Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dispositif français de protection juridique repose sur un socle législatif vieux de plus de trente-cinq ans. Il va sans dire que de nombreux phénomènes sociétaux ont évolué au cours des trois dernières décennies et que de multiples facteurs conjugués, d'ordre démographique, sociologique et politique, rendent ce dispositif désuet et inadapté aux situations contemporaines.
Comme cela a été indiqué à plusieurs reprises lors de ce débat, l'espérance de vie augmente et le nombre de personnes âgées, voire très âgées, s'accroît : selon le recensement de 2004, une personne sur dix a soixante-quinze ans ou plus, soit deux fois plus qu'en 1962. De fait, le nombre de maladies ou de handicaps liés à la vieillesse augmente lui-même considérablement.
Par ailleurs, la mobilité suscitée par le marché de l'emploi engendre l'éclatement géographique de bon nombre de familles. Ainsi, les solidarités naturelles doivent être compensées par d'autres types de solidarités organisées.
Ce sont autant de raisons qui expliquent l'accroissement du nombre des tutelles et la nécessaire réforme de leur régime.
Toutefois, comme nous l'avons rappelé à maintes reprises, un autre facteur, et non des moindres, doit être pris en compte. La montée de la précarité et de l'exclusion a eu pour effet de voir des mesures de tutelles prononcées à l'encontre de personnes ne présentant aucun trouble mental, ni aucun handicap, mais « seulement » victimes d'exclusion. Or le traitement de leurs difficultés devrait relever de l'aide sociale.
Ce projet de loi vient enfin corriger les excès et le dévoiement du principe même de tutelle en recentrant ce dispositif sur les seules personnes dont les facultés mentales sont réellement altérées. Pour les autres, une mesure d'accompagnement social personnalisé est créée en amont.
La mise sous tutelle pour cause de prodigalité, d'intempérance ou d'oisiveté est désormais supprimée. Le projet de loi vise à redonner toute leur effectivité aux principes fondateurs de la loi du 3 janvier 1968 : nécessité, subsidiarité et proportionnalité des mesures de protection.
Il était urgent, en effet, de réaffirmer que les incapacités ne peuvent avoir qu'un caractère exceptionnel et que seules doivent être prises les mesures d'encadrement strictement nécessaires eu égard à la situation. Il s'agit de restreindre la liberté individuelle dans le cadre de ce qui est strictement nécessaire à la protection de la personne, ce que nous ne pouvons qu'approuver.
Toutefois, même si cette réforme a des effets bénéfiques sur le régime des tutelles, nous ne pouvons nous en satisfaire.
Si le débat en commission mixte paritaire a permis de revenir sur une dangereuse extension de la fiducie aux personnes physiques, en revanche, aucune réponse n'a été apportée à nos interrogations relatives au financement même des mesures d'accompagnement social personnalisé ; le groupe CRC avait déposé des amendements à ce sujet.
Cette mesure d'accompagnement social vient s'ajouter à des transferts de compétences récents vers le département, tels que l'APA ou le RMI, pour lesquels les compensations financières sont loin d'être suffisantes.
Vous comprendrez par conséquent notre scepticisme lorsque le Gouvernement nous assure que cette nouvelle charge sera intégralement compensée aux départements.
Par ailleurs, nous ne pouvons que fermement nous opposer à l'introduction dans le débat sur la protection juridique des majeurs d'amendements qui n'ont strictement aucun rapport avec le texte.
À ce titre, le Gouvernement fait appel à l'indulgence du Parlement et à de prétendus « problèmes à régler » pour déposer des amendements « en toute transparence », nous assure-t-il, à un moment où, pourtant, nul ne les attendait. La méthode est pour le moins pernicieuse : ce texte ayant été déclaré d'urgence, il n'y a pas eu de navette, et une seule lecture a eu lieu dans chaque assemblée.
Ces cavaliers - puisque c'est ainsi qu'il faut les nommer -, dont certains méritaient sans doute de faire l'objet d'un réel débat, ont donc été adoptés sans que nous ayons eu le temps de les examiner réellement.
Il nous paraît inacceptable que sur un texte déclaré d'urgence puissent être déposés des cavaliers tels que celui qui porte sur le transfert aux greffiers des tribunaux de commerce du registre national du commerce et des sociétés, géré jusqu'ici par l'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI ;...