Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 novembre 2018 à 18h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

L'année 2019 poursuit la transformation profonde des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle que j'ai engagée dès mon arrivée, en parallèle des ordonnances pour le renforcement du dialogue social. J'ai mené en 2018 des réformes structurantes avec des choix forts et assumés de réallocation de nos moyens, notamment en faveur des compétences dans notre pays.

Le premier chantier est la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui réforme les règles de gouvernance et de financement des politiques de la formation professionnelle et de l'apprentissage en replaçant l'individu au centre du jeu et dans une posture de décideur de son propre parcours, qui élargit la couverture de l'assurance chômage pour faciliter les transitions professionnelles, qui lutte contre la précarité, qui renforce le retour à l'emploi et qui pose les fondements d'une égalité salariale entre les femmes et les hommes et d'une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap.

Le deuxième chantier est le déploiement du Plan d'investissement dans les compétences (PIC). Cette année, 1,5 milliard ont déjà été engagés pour lancer une vingtaine de programmes servant deux objectifs : accompagner et former les personnes peu qualifiées en recherche d'emploi dans une logique d'acquisition des compétences attendues sur le marché du travail ; intensifier les effets de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel en accélérant par l'investissement et l'innovation la transformation du système de formation professionnelle.

Le troisième chantier est l'approche renouvelée de la politique d'inclusion dans l'emploi, fondée notamment sur la création des parcours emploi compétences et des moyens effectivement mis en oeuvre pour associer à la mise en emploi des ambitions d'accompagnement et de formation. La dimension territoriale du pilotage des outils de l'insertion a été renforcée, avec la création du Fonds d'inclusion pour l'emploi, qui a permis d'adapter l'allocation des moyens aux besoins régionaux.

Le quatrième chantier est le renforcement sans précédent du modèle inclusif des entreprises adaptées. C'est le sens de l'accord pluriannuel « Cap vers l'entreprise inclusive », qui résulte d'une concertation nourrie avec le secteur du handicap. L'objectif est de permettre à 40 000 personnes handicapées supplémentaires d'avoir accès à un emploi d'ici à 2022. Nous lançons aussi l'expérimentation des emplois dits « tremplins », visant à faciliter les passerelles vers le milieu ordinaire. Un plan de transformation de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a été annoncé voilà quelques semaines.

Le budget de la mission « Travail et emploi » est de 12,4 milliards en 2019. À périmètre constant, il y a certes une baisse de 2 milliards par rapport à 2018, mais elle est principalement liée à l'extinction des mesures dont j'ai pris acte à mon arrivée, en particulier l'aide ponctuelle à l'embauche dans les TPE et PME, et à un choix assumé de réduction en volume des contrats aidés pour en faire des parcours plus qualitatifs et tenir compte de la consommation réelle observée cette année.

Ce budget poursuit les efforts engagés en 2018 avec un objectif d'oeuvrer à l'inclusion dans l'emploi. Il est primordial que les personnes les plus vulnérables soient replacées au coeur des politiques d'inclusion, en cohérence avec l'objectif d'émancipation porté par la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présentée par le Président de la République le 13 septembre 2018.

Nous allons poursuivre la montée en puissance du PIC, avec un nouvel engagement de 3 milliards, financé pour moitié par des crédits budgétaires et pour moitié par la contribution, via France compétences, des entreprises, soit 1,5 milliard.

Les crédits du PIC seront mobilisés dans quatre directions : mettre en oeuvre des parcours de formation qui seront déployés dans le cadre des pactes régionaux pluriannuels d'investissement dans les compétences en cours de négociation entre l'État et les régions ou les collectivités compétentes sur la période 2019-2022, soit 1,6 milliard d'engagements provisionnés pour la seule année 2019 ; assurer un effort particulier pour certains publics accompagnés par la politique de l'emploi, et renforcer son articulation avec les enjeux de formation après 20 millions en 2018, 60 millions par an seront consacrés à partir de 2019 à la formation des bénéficiaires de l'insertion par l'activité économique ; consolider les mesures d'accompagnement des jeunes du Parcours contractualisé vers l'autonomie et l'emploi (Pacea) avec sa formule intensive, la Garantie jeunes pour 100 000 jeunes ; promouvoir les expérimentations portant des approches innovantes sur des problématiques ciblées telles que la remobilisation et le retour à l'emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville par l'appel à projets.

