Intervention de Raymond Vall

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 28 novembre 2018 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « avances à l'audiovisuel public » - programmes 844 « france médias monde » et 847 « tv5 monde » - examen du rapport pour avis

Photo de Raymond VallRaymond Vall, rapporteur des crédits du programme 847 - TV5 Monde - de la mission « avances à l'audiovisuel public » :

TV5 Monde est confrontée à la même réalité avec 1,2 million d'euros de moins qu'en 2018, année qui avait déjà connu une diminution d'un million d'euros. À travers ses neuf déclinaisons généralistes régionalisées, sous titrées dans quatorze langues, et deux programmes thématiques, TV5 Monde est le principal outil télévisuel de rayonnement de la France et de la francophonie. Les programmes sont disponibles dans 370 millions de foyers, soit une progression de 4%, avec une audience de 41,9 millions de personnes chaque semaine et 45,6 millions de visites mensuelles pour ses activités numériques.

Son plan stratégique pour 2017-2020 est ambitieux. Il prévoit la transformation numérique de l'entreprise. Cette mutation doit par ailleurs soutenir ses priorités géostratégiques en première ligne desquelles se trouve l'Afrique, premier territoire de développement de la francophonie, où la concurrence se renforce chaque jour davantage. Pour ce faire, TV5 Monde doit obtenir d'être largement diffusée en TNT, et pour cela jouer son rôle de chaîne panafricaine, par des investissements accrus en programmes, en marketing, et potentiellement en sous-titrage dans les langues locales.

TV5 Monde doit aussi respecter ses missions de distribution la plus large possible y compris en HD. Afin d'accroître son accessibilité en dehors des seuls publics francophones, le renforcement de sa politique de sous-titrage est également un impératif. Le besoin de financement sur quatre ans était évalué à quarante millions d'euros mais les États membres - France, Canada, Belgique et Suisse - ont adopté une position ambiguë d'approbation du plan, sans s'engager sur son financement.

La position française de réduction de sa participation financière pour la deuxième année consécutive oblige la société tout en maintenant les priorités affichées et en s'efforçant d'absorber les glissements inéluctables par des économies sur le fonctionnement courant, à réduire les charges de programmes et de diffusion. La prévision de budget intègre, outre une diminution des coûts techniques dans le numérique, une baisse de 0,8 millions d'euros de la contribution de TV5 Monde au Centre international des radio-télévision d'expression francophone (CIRTEF), qui soutient la production de programmes en Afrique, et le retrait de sa diffusion traditionnelle câble et satellite au Royaume-Uni - 13 millions de foyers - et en Irlande - 800.000 foyers - avec le lancement d'une expérimentation de distribution exclusive en télévision connectée (OTT).

Compte tenu de l'absence de marges de manoeuvre suffisantes sur le fonctionnement courant des entreprises, trois démarches sont possibles : soit la navigation à vue en coupant dans l'éditorial et la diffusion en fonction des échéances des contrats et en attendant des jours meilleurs ; situation inextricable à laquelle sont contraints les dirigeants des opérateurs auxquels on demande de réaliser des objectifs dont on connaît les coûts financiers d'un côté, en les privant des ressources nécessaires de l'autre. C'est l'échouage garanti.

Soit la révision de la stratégie définie en 2017, qui représente le choix amorcé mais non encore pleinement assumé. Ainsi, une réflexion associant les ministères concernés afin d'identifier ses enjeux et priorités stratégiques est engagée. « Au regard des objectifs de la politique d'influence française et du contexte d'effort de consolidation budgétaire, l'activité des opérateurs de l'audiovisuel extérieur doit ainsi faire l'objet d'une réflexion quant à ses priorités géographiques et thématiques ». Cette démarche est effectivement nécessaire, mais nous estimons que la réflexion menée il y a deux ans lors de la négociation des documents stratégiques conserve toute sa pertinence. Si le contexte international a évolué, cela devrait mettre en relief l'exacerbation de la concurrence d'autres puissances et le besoin d'un renforcement de notre présence. Il ne s'agit pas d'une question de stratégie mais de volonté politique et de priorité qui engage l'intérêt national et notre politique étrangère. Au moment où la France fixe dans la LPM 2019-2025 comme priorité la prévention des conflits et où elle s'apprête à faire un effort considérable en matière d'aide publique au développement, l'action audiovisuelle extérieure reste plus qu'un utile complément, un outil au service de ces politiques qu'il conviendrait, à l'instar des Britanniques et d'autres États, de reconnaître et de conforter. Nous craignons que la révision stratégique ne soit que l'utile paravent d'un repli selon la seule logique budgétaire.

Troisième démarche, raisonnable, enfin : maintenir les engagements de l'État. Pour ce faire, deux voies sont envisageables : une première solution consisterait - à l'instar de ce que nous avions proposé en 2017, avec le rapporteur de la Commission des finances - à modifier la répartition des dotations entre les différents affectataires du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public », afin d'affirmer la priorité qu'attache votre Commission à l'action audiovisuelle extérieure. Le montant des transferts entre programmes serait limité au rétablissement des crédits nécessaires de FMM. La diminution des crédits pour la ou les sociétés nationales de programmes serait ainsi modeste par rapport au montant de leurs dotations dans un contexte de réforme de l'audiovisuel public et de paysage audiovisuel domestique déjà bien pourvu. Nous vous proposerons un amendement en ce sens qui reprend pour partie de l'amendement proposé par la commission des finances concernant FMM. Le rapporteur de la commission de la culture a déposé un amendement dans le même sens.

Une seconde solution serait, comme le font les Britanniques et d'autres États - nous le faisions par le passé - d'affecter des ressources budgétaires aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure considérant qu'ils assurent une mission de service public sur la prévention des conflits, l'influence et l'aide au développement susceptible de les rendre éligibles à des crédits relevant du ministère des affaires étrangères. Une voie adjacente et indirecte consisterait à rendre éligible FMM aux crédits affectés aux dons projets distribués par l'Agence française de développement. Cela suppose toutefois la mise en place d'un protocole particulier et sans doute des modalités spécifiques d'examens. Si le directeur général de l'AFD, lors de son audition devant votre Commission, ne s'est pas montré fermé à cette perspective, cela supposera nécessairement un arbitrage politique et des délais de mise en oeuvre qui risquent d'être longs et de ne pas répondre au besoin urgent de financement de FMM en 2019. Dès lors, à titre personnel, puisque nous avons déjà examiné en commission les crédits de la mission « Aide publique au développement », nous proposons un amendement créant une ligne spécifique permettant d'aider France Médias Monde à financer des programmes qui portent sur des domaines prioritaires définis par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et qu'ils diffusent ou distribuent dans les pays éligibles.

Dès lors, et à titre personnel, sous réserve de l'adoption de ces amendements nous vous proposerions de donner un avis favorable à l'adoption du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public », à défaut et donc dans l'état actuel, nous proposons un avis défavorable.

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