Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 novembre 2018 à 18h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre :

La subvention de l'État à Pôle Emploi diminue effectivement de 85 millions. Mais il convient de rappeler qu'un effort du même ordre est demandé à l'ensemble des opérateurs et qu'il doit être relativisé au regard des 5 milliards d'euros de son budget. En outre, la contribution de l'Unedic, assise sur une masse salariale dynamique, devrait parallèlement croître de 100 millions en 2019. Mêmement, après une réduction de 300 postes, les effectifs de Pôle Emploi seront diminués de 400 équivalents temps plein, soit un effort de 0,86 % sur un total de 46 000 postes. L'effort sera, en outre, absorbé par la dématérialisation de certaines tâches, qui permettra d'économiser des emplois au profit des missions d'accompagnement. Le climat social sera évoqué lors du prochain conseil d'administration, qui se tiendra préalablement à la signature, avant le 31 décembre, de la prochaine convention triennale.

Cap Emploi, qui aidait les chômeurs handicapés, a été intégré en 2018 à Pôle Emploi : son identité n'a pas pour autant été absorbée, tandis que les démarches des demandeurs d'emploi s'en sont trouvées simplifiées et les compétences de Pôle Emploi élargies. Il peut donc y avoir intégration sans fusion ! Certaines missions locales collaborent efficacement avec Pôle Emploi, d'autres moins. Notre objectif consiste à renforcer cette coopération, en partageant a minima les systèmes d'information pour un meilleur accès aux offres d'emploi. Certains élus souhaitent expérimenter l'intégration dans une structure unique ; nous leur en donnons la possibilité. Le financement des missions locales, assumé à 53 % par l'État, est porté à 356 millions en 2019 contre 360 millions en 2018. L'effort demandé paraît minime par rapport à celui imposé à d'autres dispositifs ! Leur rôle auprès des jeunes éloignés de l'emploi est effectivement essentiel. Le ministère lancera prochainement un appel à projet pour démarcher ceux que je nomme les invisibles. À cet égard, je vous indique que Patrick Toulmet, président de la Chambre des métiers et de l'artisanat de Bobigny, a été nommé délégué interministériel pour le développement de l'apprentissage dans les quartiers relevant de la politique de la ville, où ce type de formation est deux fois moins développé qu'ailleurs.

La loi du 5 septembre 2018 a confié aux régions, déjà en charge des lycées professionnels, la compétence relative à l'investissement dans les CFA, en lien étroit avec les branches professionnelles. Elle n'a, en revanche, pas levé les freins au développement de l'apprentissage dans les collectivités territoriales. Nous y travaillerons. En 2020, 250 millions seront consacrés aux CFA dans les territoires ruraux, mais, en 2019, la compétence de fonctionnement demeure dévolue aux régions.

Le dispositif « zéro chômeur de longue durée » sera expérimenté dans les dix territoires choisis jusqu'en 2020. Nous accompagnons, à hauteur de 17 000 euros par poste, sa montée en charge, avec 1 270 emplois équivalent temps plein en 2019 ; contre seulement 650 en 2018. L'évaluation qui en sera faite devra se pencher sur les externalités positives du dispositif pour les collectivités territoriales, dans la mesure où des dépenses actives remplacent des dépenses passives. Elle devra également envisager la frontière, ténue, entre l'activité des entreprises aidées et celle des petites entreprises du territoire concerné qui s'en trouveraient concurrencées.

J'assume la transformation des contrats aidés en parcours emploi compétences. Le dispositif initial n'affichait, en effet, qu'un taux de 27 % d'insertion professionnelle durable, soit un résultat décevant comparé à d'autres mesures. Notre approche est qualitative : la demande a certes diminué, mais, surtout, elle a changé au profit d'une meilleure formation, d'une véritable acquisition de compétences et du développement de projets professionnels. Pensez que 42 % des bénéficiaires sont des chômeurs de longue durée, 21 % des allocataires du revenu de solidarité active (RSA), 18 % des personnes handicapées et 13 % des habitants de quartiers prioritaires : l'objectif d'insertion est primordial ! Nous devons également investir dans d'autres dispositifs plus performants que les contrats aidés, comme les entreprises adaptées et les entreprises d'insertion par l'activité économique, qui s'adressent aux publics en grande difficulté avec des taux d'insertion compris entre 50 % et 75 %.

Depuis la décentralisation, l'AFPA se trouve dans une situation économique dégradée. Elle perd régulièrement les appels d'offre auxquels elle candidate en raison du prix élevé des prestations proposées et, parfois, de leur inadéquation aux besoins de formation. Elle a ainsi accusé une perte d'exploitation cumulée de 723 millions sur les cinq derniers exercices, dont plus de 70 millions en 2018, que l'État ne peut indéfiniment compenser. Dès lors, la nouvelle gouvernance de l'AFPA a proposé un plan de redressement et de développement : 1 500 postes seront supprimés sur un total de 8 000 et certains sites seront fermés. Pensez que, parfois, le nombre de formateurs est supérieur à celui des stagiaires ! Parallèlement, certains secteurs seront développés - je pense au programme Hope dédié aux réfugiés et confié à l'AFPA ou à la mise en service de centres de formation mobiles - et, à cet effet, 630 postes seront créés. Je suis convaincue que cette évolution se fera d'une façon socialement responsable.

Oui, il y a une gradation entre les établissements et les services d'aide par le travail, l'entreprise adaptée et l'emploi non subventionné, qu'il faut encore assouplir - dans les deux sens - avec pour objectif l'inclusion dans l'emploi ordinaire. L'accord du 12 juillet, très ambitieux, va doubler la capacité d'accueil dans les entreprises adaptées tout en accroissant la performance sociale : jusqu'à présent, les entreprises adaptées avaient intérêt à conserver les travailleurs capables d'occuper des emplois ordinaires, ce qui était absurde.

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ne change pas la règle des 6 % en matière d'obligation d'emploi de travailleurs handicapés. Le secteur privé est à 3,2 %, ce qui est encore loin du compte. Désormais, cette obligation sera calculée par entreprise et non plus par établissement, ce qui ouvrira 100 000 postes supplémentaires. Comme il y a 500 000 demandeurs d'emploi en situation de handicap, un tel appel d'air sera bienvenu. Autre modification : les entreprises pouvaient se décharger de l'obligation par la sous-traitance. Elles pourront toujours le faire, mais on comptera en somme et non plus en postes. Ce sera neutre financièrement mais plus responsabilisant pour les entreprises, qui devront afficher le nombre réel d'embauches en leur sein. L'insertion par l'activité économique concerne de plus en plus de personnes en situation de handicap, notamment psychique. Sur ce sujet comme sur d'autres, nous ne renonçons pas : nul n'est inemployable, il faut simplement un marchepied pour aider nos concitoyens les plus vulnérables.

L'accompagnement spécifique qui a été voté dans le PLFSS est un soutien renforcé, et la baisse générale du coût du travail doit renforcer l'effort vers les aidants. Ce secteur, qui a du mal à recruter, est l'un de ceux qui utilisent le plus les contrats extrêmement courts. Sur les contrats aidés, il y a une exigence qualitative, et la transformation du CICE en baisse de charges va apporter l'année prochaine 1,4 milliard d'euros au secteur associatif.

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