Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 29 novembre 2018 à 8h35
Institutions européennes — Réunion de la lxe conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires cosac : communication de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

J'ai participé, avec Philippe Bonnecarrère et Simon Sutour, à la réunion de la LXe COSAC qui s'est tenue à Vienne les 19 et 20 novembre.

Nous avons eu, en marge de la Conférence proprement dite, un échange fructueux avec nos amis du Bundesrat, en particulier mon homologue Guido Wolf avec qui j'ai pu convenir d'une déclaration commune qui repose largement sur les conclusions de notre groupe de travail débattues la semaine dernière.

La COSAC avait quatre thèmes à son ordre du jour : le bilan de la présidence autrichienne qui s'achève dans quelques semaines, le Brexit, les questions relatives à l'énergie et au climat et la transparence et le rapprochement de l'Union européenne des citoyens.

Sur la présidence autrichienne, Mme Karoline Edtstadler, secrétaire d'État auprès du ministre fédéral de l'Intérieur, a insisté sur le thème de l'Europe qui protège en soulignant notamment les efforts entrepris pour assurer la sécurité des frontières extérieures de l'Union européenne. Elle a dû toutefois constater l'absence de consensus sur le partage des responsabilités pour la gestion des flux migratoires. Les intervenants italiens ont précisément demandé à nouveau le soutien de l'Union européenne et une répartition équitable sur la base de dispositions contraignantes pour les États membres. La coopération extérieure doit par ailleurs être développée pour apporter les bonnes réponses à la racine des flux migratoires. Un sommet avec l'Afrique doit avoir lieu en décembre à Vienne, suivi d'un sommet avec la Ligue arabe en février 2019. La présidence autrichienne met aussi en avant ses actions pour le marché unique numérique et le renforcement de la compétitivité. Elle a par ailleurs engagé les discussions sur le prochain cadre financier pluriannuel, dont elle présentera un premier bilan lors du Conseil européen des 13 et14 décembre. Ayant mis le rapprochement des Balkans occidentaux de l'Union au coeur de ses priorités, elle salue logiquement les progrès accomplis dans les négociations avec la Serbie et le Monténégro, ainsi que le changement de nom de la Macédoine. Enfin, suivant la mise en oeuvre des recommandations de la task force sur la subsidiarité, elle soulignera dans les discussions au Conseil la nécessité de porter de 8 à 12 semaines le délai laissé aux parlements nationaux pour émettre des avis motivés. C'est un point sur lequel nous avions insisté dans notre contribution aux travaux de la task force. Simon Sutour et moi-même avons exprimé notre déception vis-à-vis de l'attitude fermée de M. Timmermans sur ce point.

Sur le Brexit, on doit d'abord relever la tonalité clairement opposée des déclarations des deux représentants britanniques. L'orateur de la Chambre des Communes, William Cash, a exprimé son impatience que le Royaume-Uni soit « libéré » de l'Union européenne. À l'inverse, le représentant de la Chambre des Lords, Lord Timothy Boswell of Aynho, a souligné la situation critique qui prévalait dans son pays. Il a relevé que, loin d'avoir rétabli l'identité du Royaume-Uni comme il était envisagé, le référendum avait au contraire exacerbé les divisions. Selon lui, le « no deal » serait la pire situation pour l'Irlande mais aussi pour les 4 millions de citoyens de l'Union ou du Royaume-Uni qui en subiraient les conséquences. L'opposition entre l'aveuglement de M. Cash et le pessimisme de Lord Boswell était l'expression même de cette fracture britannique.

Des débats qui ont suivi, je retiens d'abord l'hommage unanime à Michel Barnier qui a su maintenir l'unité des Vingt-Sept. Avant le Brexit, nous n'avions jamais encore éprouvé le sentiment d'être copropriétaires du marché commun. C'est un joyau à préserver - d'où l'architecture de l'accord conclu. Nous avons également exprimé un regret partagé de voir ce grand pays quitter l'Union européenne et le souhait de maintenir une relation étroite après le Brexit. Enfin, celui-ci pouvait aussi constituer un appel à réformer l'Union européenne : ne pas l'entendre serait une faute majeure. C'est d'ailleurs précisément le sens des travaux que nous avons menés ici même au Sénat en vue d'une refondation de l'Union européenne.

Sur l'énergie et le climat, le vice-président de la Commission européenne pour l'Union de l'énergie Maro efèoviè a fait valoir que l'Union de l'énergie était devenue une réalité en tenant compte des enjeux environnementaux pour parvenir à une économie décarbonée. Le paquet « énergie propre » a proposé une vision ambitieuse qui doit se refléter dans les politiques des États membres, en menant les réformes nécessaires pour traduire les objectifs arrêtés en commun. Selon M. efèoviè, ces objectifs seront d'ailleurs dépassés. C'est, selon lui, un effort global qui doit être conduit en impliquant tous les secteurs d'activité. Il suppose de bien gérer les questions liées à la souveraineté des États dans le mix énergétique. J'ai moi-même rappelé notre position : celle d'une bonne articulation entre le rôle de l'Union européenne et celui des États membres, qui doivent garder la maîtrise de leur mix énergétique. L'autre enjeu est celui du financement pour accompagner la transition vers une économie décarbonée, au coeur des turbulences que nous connaissons en France ces dernières semaines. M. efèoviè a appelé à une meilleure utilisation des crédits de recherche et développement. 35 % des crédits du programme Horizon Europe seront consacrés à des travaux liés au climat. Il faut également s'appuyer sur les nouvelles technologies et savoir retenir nos chercheurs qui s'expatrient aux États-Unis où ils trouvent de meilleures conditions.

Enfin, sur la transparence et le rapprochement des citoyens de l'Union européenne, beaucoup d'intervenants ont appelé à une plus grande transparence des délibérations du Conseil et à des mécanismes de décision plus simples et compris des citoyens. Avec Simon Sutour, nous avons insisté sur le rôle essentiel des parlements nationaux pour que le projet européen soit mieux compris et partagé par les citoyens. De ce point de vue, le contrôle de subsidiarité qu'ils exercent est largement perfectible. La Commission devrait répondre plus rapidement et plus précisément aux arguments soulevés par les parlements nationaux. En outre, les actes délégués ou d'exécution, auxquels la Commission européenne a trop fréquemment recours, devraient être transmis aux parlements nationaux aux fins de contrôle de subsidiarité, ces actes ayant vocation à compléter les actes législatifs. Malheureusement, la Task force « subsidiarité et proportionnalité », qui a présenté des pistes de travail en juillet dernier, n'a pas pris position sur cette question.

Il convient aussi de s'interroger sur l'efficacité d'un dispositif qui nécessite actuellement l'adoption d'avis motivés par un tiers des parlements nationaux pour aboutir, généralement, à un simple réexamen du texte. Ces avis motivés ne visent par ailleurs que les propositions de la Commission européenne et en aucune manière les compromis issus des négociations entre les co-législateurs. Le plus désolant est l'énergie considérable que nous devons déployer pour faire bouger les lignes. Là aussi, le besoin de plus de transparence se fait lourdement sentir.

Si l'on veut rapprocher l'Europe des citoyens, il faut que les politiques européennes répondent concrètement à leurs attentes. C'est l'enjeu de la dimension sociale du projet européen et du maintien d'une politique de cohésion forte dans le prochain cadre financier pluriannuel, afin de traduire en actes la solidarité indispensable à l'égard des territoires les plus démunis.

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