Cela fait déjà deux, voire trois mois, à peu près, que nous nous affrontons, le Gouvernement ayant présenté sans discussion aucune et de manière fort unilatérale une mesure qui consiste, au nom de la lutte contre les inégalités, à faire passer le plafond d’abattement de 5 100 à 2 450 euros en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion et de 6 700 à 4 050 euros en Guyane et à Mayotte. Une telle disposition serait d’ailleurs, aux dires de ses défenseurs, tirée d’un rapport que j’avais commis il y a quelques années, destiné à construire une vision du développement des outre-mer.
Sous la précédente législature, avec l’ancien gouvernement, nous avions mis au point une notion, celle de convergence ; le gouvernement actuel y ajoute celle de « transformation ». Dans la loi Égalité réelle outre-mer figurait en effet la recommandation suivante : compte tenu du déficit d’intervention publique dans les outre-mer, l’État devrait d’abord faire des efforts, pendant au moins deux plans quinquennaux de convergence, après quoi seulement les contribuables, les ménages, les entreprises et les associations d’outre-mer devraient contribuer, certes, à autofinancer le développement de leurs territoires et, s’il le faut, à l’autoentretenir.
Le Gouvernement a décidé de faire autre chose : diminuer de 52 % – 40 % en Guyane et à Mayotte – la réfaction de l’impôt sur le revenu. On prétend que cela va rapporter 70 millions d’euros. Or l’enveloppe totale est de 402 millions d’euros ; si l’on applique à cette enveloppe la diminution que j’ai évoquée, on obtient plutôt, par interpolation linéaire, méthode scientifique s’il en est, un chiffre de 200 millions d’euros d’économies. Mais on ne retrouve, dans la mission « Outre-mer », que 70 millions d’euros. Le même argument vaut pour la TVA NPR et pour la défiscalisation.
Nous nous sommes affrontés sur les chiffres. Vincent Éblé, président de la commission des finances, a bien voulu demander au Gouvernement de lui fournir des chiffres ; ceux qu’on nous a fournis sont obtenus à l’aide de méthodes pour le moins étonnantes.
Jusqu’ici, donc, le Gouvernement s’appuie sur des chiffres que nous estimons mal fondés, pour ne pas dire autre chose. L’affirmation selon laquelle 4 % seulement des contribuables outre-mer seraient impactés ne repose sur aucune justification. Nous avons compté, nous, 87 000 contribuables impactés, soit 27 % à 30 % des contribuables.
Sur la base de ces arguments, nous demandons la suppression de cet article. À défaut d’une telle suppression, nous défendrons des amendements de repli, qui recueilleront peut-être plus aisément la faveur du Sénat.