Il y a également un engagement important en direction des publics qui en ont le plus besoin, pour que 10 000 personnes de plus puissent accéder à l'insertion par l'activité économique dès 2019, avec une augmentation du budget de 50 millions.

L'année 2019 sera aussi celle du plein déploiement de la réforme des entreprises adaptées, avec un budget de 400 millions, en augmentation par rapport à 2018. Nous voulons que 10 000 personnes supplémentaires accèdent aux entreprises adaptées dès 2019, grâce aussi au financement de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (Agefiph), qui participera au suivi des expérimentations.

Ces efforts sont complétés par 100 000 nouveaux parcours emploi compétences (PEC), qui seront prescrits en 2019. À ces contrats s'ajoutent près de 30 000 contrats dédiés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap, dont le financement relève dorénavant entièrement de l'éducation nationale, avec un transfert de 124 millions.

L'expérimentation des emplois francs, lancée au 1er avril 2018, se poursuit en 2019 pour renforcer le soutien en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Après un démarrage progressif, nous constatons ces dernières semaines une augmentation des signatures.

Pour assurer la pleine cohérence de cette politique publique en faveur des personnes pour lesquelles le soutien de l'État est indispensable dans le retour à l'emploi et pour réfléchir aux moyens d'améliorer les solutions proposées, j'ai réuni ce matin l'ensemble des parties prenantes de l'inclusion : réseaux de l'insertion par l'activité économique (IAE), entreprises adaptées, collectif Alerte, ainsi que partenaires sociaux.

Nous avons pu partager le double pari de l'inclusion : celui de la personne en difficulté, qui peut retrouver le chemin de l'insertion et de l'emploi en construisant un projet par le triptyque emploi-accompagnement-formation, et celui des entreprises, pour les mobiliser toujours plus sur l'inclusion pour l'accueil, l'accompagnement et la formation.

C'est pour enclencher cette nouvelle dynamique que je viens de créer par décret le Conseil de l'inclusion dans l'emploi, présidé par Thibaut Guilluy. Ce sera une structure agile et resserrée, qui sera force de proposition et qui pourra nous aider à coconstruire des propositions pour changer d'échelle en matière d'inclusion.

Nous avons à coeur d'accompagner les actifs et les entreprises dans leurs phases de transition et dans leur montée en compétence, d'aider les restructurations sur les territoires, et de stimuler l'emploi et la compétitivité. C'est pourquoi le budget présenté porte en termes de coût du travail une simplification du paysage des exonérations, avec la bascule de certains allégements spécifiques vers le droit commun - les allégements de charges prévus en 2019 s'appliquent à plein dès le 1er janvier -, ainsi qu'un effort budgétaire de presque 4 milliards, soit un tiers de mon budget, pour soutenir l'emploi dans les services à la personne ou encore la création d'entreprises.

La mise en oeuvre et la réussite de ces orientations nécessitent de renforcer la performance, mais également la coordination des acteurs du service public de l'emploi. L'expérimentation d'un rapprochement entre les missions locales et Pôle emploi ne doit pas être un sujet tabou.

Dans cette perspective de recentrage des financements de l'État sur ses objectifs prioritaires, je poursuivrai le retrait de l'État de la subvention de fonctionnement des maisons de l'emploi, pour privilégier une approche par projet. Il s'agit là aussi de tirer les conséquences des choix retenus par les gouvernements successifs depuis dix ans. J'ai néanmoins entendu lors du débat à l'Assemblée nationale les craintes des élus sur la capacité pour les maisons de l'emploi de s'adapter dans ce délai. J'ai donc accepté de provisionner un budget de 5 millions cette année pour accompagner la transition.

Dans le cadre d'Action publique 2022, le ministère participera à l'objectif gouvernemental global de réduction des effectifs. La baisse sera de 233 emplois, soit un taux d'effort stable. L'effort s'inscrira plus largement dans le cadre d'une réflexion sur l'évolution du périmètre des missions et de l'organisation territoriale des services.

Le ministère relèvera le défi du numérique par le biais de la modernisation des systèmes d'information du ministère en appui des politiques de l'emploi.

Ce budget cohérent porte en synthèse deux grandes ambitions : intensifier l'effort d'inclusion et favoriser l'émancipation par l'emploi ; stimuler la création d'emplois, par la libération de l'alternance et un renforcement de l'effort en matière de baisse du coût du travail.

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