En 2019, les dotations allouées aux entreprises de l'audiovisuel public, à hauteur de 3,78 milliards d'euros, diminueront de 1% par rapport à 2018. Cette baisse est la conséquence des décisions du Gouvernement : d'une part, la fin de l'affectation à France Télévisions d'une part du produit la taxe sur les opérateurs de communications électroniques entraînant une perte de recettes de 85,5 millions d'euros, et, d'autre part, la dérogation à l'augmentation mécanique du taux de la contribution à l'audiovisuel public au rythme de l'inflation, de l'ordre de 1%, soit un manque à gagner estimé pour un euro par foyer assujetti, à un montant total de 27,9 millions d'euros et, enfin, le fait de sursoir à toute décision concernant la réforme de l'assiette de cette contribution.
Dans notre avis sur les crédits de l'audiovisuel extérieur dans le PLF 2018, nous avions déploré la progression limitée des crédits de France Médias Monde, inférieurs de 2 millions d'euros à la prévision attendue figurant dans son contrat d'objectifs et de moyens et la diminution de la contribution française à TV5 Monde, de l'ordre d'un million d'euros, très en-deçà des besoins exprimés par son plan stratégique.
Cette situation inquiétante s'assombrit dans le PLF 2019 : France Médias Monde voit ses crédits diminuer de 1,2% pour atteindre 256,2 millions d'euros, soit une baisse de 1,6 million d'euros, et les crédits de TV5 Monde enregistrent une baisse de 1,6%, pour atteindre 76,2 millions d'euros, soit une baisse de 1,2 million d'euros. Force est donc de constater le décalage croissant entre les recettes affectées et les prévisions du contrat d'objectifs et de moyens et du plan stratégique, qui s'élève jusqu'à sept millions d'euros pour France Médias Monde, signé ou approuvé en 2017 et devant courir jusqu'en 2020.
Si l'on peut comprendre le souhait d'une réduction de l'empreinte du secteur public et la recherche d'économies dans la perspective d'une réforme de l'audiovisuel public, cette situation est d'autant plus étrange que ces entreprises ne semblaient guère jusqu'à présent, impactées par la réforme du secteur audiovisuel en préparation si l'on en croît les documents de réflexion publié mis à notre disposition.
A contrario - je tiens à votre disposition la réponse du ministre au questionnaire budgétaire-, leur contribution à l'influence de la France et de la langue française dans le monde semblait reconnue et leur développement attendu au plus haut niveau de l'État, au moment où s'engage dans le monde, sur les ondes et dans l'espace numérique, une lutte d'influence très active en mesure de conduire à des actions de désinformation et de déstabilisation.
Les États puissances réalisent un effort considérable de développement de leurs médias afin de renforcer leur influence. Nombre d'États à tendance autoritaire contrôlent ou limitent la liberté d'information sur leur territoire. Les groupes terroristes eux-mêmes développent une propagande efficace sur l'internet et les réseaux sociaux.
Il est essentiel que la France puisse être présente avec des médias porteurs de ses valeurs démocratiques et d'une éthique de l'information honnête, respectueuse de la vérité des faits et de la liberté d'expression des opinions et qu'elle consacre des moyens importants à la politique audiovisuelle extérieure. La France ne doit pas laisser pas en jachère des territoires où elle s'engage par ailleurs, parfois même au prix de la vie de ses soldats. Or, paradoxalement, les moyens de la politique audiovisuelle extérieure diminuent.
Nous allons maintenant vous donner quelques éléments d'informations sur les deux opérateurs FMM et TV5 Monde étant entendu que désormais dépourvus des ressources attendues, et obligés de réduire leurs ambitions, ils sont actuellement dans une situation de réflexion sur la manière de réaliser des économies en altérant le moins possible le contenu de leurs programmes et leurs capacités de diffusion.
La couverture de France Médias Monde atteint 356 millions de foyers. L'audience de ces différents médias - France 24, RFI et MCD - atteint 107,7 millions de personnes par semaine, pour plus de la moitié en Afrique francophone et pour un peu plus du quart en Afrique du Nord-Moyen-Orient. S'agissant des environnements numériques, ils enregistrent 42,7 millions de visites mensuelles.
France Médias Monde a conclu avec l'État un contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 dont les principaux axes sont l'enrichissement des grilles de programme avec l'ouverture d'un service en espagnol en septembre 2017 qui connaît un vif succès et représente un coût en année pleine de 7,3 millions d'euros, l'adaptation aux évolutions des modes de diffusion, comme la TNT en Afrique, HD et numérique. Pour financer ces priorités dans un cadre financier durablement équilibré, la société devait bénéficier d'une augmentation de sa dotation publique de 3,3 millions d'euros en 2019 et elle s'est engagée à maîtriser l'évolution de ses charges. En 2017, l'État a tenu ses engagements et FMM a pu consolider son offre éditoriale et lancer France 24 en espagnol.
En revanche, en 2018, l'allocation d'une dotation de 2 millions d'euros inférieure au montant prévu, a obligé l'entreprise à opérer des licenciements dès la fin de 2017, au prix d'un déficit de 1,5 million d'euros et à réaliser de nouvelles économies en gestion, y compris en allégeant ses programmes et en renonçant à certaines diffusions notamment aux États-Unis, à New York et à Los Angeles.
L'exercice 2019 est, dès lors, une équation insolvable. L'impasse budgétaire est de 4,9 millions d'euros. Avec des possibilités d'économies de gestion épuisées et des ressources propres faibles et peu élastiques, c'est bien le coeur de métier, les programmes et la diffusion, qui seront mis à contribution avec des conséquences importantes pour l'emploi - 70% des coûts de la grille sont des coûts de personnel -, pour l'audience et la notoriété. Rendons hommage au travail de ces personnels qui ne comptent pas leurs heures et assument leurs missions avec un zèle extraordinaire. La société évalue actuellement les différentes hypothèses de repli thématiques et géographiques, attendant des orientations des ministères concernés qui ont engagés une concertation, après avoir décidé la diminution des moyens.
La logique comptable est devenue l'axe principal de la stratégie audiovisuelle extérieure de la France et nous le déplorons.