Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 30 novembre 2018 à 9h30
Loi de finances pour 2019 — Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais utiliser les quatre petites minutes qui m’ont été allouées pour aborder la question importante de la stratégie industrielle de l’État, qui devrait être au cœur des crédits de la mission « Économie », et je vais le faire en évoquant une opération à 10 milliards d’euros.

Dans leur récent rapport d’information, nos collègues Martial Bourquin et Alain Chatillon appellent l’État à renouveler sa vision stratégique en faveur de l’industrie. Nous souhaitons, avec eux, la redynamisation de l’outil actionnarial de l’État.

Dans ce cadre, la vente d’Aéroports de Paris, d’Engie et de la Française des jeux nous paraît un mauvais choix, dont la performance sera médiocre pour financer le soutien de l’innovation qui fera l’économie de demain. Au demeurant, madame la secrétaire d’État, nous souscrivons au constat que ce financement est nécessaire et urgent.

Cependant, cette opération est opaque et aucune explication fournie jusqu’ici par les membres du Gouvernement interrogés n’a été de nature à nous convaincre de sa pertinence. Contrairement à ce qui a été annoncé au départ, ce ne sont pas 10 milliards d’euros qui vont être affectés au soutien à l’innovation, mais le produit des dividendes générés par le placement des actions que vous allez vendre.

Madame la secrétaire d’État, comment justifiez-vous que le placement de ces 10 milliards d’euros produira, au mieux, un rendement de 250 millions d’euros, alors que, aujourd’hui, en prenant appui sur les chiffres les plus bas des années passées, les actions publiques des trois entreprises concernées ont rapporté à l’État de 850 millions d’euros, comme en 2017, à 1, 5 milliard d’euros, comme en 2012, soit autour de 1 milliard d’euros en moyenne, ce qui en fait des placements exceptionnellement profitables ?

Certes, vous allez réintégrer immédiatement 10 milliards d’euros, ce qui vous évitera peut-être de passer le cap symbolique des 100 % de PIB de dette publique. Mais quelle est la vraie logique de cette opération de vente et d’abandon de fleurons nationaux ? À qui profite-t-elle vraiment ?

Dans ces conditions d’incertitude et de risques, nous ne sommes pas favorables à ces privatisations. Pour éviter de revivre la calamiteuse opération de 2005 concernant les autoroutes, il faut que le produit des ventes de ces trois entreprises soit au moins égal à la somme, actualisée sur la très longue période, du produit des dividendes auxquels l’État va renoncer.

À cet égard, comment comptez-vous procéder et quels sont vos objectifs ? Rien dans les crédits de la mission ne nous permet de l’appréhender.

Toujours sur ce sujet des privatisations, vous avez annoncé envisager de monter au capital d’EDF dans le cadre de la donne nouvelle qu’induit la programmation pluriannuelle de l’énergie et la montée en charge indispensable des énergies renouvelables. La grande entreprise qu’est EDF ne doit pas être sacrifiée comme l’ont été d’autres secteurs de la production industrielle française dans le passé.

Ce qui s’est passé avec Alstom et AREVA, par exemple, nous fait craindre l’amorce d’un démantèlement de la filière nucléaire intégrée française.

Il y va de notre souveraineté nationale, du rôle et de la place géopolitique de la France en Europe et dans le monde de l’énergie. Il y va aussi du savoir-faire de très haut niveau des titulaires de centaines de milliers d’emplois directs et indirects.

Faute, à ce stade, de clarté dans votre stratégie, les inquiétudes sont fortes. Va-t-on vers un démantèlement de l’entreprise, aujourd’hui intégrée, et une revente à la découpe ? Je pense, par exemple, à RTE. Quelle place reviendra aux énergies renouvelables, à côté du nucléaire et de l’hydraulique ? Et, en lien direct avec le budget pour 2019, quel sera le niveau des nouvelles prises de participation et comment seront-elles financées dans le contexte que nous constatons, celui d’un endettement fort qui continue à s’accroître tendanciellement ?

Les réponses que vous apporterez à ces différentes questions, madame la secrétaire d’État, et le sort qui sera réservé à nos amendements détermineront le vote de notre groupe.

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