Monsieur le secrétaire d’État, je ne partage pas du tout cette vision, et j’aimerais que mes collègues puissent passer outre l’ésotérisme de cette question.
Vous avancez un certain nombre de chiffres : 4 %, 50 000 foyers. Il faut savoir que les outre-mer comptent 1 155 000 contribuables, dont 253 000 paient 838 millions d’euros d’impôt. Si les autres ne paient pas d’impôt sur le revenu, c’est parce que leurs revenus sont modestes, inférieurs à 10 000 euros par an.
Ce que je reproche au Gouvernement – il ne s’agit plus ici d’affrontement –, c’est son absence de vision. Nous sommes tous d’accord – nous disposons d’un rapport de 450 pages qui élucide cette question – sur le déficit d’intervention de l’État en matière d’équipements publics : il faut faire un effort ; il faut étaler cet effort ; il faut une vision. Et l’article 1er de la loi EROM dit tout là-dessus, en introduisant une planification !
Vous avez décidé de passer en force, brutalement, sans associer ni les élus ni les socio-professionnels. En plus – je me permets de vous le dire respectueusement –, vos chiffres sont faux. Plus de 87 000 personnes seront impactées, soit plus de 30 % des contribuables payant effectivement l’impôt.
Vous ne voulez pas attendre dix ans et souhaitez réformer immédiatement. Il n’y aura bientôt plus un centime d’argent frais, nous dites-vous, pour financer notre développement ; nous devons donc commencer à nous autofinancer, selon une conception du développement endogène, la vôtre, en vertu de laquelle la solidarité ultramarine doit jouer avant la solidarité nationale. Soit ! Mais ne nous trompez pas avec des chiffres qui sont absolument faux.
Ne nous dites pas non plus que vous allez organiser le développement à partir de Paris. Vous centralisez ! Nous savons qu’en exécution budgétaire, c’est-à-dire dans la régulation budgétaire, on ne verra pas « la couleur de l’argent », pour reprendre le titre d’un film. J’ai été ministre, je connais un peu le sujet. Je sais qu’on ne verra pas cet argent et qu’on devra venir à Paris quémander des subventions.
Aujourd’hui, sur 40 millions d’euros, à peine 30 millions d’euros sont consommés chaque année. Vous passez à 110 millions d’euros, alors qu’il aurait fallu prévoir, ne serait-ce que pour le CICE, plus de 400 millions d’euros. Exactement 569 millions d’euros auraient dû être inscrits dans la mission « Outre-mer ». Les économies faites sur la réfaction de l’impôt s’élèveront à 200 millions d’euros. Voilà la réalité !
Je peux entendre les réticences sur les amendements de suppression, mais montrez-vous plus souples sur les amendements de repli, qui visent à étaler l’effort demandé aux outre-mer sur deux ans, soit 25 % cette année et 25 % l’an prochain, sous réserve des remarques formulées par le rapporteur général et qui méritent des éclaircissements. Ce serait une attitude de sagesse et un compromis conforme à la culture qui est la nôtre au Sénat.