement rural.

Mes chers collègues, réjouissons-nous de cette augmentation, qui devrait profiter à nos territoires. À ce propos, je vous rappelle qu’en 2017 la France était, en volume, le troisième contributeur net au budget européen, mais surtout le premier bénéficiaire net en volume. Ainsi, en 2017, 13, 5 milliards d’euros du budget européen ont été dépensés en France, principalement au titre de la politique agricole commune, la PAC.

Toutefois, l’examen du montant du prélèvement inspire deux inquiétudes.

La première a trait à la volatilité du prélèvement sur recettes et à son impact sur les finances publiques. L’évaluation inscrite dans le projet de loi de finances est, en réalité, bien fragile. Elle dépend des prévisions de l’Union européenne, des éventuels budgets rectificatifs et des corrections apportées aux exercices antérieurs. L’année 2017 nous a montré à quel point cette évaluation était difficile à établir : l’écart entre la prévision et la réalisation a dépassé les 2, 3 milliards d’euros. Il semble que nos partenaires européens se heurtent aux mêmes difficultés que nous pour évaluer le montant de leur contribution.

La seconde inquiétude est suscitée par les difficultés rencontrées, ces dernières années, pour le versement des primes de la PAC aux agriculteurs et par le retard du décaissement des crédits européens pour le développement rural. Ces problèmes sont particulièrement criants pour certains programmes, comme le programme LEADER : sur 700 millions d’euros prévus pour la période 2014-2020, 10 millions d’euros seulement ont été effectivement payés à ce jour.

Si un important volume de dépenses européennes profite à la France, ce sont les territoires les plus fragiles qui peinent le plus à en bénéficier. Ces retards contribuent à l’augmentation du « reste à liquider », qui devrait d’ailleurs atteindre le niveau record de 300 milliards d’euros en 2020, soit près de deux fois le budget annuel de l’Union européenne ; on mesure l’impact négatif de ces retards sur les dynamiques économiques des territoires qui doivent être accompagnés dans leur développement. Madame la ministre, cette situation est incompréhensible pour nos concitoyens. Il est urgent d’y remédier !

J’en viens au budget de l’Union européenne pour 2019.

Lundi dernier, les négociations entre le Conseil et le Parlement européens ont échoué, de façon inattendue, en raison d’un blocage quant à l’utilisation des crédits du programme de recherche « Horizon 2020 », qui représentent 400 millions d’euros, sur un total de 160 milliards d’euros : cela en dit long sur l’engagement européen de certains…

La Commission européenne doit désormais proposer un nouveau projet de budget. Au-delà du budget européen pour 2019, c’est évidemment le prochain cadre financier pluriannuel qui définira l’évolution de la contribution de la France.

Dans le contexte actuel de désordre mondial, marqué par une guerre commerciale qui s’aiguise, la multiplication des conflits, l’importance des flux migratoires et l’accompagnement des nécessaires transitions, notamment la transition écologique, l’Europe se doit d’être à la hauteur des enjeux. De plus, les peuples européens sont aujourd’hui désabusés, désorientés, parfois désespérés : en témoigne, en ce moment, le mouvement des « gilets jaunes ». Le sentiment d’abandon qu’éprouvent les peuples européens se traduit, sur le plan politique, par la montée des populismes, le Brexit et la conduite, par certains États, de stratégies individuelles ou de repli sur soi.

Les risques sont donc devant nous. Le cadre financier pluriannuel doit traduire des orientations politiques fortes. Or, mis à part les discours que le Président de la République adresse à nos partenaires européens, les traductions politiques sont inexistantes à l’échelle nationale. Cette situation ne facilite pas la compréhension, le partage et l’acceptation des politiques européennes par les peuples, notamment le nôtre.

À plusieurs reprises, j’ai appelé à faire preuve de plus d’ambition dans la définition du plafond de dépenses de l’Union européenne. J’espère que les élections européennes permettront d’avoir un véritable débat sur l’avenir de l’Europe. En attendant, je me réjouis que le Parlement européen se soit, de nouveau, exprimé en faveur d’un cadre financier pluriannuel s’élevant à 1, 3 % du revenu brut de l’Union européenne. Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que la France ne s’opposera pas à une légère augmentation de sa contribution à l’avenir ?

La commission des finances s’est également penchée sur la question des investissements, notamment portuaires, qui devront être réalisés en France à la suite du Brexit. Ces investissements seront-ils financés uniquement par la France ? Pouvez-vous nous apporter des précisions à cet égard ?

En conclusion, au-delà des observations formulées et sur la base d’une approche strictement budgétaire et comptable, je recommande, au nom de la commission des finances, l’adoption sans modification de l’article 37 du projet de loi de finances pour 2019.

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