Intervention de Philippe Bonnecarrere

Commission des affaires européennes — Réunion du 29 novembre 2018 à 8h35
Institutions européennes — Communication sur la réunion conjointe avec la commission pour l'union européenne du sénat italien : rapport d'information de mm. jean bizet philippe bonnecarrère mme gisèle jourda mm. jean-françois rapin et simon sutour

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

J'ai eu le sentiment assez étrange que nous n'étions pas des parlementaires français en visite en Italie, mais les membres d'une délégation persane se rendant en Italie pour tenter de comprendre ce qui se passe en France.

Pour moi, cette situation à rebours est l'expression d'un double malaise, qui trouve d'abord son origine dans les politiques migratoires. La question migratoire est en effet très présente dans l'opinion publique italienne ce qui est, reconnaissons-le, également le cas en France.

Au-delà de cette convergence, j'ai l'impression de voir dans le système politique italien actuel le système politique français à venir, le M5S s'apparentant clairement au mouvement des « gilets jaunes » en France par sa culture à la fois « dégagiste », anti-système et participative jusqu'à l'outrance, et par l'omniprésence du rôle des réseaux sociaux dans sa stratégie. En outre, les difficultés actuelles de Forza Italia et du Parti démocrate italien ressemblent beaucoup aux difficultés que connaissent certaine formations françaises, ce qui me conduit à penser qu'une situation bipartisane assez proche de celle qui existe en Italie devrait prochainement s'établir en France.

Nos échanges mettent également au jour l'accentuation des faiblesses de l'économie française : l'Italie exporte pour 37 milliards d'euros de biens, de services et de marchandises vers la France, contre 31 milliards d'euros de la France vers l'Italie. Ce déficit commercial de 6 milliards d'euros n'empêche pas les Italiens de s'agacer de ce qu'ils appellent la « prédation » des grandes entreprises françaises. Il existe ainsi un paradoxe entre la réalité économique de notre pays et la bonne santé qu'affichent les sociétés du CAC 40. Notre déficit commercial est généralisé à la plupart de nos partenaires européens, y compris l'Autriche ou la Hongrie. Seuls nos échanges avec le Royaume-Uni se traduisent par un excédent commercial.

Ce déplacement m'a à la fois passionné et perturbé, parce qu'il conduit à un double regard assez pessimiste : un regard sur notre propre pays, dont on mesure bien les fragilités économiques et politiques, et un regard sur la réalité du couple franco-allemand qui, bien que nous continuions à le mettre en avant, relève peut-être davantage aujourd'hui d'une pure invention de notre esprit et d'une erreur de perception. Je relève ainsi que l'Italie est très intégrée au marché allemand. Dans le même temps, 70 % des fonds de cohésion hongrois alimentent le PIB allemand. Cet espace alémanique est une réalité plus tangible que notre binôme.

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