Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 novembre 2018 à 18h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre :

Je suis favorable à une gouvernance partagée avec les collectivités territoriales en cas de rapprochement des différentes structures du service public de l'emploi, car c'est au plus près du terrain qu'on trouve le mieux les solutions - ne fût-ce qu'au sein de comités d'orientations dotés de vraies prérogatives.

La loi a prévu 54 heures de découverte des métiers, chaque année, pour tous les jeunes de la quatrième à la première. Cela fait donc 2,5 millions de jeunes chaque année ! On n'a jamais fait cela. C'est aussi exaltant que nécessaire. Les régions travaillent avec les rectorats et l'idée est de commencer cette année par les secondes avant d'élargir à toutes les autres classes les années suivantes. Les modalités seront diverses, et iront du témoignage de chefs d'entreprises, d'artisans ou de jeunes apprentis passionnés par leur métier aux visites d'entreprises ou de « l'Usine extraordinaire » ou au speed dating. Certains métiers, dans l'industrie, ont changé du tout au tout ! Cet énorme travail mettra plusieurs années à porter ses fruits, mais tout le monde va s'y mettre et la découverte de métiers va entrer dans la culture.

Le développement de l'intérêt pour l'apprentissage est une bonne surprise. Les débats sur la loi, les travaux préparatoires du Sénat et de l'Assemblée nationale n'y sont pas étrangers. Les médias se sont aussi emparés du sujet, aussi, et, en un an, l'image de l'apprentissage a changé. De fait, c'est une voie de réussite où l'on peut exceller. Le Conseil national de l'industrie s'est engagé à créer plus de 40 000 places d'apprentis et l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, plus de 60 000. Il faut porter l'offre à hauteur de la demande ! Dès à présent, le ministre de l'Éducation nationale et moi- même avons demandé aux préfets et aux recteurs de mobiliser immédiatement les entreprises sur ce point.

Les 124 millions d'euros qui sont transférés de mon budget à celui du ministère de l'Éducation nationale correspondent, à l'euro près, aux 30 000 contrats aidés des assistants de vie scolaire. Le ministère de l'Éducation nationale va progressivement leur procurer des emplois permanents et mieux qualifiés. Dès cette année, 10 000 seront créés. C'est vital : pas d'entreprise inclusive sans école inclusive !

La revalorisation de l'image de certains métiers n'est pas tant un problème de budget que de mobilisation générale. L'industrie a détruit un million d'emplois en quinze ans, et tout le monde a arrêté d'y chercher des emplois. À présent, elle cherche désespérément des jeunes. C'est aussi pour cela qu'elle s'engage massivement sur l'apprentissage : on ne peut pas créer ex nihilo des soudeurs ou des techniciens supérieurs. À chaque fois qu'on valorise l'apprentissage, on contribue à restaurer la valeur travail et l'image de certains métiers. Certains ont changé, notamment dans l'industrie. La transition numérique et la transition écologique ont un fort impact sur le bâtiment et l'artisanat. Pour certains métiers, ce sont les conditions même de travail qui ont besoin d'être revalorisées. Je pense par exemple à l'aide à la personne, ou à l'hôtellerie-restauration. D'une manière générale, les jeunes ne connaissent pas les métiers. Souvent, ils ne connaissent que ceux de leurs parents - et, pour certains entre eux, leurs parents n'ont jamais travaillé, ce qui ne les aide pas à se représenter le travail !

Pour lutter contre la précarité, il existe des outils qui pourraient être développés, comme le CDI intérimaire, qui donne à l'employé la capacité à se projeter, à trouver un logement et disposer d'une autonomie tout en étant placé dans les entreprises, surtout de petite taille, qui n'ont pas de besoins permanents. Les groupements d'employeurs sont aussi une très bonne solution pour garantir à la fois de la flexibilité pour l'entreprise et la sécurité d'un CDI. Nous augmentons d'ailleurs les aides aux groupements d'employeurs.

Pour les outre-mer, l'État déploie 16,7 milliards de crédits de paiement en 2019, dont 777 millions sur les crédits de la mission « Travail et emploi ». Le PIC se focalise aussi sur les outre-mer, puisque 7,7 % des moyens régionaux, soit 500 millions, sont consacrés aux territoires ultramarins, qui représentent 3,3 % de la population nationale. J'étais il y a quelques jours à la Réunion et à Mayotte, et je connais les chiffres du chômage des jeunes. Cela demande des efforts à proportion des besoins. Avec la ministre des outre-mer, nous avons prévu dans le PIC un axe d'initiatives territoriales spécifique aux territoires d'outre-mer. Nous devons aussi y encourager la création d'emplois, notamment sur les territoires insulaires, sinon nos efforts de formation auront un impact limité. Les écoles de la deuxième chance et le service militaire adapté ont des effets très bénéfiques.

Je ne veux pas empiéter sur les prérogatives de la secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations. Nous avons une action forte sur ce sujet, puisque la loi sur l'avenir professionnel instaure des référents « ressources humaines » dans toutes les entreprises de plus de 250 salariés et dans les comités sociaux-économiques. Nous publions des guides pour aider les entreprises à sanctionner le harcèlement, et les inspecteurs du travail seront tous formés. Le 22 novembre, l'ensemble des partenaires sociaux, avec qui nous avions travaillé pendant trois mois, ont réagi positivement aux mesures, issues de la concertation, que nous avons prises en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Dans la loi sur l'avenir professionnel, nous avons prévu de fixer une obligation de résultat sur l'égalité salariale, dont nous avons annoncé jeudi dernier les modalités d'application. Les partenaires sociaux ont tous fait des propositions extrêmement approfondies.

Les demandeurs d'emploi de longue durée seniors sont évidemment un public-cible pour le PIC, pour les parcours emploi compétence et pour l'ensemble de nos dispositifs. Au cours des derniers trimestres, nous avons enregistré une légère baisse du chômage des jeunes et des seniors - mais on vient de loin. De plus, le nombre de CDI a crû de 14 %. Si les entreprises ne cherchent que des hommes entre 28 et 38 ans, ayant les mêmes diplômes et les mêmes qualifications, avec dix ans d'expérience, n'ayant jamais été au chômage et qui habitent dans les beaux quartiers, elles ne trouveront pas ! Mais beaucoup d'autres Français veulent travailler, heureusement.

Je parlais ce matin des frontaliers avec le président de la région Grand-Est. C'est un sujet compliqué : on les qualifie et ils partent travailler en Suisse ou au Luxembourg... Du coup, nos régions frontalières manquent de main-d'oeuvre. Ce sont aussi des discussions que nous avons en bilatéral avec nos voisins. J'ai par exemple obtenu du Luxembourg qu'il prenne en charge l'assurance chômage des Français travaillent sur son territoire.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 55.

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